Dans le cadre de l’exposition Baba Bling qui présente le mode de vie fastueux d’une communauté chinoise vivant à Singapour, les Peranakan, le musée du quai Branly a reçu un comédien d’exception, Ramesh Meyyappan.

D’exception, parce que le voir travailler est à la fois une leçon de théâtre et un vrai plaisir. Il sait mettre immédiatement à l’aise les participants à cet atelier qu’il a animé au milieu de six femmes et un homme, en les faisant se déplacer en tous sens, en leur montrant comment détendre leurs bras, leurs mains, leurs corps. Les exercices s’enchaînent avec une progression toute pédagogique, en douceur, expliqués par un interprète en Langue des Signes Internationale. D’abord, chacun se laisse guider par son nez, et se dirige là où il emmène son propriétaire. Puis c’est le visage qui entraîne, ensuite le nombril, et le corps suit. Vient le moment de se concentrer sur le nez, la bouche, les cheveux. Puis Ramesh Meyyappan fait travailler des postures, pour créer un personnage. Chacun joue celui qu’il a choisi et le caractérise visuellement : on voit se succéder un gros bourgeois façon Daumier, un écrivain penseur échevelé, une femme apitoyée au pied de son mari, un violoniste joyeux…

Le geste, le mime, s’expriment rapidement, dans deux formes de représentation : ils exposent en alternance le personnage et ses attitudes, où l’environnement dans lequel il évolue, une représentation à petite et grande échelle. L’enchaînement de l’une et de l’autre agit comme un zoom humain, pour jouer sur l’imaginaire. Au bout d’une heure, les sept stagiaires sortent transformés par cette expérience corporelle qui a mis en évidence des capacités expressives qu’ils ne pensaient pas posséder.

Dans les pas de James Thierrée et de Jacques Lecoq.

« C’est dur, c’est un métier, commente Ramesh. C’est le fruit d’une recherche, pour que le public me comprenne. Il y a des publics qui ne comprennent pas mes propositions, c’est une recherche permanente ». Il prend l’exemple de l’une des participantes à son atelier, qui a réalisé beaucoup de petits détails : « On peut aussi faire très simple, plus mimé. Cela dépend de la façon dont on sent les choses ». Et Ramesh Meyyappan enchaîne avec une mise en mouvement des personnages en se concentrant sur les mains : « C’est en alliant la main, le visage et le corps, en changeant d’échelle petite et grande, que l’on raconte une histoire. Ce mime est très ouvert à tous. Je n’utilise pas uniquement le mime traditionnel, je l’enrichis d’autres techniques de communication visuelle. Par exemple, je prends des éléments du Buto japonais et d’autres de cultures européennes, et je fais un mix. »

Ramesh s’inspire notamment du travail du comédien danseur James Thierrée, petit-fils de Charlie Chaplin : « En France, il y a beaucoup d’artistes de cirque qui sont très intéressants, et qui m’inspirent : c’est le pays du mime Marceau. Mais si le mime traditionnel se perd un peu, un artiste comme Jacques Lecoq a su le rénover en puisant dans les techniques de mime de par le monde, en les mixant dans une approche moderne. Je suis très intéressé par ce travail, ouvert aux influences artistiques. Il faut savoir adapter ces influences pour en obtenir un résultat pertinent, en Europe, la technique du masque est très différente de celles qui sont pratiquées en Asie. Ce qui m’intéresse aussi, c’est l’accessibilité. En tant que personne sourde, face à un artiste qui ne fait que parler, cela ne colle pas du tout. Alors que tout ce qui est physique et corporel m’intéresse. C’est un ensemble qui repose sur la langue des signes, l’expression du corps, qui fait que le travail est compréhensible par les sourds et les entendants. Le sens de mon travail, c’est trouver un mode d’expression théâtrale suffisamment ouvert pour que les publics sourds et entendants aient accès à l’ensemble du spectacle. »

« À Singapour, il y a beaucoup de mélanges, des Chinois, des Indiens, des Malais, on pratique quatre langues principales. Au théâtre, les publics sont mélangés, il y a un vrai contact entre sourds et entendants. En Europe, les entendants sont d’un côté et les sourds de l’autre, il y a moins de mélanges, d’intégration dans le public. Les nouvelles idées que je peux apporter dans le théâtre visuel et que je vois un peu partout dans la culture européenne, le cirque, et ailleurs dans le monde, c’est de constituer une langue visuelle, mondiale, accessible par tous, pour rassembler un public d’entendants et de sourds ».


Propos recueillis par Laurent Lejard, janvier 2011.


Ramesh Meyyappan sera de retour à Paris du 8 au 11 juin 2011 à l’International Visual Theatre pour représenter Snails and Ketchup.

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