Ancienne capitale de la Finlande, Turku (on prononce tourkou) est une ville de taille moyenne située à l’embouchure du fleuve Aura, à environ 150km à l’ouest d’Helsinki. Célèbre dans les pays nordiques, notamment depuis le grand incendie qui l’a ravagée en septembre 1827, cette cité fondée au XIIIe siècle, la plus vieille du pays, est pratiquement inconnue sous nos latitudes. Son accession au rang de capitale européenne de la culture devrait permettre de combler cette lacune.

Ville paisible aux larges trottoirs, Turku s’étire paresseusement de part et d’autre du fleuve qui la traverse. L’incendie de 1827, qui a fait peu de victimes, a certes fait disparaître la plupart des édifices antérieurs mais il a permis à l’architecte germano-finlandais Carl Ludwig Engel de repenser entièrement la disposition des rues et d’impulser une reconstruction dans l’élégant style néo-classique alors en vogue. Les époques suivantes ont ajouté leur propre style mais sans altérer le plan d’origine. Ainsi le Jugendstil (appellation germanique de l’Art Nouveau) est-il resté sage, de même que les réalisations architecturales modernes (Alvar Aalto) ou contemporaines.

L’impression d’espace qui se dégage du centre-ville, avec ses larges voies et ses beaux immeubles, se prolonge en bord de fleuve, où une longue promenade permet de rejoindre l’extrémité du port, sa forteresse médiévale (inaccessible) et son terminal ferry (la suédoise Stockholm n’est qu’à quelques heures de navigation). L’époustouflante collection de bateaux du Musée maritime ne se découvre que du dehors lorsque l’on est en fauteuil roulant mais cette seule vision est largement gratifiante ! L’intérieur du musée ne présente en revanche aucune difficulté d’accessibilité. Restauration possible sur place, parking, toilettes. Jusqu’à la fin du mois d’août, la gigantesque marguerite Daisy, oeuvre d’artistes locaux, ponctue à sa manière le paysage. D’autres installations tout aussi ludiques peuvent être découvertes en ville, au hasard des flâneries : l’art contemporain sans prise de tête !

À l’instar d’autres capitales européennes de la culture, Turku a profité de l’occasion pour rénover bâtiments publics et voirie, améliorant l’accessibilité et inaugurant au passage un nouvel espace culturel baptisé Logomo, en bordure du centre ville, près de la gare. Cet ancien atelier de réparation ferroviaire, accessible de plain-pied, présente plusieurs expositions dont la variété laisse songeur, sinon perplexe : cela va du football interactif (« Only a game ? ») sponsorisé par l’U.E.F.A, au très conceptuel « Alice au pays des merveilles » (installation vaguement inquiétante mêlant photographie et collection d’objets) en passant par le ludique « Fire ! Fire ! » consacré au feu dans tous ses états (les enfants adorent) pour se perdre dans l’érotisme gay avec Tom of Finland, enfant du pays disparu en 1991 (les enfants devront rester dehors)… D’autres expositions et événements (notamment des spectacles) se succéderont tout au long, et après, Turku 2011 mais le must de l’endroit, appelé à perdurer, reste… la cafétéria, étonnant environnement de lignes noires sur fond blanc où l’on ose à peine pénétrer mais qui offre une expérience visuelle et gustative totalement inédite ! Parking aisé, toilettes adaptées.

Turku 2011 implique par ailleurs des personnes handicapées dans une série d’événements, dont plusieurs montés par l’association TresholdBridge Builders : le festival du film handicap s’est déroulé en avril, le festival de danse en mai, reste le festival Taika prévu le 3 décembre lors de la journée européenne des personnes handicapées, et pour la clôture des manifestations de Turku 2011. Entretemps, le graphiste David Stevens accompagné du flutiste Simon Desorgher ont proposé, le 3 août, à des enfants handicapés, de créer un univers coloré au moyen du « Colourscape« . Et en novembre, la pièce Yhteys témoignera de la proximité culturelle de Turku et de Tallinn : écrite par le dramaturge estonien Martin Algus, elle montrera comment un adolescent entièrement paralysé communique avec le monde extérieur au moyen des techniques les plus perfectionnées, questionnant le public sur le sens de la vie.

En ce qui concerne l’accessibilité générale, le calendrier du site Internet informe sur les différentes adaptations : trois événements sont annoncés avec interprète en langue des signes (finnoise), deux avec audiodescription. Au Logomo des assistants aident les visiteurs handicapés sur réservation préalable.

Côté pratique, Turku ne manque ni d’hôtels ni de restaurants accessibles, et plusieurs compagnies de taxi disposent de véhicules adaptés pourvus de rampe. Le coût de la vie, inférieur à celui d’Helsinki, demeure toutefois élevé en regard des standards français (environ 30% de plus). En saison, outre un soleil qui tarde à se coucher, le climat est des plus agréables et les habitants, qui aiment faire la fête, s’avèrent d’une bonne humeur communicative ! L’anglais est couramment parlé. Pour s’y rendre, à moins d’arriver par bateau, passage obligatoire par la capitale : une navette aérienne existe entre les deux villes mais on peut aussi prendre le train (accessible de plain-pied par comble-lacune) : c’est moins cher, plus vaste quoique spartiate côté confort, et les annonces sonores, en finnois et en anglais, sont reprises sur écran. Toilettes adaptées. Compter 40mn de voyage en avion, deux heures en train.

panorama sur Tallinn depuis le terminal ferry

Et à Tallinn ?

Deux heures, c’est également la durée de la traversée Helsinki-Tallin en navette rapide (globalement accessible et confortable). L’arrivée sur Tallinn depuis la mer est une vraie carte postale de clochers, bulbes, tours et fortifications… L’antique cité hanséatique a peu changé depuis ce que nous en écrivions en avril 2009, à l’exception de la transformation de la friche industrielle du quartier Rotermann en immeubles de bureaux, commerces « tendance » et activités de loisirs. Le récent passage à l’euro permet d’apprécier un rapport qualité/prix plutôt avantageux, surtout comparé à la Finlande. Trois fois plus peuplée que Turku, Tallinn est également infiniment plus touristique, ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes, surtout lorsque les navires de croisière débarquent leurs grappes de passagers : foule compacte garantie dans le centre ancien !

À l’occasion de Tallinn 2011, le terminal croisière a été relié au quartier du port (mais, bizarrement pas au centre-ville) par un « kilomètre culturel » présentant les cultures dites alternatives : installations dans d’ancien baraquements et entrepôts, fresques murales, etc., le tout dans une atmosphère de délabrement post-soviétique assez sinistre. Quel contraste avec le Festival floral qui se déploie depuis trois ans, en juillet-août, au pied des remparts, ou avec la belle et longue promenade qui longe la mer en direction du quartier de Pirita ! On peut emprunter une partie de ce véritable balcon sur la Baltique pour se rendre dans le quartier de Kadriorg, où le palais du tsar Pierre Ier (accessible par rampes amovibles : demander aux gardiens) se dresse majestueusement au milieu des grands arbres. Un peu plus haut dans le parc, le Kumu, musée d’art moderne et contemporain parfaitement accessible, consacre jusqu’à la fin du mois de septembre une passionnante exposition aux nouvelles technologies, « Gateways« , qui interroge de manière parfois dérangeante notre rapport à l’Internet : où l’on (re)découvre que la vie privée ne pèse pas bien lourd face aux nouvelles technologies de l’information.

En centre-ville, l’opération ville européenne de la culture se fait plus discrète mais l’accessibilité générale s’est améliorée, au moins pour les personnes handicapées motrices (même si la voirie demeure pentue et pavée). Ainsi, le passionnant Musée d’Histoire de l’Estonie, installé dans l’ancienne Maison de la Grande Guilde, a-t-il été complètement réaménagé, avec une muséographie des plus contemporaines incluant les dernières technologies multimédia. Bâtiment médiéval oblige, l’accès fauteuil roulant se fait par scalamobil (assurez-vous au préalable auprès des gardiens que les batteries de l’engin ont bien été rechargées !), rampes amovibles et surprenant élévateur dans un espace minimaliste. Cartels disponibles en anglais, (somptueuses) toilettes adaptées en sous-sol.

Pour ce qui concerne l’histoire récente, notamment la période soviétique, le Musée des Occupations, accessible de plain-pied, propose des audioguides en français : aussi austère que les périodes qu’il présente, mais réellement intéressant. Ne manquez pas, en sous-sol (ascenseur), juste à côté des… toilettes (adaptées) les fragments de statues monumentales rescapés de cette époque troublée.

Non loin de là, la place de la Liberté (Vabaduse väljak en estonien) a été entièrement repensée, avec l’érection d’une sévère colonne de la Victoire honorant les Estoniens tombés durant la guerre d’Indépendance (1918-1920). L’esplanade, très minérale, est bordée de terrasses animées en saison, fréquentées principalement par les Tallinnois. Elle ouvre sur la vieille ville et, à l’opposé, sur un petit complexe sous-terrain permettant de passer sous le boulevard et comprenant un centre scientifique, un parking très design mettant en valeur les vestiges d’anciens remparts, et quelques boutiques. Le centre scientifique Ahhaa (sic) s’adresse aux familles : c’est, en plus petit, un équivalent local de la Cité des Sciences de la Villette. Un espace « Dialogue dans le noir » y a été installé à l’occasion de Tallin 2011, unique événement lié au handicap : accompagnés d’un aveugle, les visiteurs dûment pourvus de cannes blanches découvrent, dans la plus totale obscurité, une succession d’environnements et de situations avant de s’entretenir avec leur guide dans le « café dans le noir » qui clôture le parcours. Le concept, porté par une structure allemande, vaut surtout pour la dernière partie, qui permet de lier connaissance (en anglais) avec des Estoniens handicapés et de mieux comprendre leur quotidien. C’est aussi cela, la culture…

Jacques Vernes, août 2011.

Sur le web, le site de Turku 2011 présente tous les événements liés à la ville européenne de la culture, et notamment un calendrier prenant en compte les critères handicaps. Le site généraliste Turku Touring présente quant à lui (en anglais) la ville et les activités que l’on peut y pratiquer, mais son utilisation est assez malaisée. Mieux vaut consulter la partie française du site Visit Finland en entrant, par exemple, le critère « handicap » dans le moteur de recherche. Voyez également les sites spécialisés Travel for all (en français) et Finland for all (en anglais), dont les données, vérifiées et testées, sont tout à fait fiables. Côté estonien, le site officiel Tourism Tallinn s’est enfin mis au français et l’accessibilité (vérifiée) des différents lieux présentés est indiquée par pictogramme. Le site Tallinn 2011 parle en revanche plusieurs langues… mais pas le français et son utilisation n’est pas des plus commodes; ainsi le calendrier ne dit-il rien en matière d’accessibilité : dommage, d’autant que l’accès « fauteuil » des événements a été vérifié par un expert ! Pour des questions plus spécifiques relatives au handicap, n’hésitez pas à contacter cette association locale très active.

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