Si Nîmes (Gard) a conservé d’importants vestiges de son développement gallo-romain, elle ne disposait pas d’un musée moderne et accessible pour les présenter. Lacune comblée depuis début juillet avec l’ouverture du musée de la Romanité qui présente la fondation de la Nemausus antique et son évolution jusqu’au bas moyen-âge dans un immeuble conçu par Elisabeth de Portzamparc et son agence d’architecture qui a également réalisé la muséographie. Un bâtiment construit face aux célèbres arènes de Nîmes qui datent du premier siècle de notre ère et dont l’enceinte a résisté aux épreuves du temps et des occupants successifs. Si la création architecturale d’Elisabeth de Portzamparc a suscité des réactions contrastées, l’accessibilité culturelle est au rendez-vous ce qui est encore rare dans les nouveaux musées.

C’est une spécialiste, Caroline Jules, qui a travaillé sur cette accessibilité culturelle, et plus particulièrement à l’élaboration d’un parcours tactile : « J’ai travaillé en tant que consultante, contactée par le musée qui avait un projet d’accessibilité culturelle, explique-t-elle. J’ai collaboré avec l’agence Élisabeth de Portzamparc à l’élaboration d’un parcours à partir de janvier 2017, la scénographie était déjà élaborée. » Caroline Jules a été embauchée par cette agence pour réaliser une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage : « Il y a eu un gros travail de réflexion avec la conservatrice et le service des publics, sur les thèmes et objets à mettre en avant, pour emmener les visiteurs partout, aborder l’ensemble des thèmes, tout en faisant des choix. Par exemple, faire toucher une pince à épiler qui est globalement identique à celle d’aujourd’hui. Pour ce qui concerne la mosaïque de Penthée, c’est un peu la Joconde de ce musée : on a conçu un écran vidéo associé à des images tactiles, pour avoir une vision globale des formes de la mosaïque et quelques détails. Le parcours propose également des tables d’objets usuels, de création de mosaïques, ou dédiés à l’As de Nîmes. » Cette monnaie locale est ornée d’un crocodile devenu depuis l’emblème de la ville : il figure sur le blason Renaissance, le logo de la ville moderne et nomme familièrement l’équipe professionnelle de football.

Outre le tactile, trois parcours sonores sont proposés : grand public, visiteurs déficients visuels avec une audiodescription réalisée par Polymorphe Design, et un véritable parcours conçu pour les visiteurs handicapés intellectuels. « Ce n’est pas un parcours enfants, poursuit Caroline Jules, mais un véritable travail en langue Facile à lire et à comprendre (FALC), écrit par des personnes formées à cette technique et testé avec des adultes handicapés mentaux. Ce parcours FALC couvre tous les espaces utilisant des éléments tactiles, présente des objets placés en vitrine, donne des indications de repérage pour se déplacer. » Ces parcours adaptés sont en cours de finalisation pour intégrer dans le courant de l’automne l’audioguide du musée, de même qu’un visioguide en Langue des Signes Française. Il reprendra des points d’intérêt du parcours grand public, avec un texte conçu et réalisé par des Sourds. Le musée n’a toutefois pas prévu d’accessibilité culturelle pour les expositions temporaires. « L’idée est que les personnels du service des publics réalisent les adaptations en interne », ajoute Caroline Jules. L’expérience montrera si le transfert de compétences que cela nécessite est efficace.

En tout cas, Caroline Jules apprécie d’avoir participé à la création d’un nouveau musée et d’avoir disposé des moyens nécessaires : « C’est l’intérêt de travailler sur un lieu neuf, avec une grande liberté au niveau des choix esthétiques même s’ils correspondent à la muséographie. On a travaillé et installé en même temps, avec une écoute attentive de l’agence de Portzamparc. Il a fallu faire réaliser du mobilier, de la signalétique, en les intégrant au graphisme, à la couleur. On a eu une oreille très attentive de la direction du musée. On est un peu dans l’expérimentation, même en matière de handicap mental. Ma grande satisfaction, ce sont les éléments tactiles réalisés par Tactile Studio. Un bémol, il n’y a pas d’autonomie totale. Mais on n’a pas fait de sacrifices. Ce qui est compliqué, c’est le soclage des objets [fixation sur table ou support NDLR] qui ne peuvent de ce fait être soulevés. Par exemple, le strigile devrait pouvoir être tenu à la main, mais il a fallu le coller. » Côté finances, elle a disposé des moyens nécessaires : « On avait un budget de 50.000€ pour le parcours tactile, hors mobilier et soclage couverts par le budget de la muséographie. De même, le parcours audiodécrit et le visioguide sont pris en charge sur d’autres postes de dépenses. Il n’y a pas eu d’obstacle budgétaire. »

Satisfaite de cette réalisation, Caroline Jules va maintenant se consacrer à un autre parcours multisensoriel, qui va l’occuper pendant de nombreux mois au musée d’Aquitaine, à Bordeaux, qui emploie l’un des rares guides conférenciers aveugles, Nicolas Caraty. À l’horizon 2020, ce musée en cours de rénovation comptera de 20 à 30 stations tactiles. Des réalisations à suivre et visiter…

Laurent Lejard, septembre 2018.

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