C’est la jurisprudence qui a consacré le préjudice moral, lequel a certes évolué mais ne donne pas lieu à l’attribution de montants importants au regard de la souffrance de ceux qui subissent un dommage d’une certaine gravité. La Doctrine a souvent critiqué ce préjudice essentiel de la réparation estimant que, d’une part, d’un point de vue éthique une somme d’argent ne pouvait compenser la souffrance, et d’autre part, que l’évaluation de ce préjudice était subjective et donc difficilement quantifiable. Pour la victime, le préjudice moral est un droit fondamental qui est très fréquemment évoqué mais rarement indemnisé. Ne pas reconnaître pleinement ce préjudice en l’indemnisant totalement, c’est en partie nier le Droit fondamental de la réparation intégrale du préjudice de la victime.
Récemment, la 1ère Chambre de la Cour d’Appel de Paris a rendu trois arrêts allouant aux victimes gravement endommagées par l’amiante des indemnités au titre du préjudice moral qui étaient conséquentes, soit 76.000 €, mais le taux d’Incapacité Physique Permanente (I.P.P) était de 100% ! De rares décisions ont alloué des indemnités au titre du préjudice moral à des victimes estimant que « la perte irréversible et majeure de la qualité de vie personnelle et sociale » justifiait l’allocation d’une indemnité distincte de celle allouée au titre des autres préjudices comme le pretium doloris.
Ces jurisprudences sont importantes puisqu’elles reconnaissent le Droit à la personnalité, à la qualité de la vie, à la vie sociale, à l’identité perdue de la victime surtout lorsque l’image de soi est modifiée, déformée ou brisée. La perte de la qualité de vie pour une personne handicapée est un Droit essentiel que l’on ne peut que reconnaître et indemniser largement pour faire droit à la réparation intégrale de son préjudice. L’évolution de cette jurisprudence est donc à suivre.
Par ailleurs, pour les proches de la victime que l’on appelle les victimes par ricochet, la réparation de leur préjudice moral est prise en compte par les Tribunaux; cependant les montants alloués sont faibles au regard des réelles souffrances endurées. Les proches sont : les parents, les enfants, soeurs et frères, fiancé(e), concubin(e). Ce sont donc les tiers liés à la victime par des liens de parenté, d’alliance ou d’affection particulière.
Il est certain que l’on ne peut « commercialiser la douleur ». La douleur qu’elle soit physique ou morale ne s’achète pas, ne se vend pas. L’homme de loi dans ce domaine délicat doit veiller à ne pas utiliser des mots à connotation péjorative au regard d’une certaine éthique. La douleur morale causée à quelqu’un ne peut être réparée, mais tout au moins apaisée par une indemnité conséquente. Les Tribunaux allouent, en moyenne, en cas de décès, à titre d’indemnisation du préjudice moral, les sommes suivantes :
– Décès du conjoint : de 10.0000 à 20.000 €
– Décès enfant : de 5.000 à 25.000 €
– Décès père/mère : de 5.000 à 25.000 €
– Décès frère/soeur : de 3.000 à 8.000 €
Le préjudice moral pour les proches de la victime s’analyse comme la douleur consécutive à la perte d’un être cher ou à la vue de la victime dans un état de souffrance morale et/ ou physique, conséquences dommageables d’un accident, d’une infraction, d’un acte médical ou autres. Que de même, lorsqu’une victime souffre moralement et/ ou physiquement, ses proches, dans leur vie quotidienne ressentent cette souffrance et la subissent aussi fortement que la victime elle- même.
La reconnaissance du préjudice moral pleinement indemnisé constitue aussi pour les victimes et leurs proches, la garantie d’une réparation intégrale de leurs préjudices, selon les voeux de la Cour de Cassation.
Catherine Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau, janvier 2005.