En novembre 2003, un jeune retraité a fait une chute alors qu’il aidait son voisin à élaguer les arbres de son jardin. Cet accident l’a rendu paraplégique. Le voisin avait souscrit successivement deux contrats d’assurances multirisques habitation auprès de deux compagnies distinctes. Toutes deux refusèrent de prendre en charge le sinistre, l’une estimant que le contrat avait été résilié avant la survenance de celui-ci et que la déclaration en avait été formulée après cette date, la seconde considérant notamment que la victime avait commis une faute de nature à exclure toute indemnisation.
Fin 2004, la victime rencontrait son avocat et lui expliquait les conséquences dramatiques de son accident. L’avocat le rassura et lui dit que, avec de la patience certes, il obtiendrait judiciairement à son bénéfice la réparation de son entier dommage corporel. L’avocat saisit donc en référé le président du Tribunal de Grande Instance de Paris, à l’effet d’obtenir d’une part une provision (bien que celle-ci fût discutable) et d’autre part, surtout, la désignation d’un expert médical et d’un expert technicien pour apprécier le logement adapté, les aides techniques nécessaires et le véhicule adéquat.
Le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris, par ordonnance de janvier 2005, se déclara effectivement incompétent pour allouer une quelconque provision (cette décision était fondée, car le juge des référés n’est pas compétent lorsqu’une demande présente une contestation sérieuse), cette demande relevant de la compétence du Tribunal; en revanche, il fit droit aux deux demandes d’expertise. L’avocat saisit alors sur le fond de d’affaire le Tribunal de Grande Instance de Paris pour faire reconnaître le droit à indemnisation de son client.
Entre-temps, l’expertise médicale se déroulait, la victime étant assistée par son médecin de recours et son avocat. L’expert judiciaire constata que la victime était atteinte d’une paraplégie et retint notamment un taux d’I.P.P de 73 %, ainsi que la nécessité d’assistance d’une tierce personne active pour cinq heures par jour. L’avocat contesta au stade de l’expertise l’évaluation concernant la tierce personne, car aucune aide passive n’avait été retenue, ce qui mettait en cause la qualité de la vie et la sécurité de la victime. Il adressa en cela un dire à l’expert judiciaire, qui déposa son rapport en août 2005 en maintenant son évaluation.
Par ailleurs, lors de l’expertise technique au cours de laquelle l’avocat assistait son client, l’ensemble des préjudices fut pris en compte, et le deuxième rapport déposé en septembre 2006. Devant le Tribunal, les parties échangèrent plusieurs conclusions. Les deux compagnies d’assurances, pour leur part, refusèrent de prendre en charge le sinistre, tandis que la victime complétait sa demande au titre de l’indemnisation de son dommage corporel.
L’audience des plaidoiries eut lieu en février 2007, et le 29 mars 2007, un jugement fut rendu, qui donna gain de cause à la victime et aux ayants droit. Le Tribunal reconnaissait l’existence d’une convention d’assistance bénévole entre la victime et son voisin, comme l’avait soutenu à juste raison son avocat. Le Tribunal écartait la faute de la victime et lui allouait trois heures supplémentaires de tierce personne passive, contrairement à l’avis de l’expert judiciaire. Ainsi, la tierce personne a été finalement évaluée à huit heures par jour, avec un taux horaire respectif de 15 et 10€. L’indemnisation totale de la victime, âgée de 61 ans au jour de la consolidation, a été de l’ordre de 1.150.000€ en capital. Ce jugement est maintenant définitif.
Ainsi, ce jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris a donné gain de cause à la victime et à sa famille. Une fois encore, une bonne solution du litige n’a été possible qu’en raison de l’étroite collaboration et de la confiance mutuelle entre l’avocat et son client tout au long de la procédure. Si cette confiance est toujours essentielle, elle l’est plus encore dans le cadre de la réparation du préjudice corporel car le montant de l’indemnisation conditionne souvent la vie des personnes en situation de handicap.
Le processus d’indemnisation dans les dommages corporels importants est lent. Les victimes doivent donc s’armer de patience. Cette attente en vaut la peine, lorsque l’indemnisation qu’elles obtiennent, réparent leurs dommages et leur permettent d’envisager leur avenir en toute sérénité et en toute sécurité.
Catherine Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau, décembre 2007.