Catherine Meimon Nisenbaum, avocate à la Cour, spécialisée dans l'indemnisation du préjudice corporel.

En décembre 2001, un conducteur âgé de plus de cinquante ans circule en voiture avec son épouse sur l’autoroute lorsqu’un terrible accident survient, mettant en cause quatre véhicules. Le conducteur, éjecté de son véhicule, est gravement blessé (traumatisme crânien grave) et son épouse décède quelques heures plus tard. Les quatre compagnies d’assurances refusent d’indemniser le conducteur victime de son dommage corporel, estimant à tort qu’il était seul responsable de l’accident et qu’il ne peut donc prétendre à aucune indemnisation.

C’est dans ces conditions que son représentant légal et sa famille confient à l’avocat le soin de défendre ses intérêts. Après lecture du procès-verbal de police et bien que les responsabilités soient délicates à apprécier, l’avocat accepte de défendre les intérêts de cette victime. Il décide de saisir immédiatement le Tribunal de Grande Instance de Paris pour faire trancher, dans un premier temps, la responsabilité de l’accident. Devant ce Tribunal, les compagnies d’assurances contestent le droit à indemnisation et estiment le conducteur entièrement responsable de l’accident.

La lecture du procès-verbal de l’accident montre que les circonstances de celui-ci étaient difficiles à apprécier : il y avait eu un ralentissement, des freinages, des traversées des couloirs de circulations du véhicule de la victime, des carambolages. Ainsi, chacune des parties, dans ses conclusions, analysait les circonstances de l’accident à son avantage. L’avocat du conducteur conclut que son client n’était pas responsable de l’accident et qu’il est en droit d’obtenir une réparation intégrale de son dommage corporel.

L’affaire fut plaidée, et en octobre 2004, la 19e Chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Paris rendit un jugement déboutant le conducteur de ses demandes, aux motifs qu’il avait commis des fautes et qu’il était seul responsable de l’accident. Cependant, le Tribunal condamna la propre compagnie d’assurances du conducteur à lui verser une provision de 10.000€ au titre de sa garantie assurance conducteur.

L’avocat du conducteur conseilla vivement à son client de faire appel de cette décision, qu’il estimait non fondée. Il pensait en effet que pour le moins, le partage des responsabilités devait être retenu. Son client accepta. Les échanges de conclusions furent également nombreux devant la 17e Chambre de la Cour d’Appel de Paris. Là encore, les quatre compagnies d’assurances et leurs clients demandèrent à ce que le jugement du Tribunal de Grande Instance soit confirmé, tandis que l’avocat du conducteur demandait l’infirmation de cette décision. En janvier 2006, un premier arrêt confirma partiellement le jugement querellé et considéra que le conducteur était responsable de l’accident à hauteur de la moitié. Il y eut donc un partage de moitié des responsabilités. La Cour alloua une provision complémentaire de 15.000€ et ordonna une expertise médicale avec mission d’évaluer le préjudice corporel de la victime.

Ainsi l’expertise judiciaire allait-elle commencer, avec la certitude pour la victime d’obtenir la moitié de son indemnisation, ce qui était pour elle très important, puisque jusqu’alors on lui avait tout refusé. L’avocat a donc mis en place pour son client l’assistance d’un médecin-conseil spécialisé en matière de traumatisme crânien, qui reconstitua l’entier dossier, dressa un rapport à l’attention de l’expert judiciaire. L’expert judiciaire s’adjoint un sapiteur (expert) neurologue, qui sait apprécier une personne traumatisée crânien. L’avocat également présent à ce stade de la procédure, assista son client durant l’expertise judiciaire et intervint tout particulièrement sur l’évaluation de la tierce personne. En septembre 2005, les experts déposèrent leur rapport. Ils retenaient notamment une consolidation à l’age de 56 ans, un taux d’IPP de 78 %, et 14 heures par jour de tierce personne.

L’affaire revint donc devant 17e Chambre de la Cour d’Appel de Paris. Les parties échangèrent à nouveau des conclusions, mais cette fois-ci uniquement sur le montant des indemnisations. Les désaccords entre les parties étaient importants, notamment sur le barème de capitalisation, le montant des postes d’indemnisation, le préjudice professionnel, le règlement des indemnités en capital ou en rente, etc. Toutes les demandes présentées par l’avocat du conducteur furent contestées par les compagnies d’assurances. La 17e Chambre de la Cour d’Appel de Paris, par arrêt du 10 décembre 2007, donna en grande partie gain de cause au conducteur victime et lui alloua une somme en capital de plus de 960.000€, ainsi qu’une rente annuelle de 31.700€ au titre de la tierce personne, et le remboursement des frais de procédure.

Cette affaire se termine donc bien. La victime et sa famille ont eu raison de croire en la justice. Malgré le partage de responsabilité et l’âge de la victime, qui était préretraitée, les indemnités obtenues sont très satisfaisantes et vont lui permettre, enfin, de vivre décemment. Cette famille a été très unie tout le long de cette procédure pour assurer, notamment, la mise en place de la tierce personne de la victime. Une fois encore, la confiance qui lie l’avocat à son client a permis de mener à bien cette procédure, qui fut longue mais satisfaisante.


Catherine Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau, janvier 2009.

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