Catherine Meimon Nisenbaum, avocate à la Cour, spécialisée dans l'indemnisation du préjudice corporel.

En février 1994, à La Réunion, une jeune femme de 27 ans a subi des sévices de son mari qui, ivre, l’aspergea d’acide sulfurique, lui provoquant des brûlures épouvantables. Cette jeune femme fut admise dans des services pour grands brûlés et elle dut subir de multiples interventions chirurgicales, ainsi que des soins de rééducation. Ainsi meurtrie dans sa chair, elle devait aussi se défendre pour obtenir une juste indemnisation.

Le préjudice moral subi par cette femme est incommensurable. Dans un article qu’elle a écrit, elle raconte avec une extrême sensibilité et une extrême pudeur ce qu’elle a vécu.

En juillet 1994, Le Tribunal Correctionnel de Saint-Denis de la Réunion condamnait « l’époux » à une peine d’emprisonnement de dix années assortie d’une mise à l’épreuve de deux ans. La victime saisit la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) de Saint-Denis de la Réunion, qui désigna en 1999 un expert judiciaire médical à l’effet d’évaluer son préjudice corporel. En 2003, un expert sapiteur O.R.L fut désigné. En 2004, un premier rapport fut déposé, estimant que la victime n’était pas consolidée. En 2006, la victime sollicitait à nouveau la CIVI de Saint-Denis de la Réunion, qui désigna l’expert judiciaire, lequel déposa son rapport définitif en novembre 2006.

La jeune femme n’était pas satisfaite. En 12 années, elle n’avait obtenu que la somme provisionnelle de 95.000€, alors qu’elle était sans emploi et devait élever seule ses enfants. Durant l’expertise judiciaire, elle n’était pas assistée, et les conclusions de l’expert judiciaire n’étaient pas satisfaisantes. Enfin, on lui avait offert une indemnité complémentaire définitive de 100.000€, ce qui portait la réparation de son dommage corporel à la somme totale de 195.000€.

En novembre 2006, elle décidait de changer d’avocat et de confier la défense de ses intérêts à un avocat spécialisé. Celui-ci, devant le désarroi de cette femme, décidait immédiatement de ramener cette procédure devant la CIVI de Marseille et de solliciter une nouvelle expertise judiciaire, afin qu’il soit statué sur les chefs de préjudices omis et sur ceux qui avaient été sous-évalués.

Cette nouvelle expertise judicaire permit à la victime d’obtenir une provision complémentaire à hauteur de 70.000 €. La victime a subi un nombre impressionnant d’hospitalisations et d’interventions chirurgicales. Ses brûlures concernent 10 % de sa surface cutanée et ont atteint essentiellement la face, l’oreille, les mains, le thorax et les membres supérieurs. Devant la souffrance de cette femme et considérant la longueur de cette procédure d’indemnisation, l’avocat spécialisé décidait, après avoir mis tout en place et avec l’accord de sa cliente, de tenter une transaction avec le Fonds de Garantie.

Un premier rendez-vous d’expertise médicale amiable fut décidé avec le Fonds de Garantie, qui avait pour objet de compléter et de vérifier les conclusions de l’expertise judiciaire. Cette expertise fut un échec, car le résultat obtenu ne fut nullement convaincant. L’avocat spécialisé discuta de nouveau avec le Fonds de Garantie pour le convaincre de recommencer une nouvelle expertise amiable, en désignant cette fois-ci un expert spécialisé en chirurgie des grands brûlés. L’avocat et le Fonds de Garantie se mirent d’accord sur le choix d’un expert médical unique.

En septembre 2008, un rendez-vous d’expertise était fixé en présence de la victime, de l’expert médical choisi par les parties, de l’avocat de la victime et du Fonds de Garantie. Cette expertise fut longue, riche et nécessaire. Enfin, la victime avait le sentiment qu’elle était entendue, comprise, évaluée non comme un objet mais comme un être humain, au point qu’elle narrait sa vie parfois même dans un sanglot libérateur. L’avocat était heureux, car on était bien au-delà du principe même de l’indemnisation.

Le rapport du médecin spécialisé fut déposé et accepté par les parties. Furent notamment retenus : un taux d’IPP de 39 %, des souffrances endurées fixées à 7/7, un préjudice esthétique de 6/7 et un besoin en tierce personne à raison de trois heures par jour pour la victime, sans compter l’aide nécessaire pour ses enfants.

Une discussion intervenait alors entre l’avocat et le Fonds de Garantie, pour tenter d’obtenir un règlement amiable et satisfaisant de ce litige, ce qui fut fait. Un accord amiable fut conclu en avril 2009, allouant à la victime un capital de 699.000€ ainsi qu’une rente viagère au titre de la tierce personne de 3.900€ par trimestre, représentant la somme capitalisée de 302.000€, soit au total une indemnisation de 1.000.000€ : on était loin du montant de l’indemnisation initiale !

Cette femme était enfin heureuse car l’indemnisation qu’elle obtenait était sans commune mesure avec l’offre qu’on lui avait initialement faite. Son avenir avec ses enfants est devant elle, mais cet avenir, elle l’a toujours eu, car cette femme a une grâce naturelle, et elle ne s’est jamais plainte, ce qui est une chose admirable. Elle a toujours mis sa force au service des autres, en aidant les personnes handicapées dans diverses associations. La confiance qu’elle a mise en son avocat a permis que cette procédure se termine vite et bien, avec le concours du Fonds de Garantie.


Catherine Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau, septembre 2009.

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