En France, fin 2002, un jeune homme qui conduisait un véhicule a été victime d’un grave accident de la circulation. D’abord percuté par l’arrière, puis par un second véhicule arrivant en sens inverse, il était éjecté de son siège pour se retrouver à l’arrière de son véhicule. Il subit de ce fait un traumatisme crânien important. Les compagnies d’assurances lui reprochèrent le non port de sa ceinture de sécurité, ce qui entraînait selon elles une réduction de 35% de son droit à indemnisation. Il convient de préciser que le procès-verbal de gendarmerie retenait à l’encontre de la victime une contravention de deuxième classe pour défaut de port de la ceinture de sécurité. Il est toujours très difficile de discuter les mentions d’un procès-verbal de police ou de gendarmerie.
Durant quatre années, la victime discuta seule, à l’amiable, la réparation de son dommage corporel avec les compagnies d’assurances et obtint une provision totale de 50.000€. Fin 2005, la victime demandait à un avocat spécialisé de la défendre. Devant les contestations soulevées par les compagnies d’assurances, d’une part sur le non port de la ceinture de sécurité, et d’autre part sur l’évaluation du préjudice corporel, l’avocat spécialisé décidait de saisir immédiatement la justice. Par ordonnance rendue en janvier 2006, le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris désignait, à la demande de l’avocat, deux experts judiciaires : un expert médical et un expert en accidentologie. Compte tenu de la contestation sérieuse soulevée par les défendeurs, une provision complémentaire de 10.000€ était allouée à la victime.
Il était capital dans cette affaire d’établir que contrairement aux indications du procès-verbal de gendarmerie retenues par les compagnies d’assurances, le non port de la ceinture de sécurité n’était pas établi et qu’en tout état de cause, compte tenu de la gravité des lésions, le défaut du port de la ceinture de sécurité n’aurait pas modifié la gravité du dommage corporel. Ce faisant, les compagnies d’assurances ne pouvaient pas se prévaloir d’une réduction de 35 % du droit à indemnisation. Durant les opérations d’expertise, la victime fut assistée par son avocat spécialisé et par son médecin-conseil de victimes. Les compagnies d’assurances étaient également assistées par leurs avocats et médecins-conseils d’assurances. Des réunions d’expertise eurent lieu, des dires furent été échangés et fin 2007, les experts judiciaires déposaient leur rapport.
L’expert judiciaire médical concluait que la victime avait subi un traumatisme crânien grave. Les conclusions de l’expert en accidentologie étaient exceptionnelles. Il concluait que dans le cadre d’un choc arrière puis d’un choc latéral, le non port de la ceinture de sécurité n’est pas certain. De plus, une absence du port de la ceinture de sécurité par la victime n’aurait aucune influence en ce qui concerne l’emplacement des blessures et leur gravité. Après le dépôt du rapport des deux experts judiciaires et pour ne pas perdre de temps, l’avocat spécialisé assignait immédiatement les défendeurs devant le Tribunal de Grande Instance de Paris et saisissait conjointement le magistrat de la mise en état pour obtenir une provision complémentaire. Après échanges de conclusions et pièces, et audience de plaidoirie, le juge de la mise en l’état rendait son ordonnance en juillet 2008 et allouait à la victime une provision complémentaire de 150.000€. Le procès se poursuivit devant la 19e chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris, l’avocat de la victime soutenant qu’il ne pouvait être opposé à son client une quelconque réduction de son droit à indemnisation et sollicitant également une indemnisation importante de son dommage corporel.
Les parties échangèrent des pièces et conclusions,et leur désaccord était total. L’affaire fut longuement plaidée, et un jugement rendu en septembre 2009, qui donnait entière satisfaction à la victime. Le Tribunal jugeait que le non port de la ceinture de sécurité invoqué par les compagnies d’assurances n’était pas établi et surabondamment rappelait les conclusions de l’expert judiciaire, à savoir que le non port de la ceinture de sécurité n’était pas certain, et qu’en tout état de cause l’absence du port de la ceinture n’aurait aucune influence tant en ce qui concerne l’emplacement des blessures que leur gravité. Par conséquent, le droit à indemnisation de la victime demeurait total.
Le Tribunal alloua donc à la victime une indemnité en réparation de son préjudice corporel de l’ordre de 2.250.000€, comprenant une somme en capital de l’ordre de 1 million d’euros et une rente viagère trimestrielle de 11.600€ au titre de la tierce personne. Si la victime n’avait pas été assistée d’un avocat spécialisé, la compagnie d’assurances aurait été seule juge du montant de son dommage corporel et aurait en plus déduit 35% de son droit à indemnisation pour non port de la ceinture de sécurité, ramenant ainsi les droits de la victime à une faible indemnisation.
Ce jugement est définitif. Il est exceptionnel, car il est rare d’une part, que des expertises en accidentologie soient demandées et obtenues et d’autre part, qu’elles concluent de cette manière. La victime a attendu longtemps pour obtenir la réparation de son préjudice corporel, elle a fait appel tardivement à un avocat spécialisé, mais elle a obtenu entière satisfaction de la Justice, et ce au-delà de ses espérances, grâce à sa ténacité, à son courage, et à la confiance qu’elle a eue en son avocat. La victime a su très bien organiser sa vie, notamment grâce à l’amour et à la complicité de sa famille, qui ont été essentielles dans la procédure d’indemnisation.
Catherine Meimon Nisenbaum,
Nicolas Meimon Nisenbaum,
avocats à la Cour,
février 2011.