En juin 2001, un automobiliste tombe en panne sur l’autoroute. Il décide alors d’abandonner son véhicule pour le récupérer plus tard. Le lendemain soir, accompagné de son épouse, il attache son véhicule avec une simple corde à celui de son épouse et prend place au volant de sa propre voiture en panne. Son épouse le remorque ainsi, sur la bande d’arrêt d’urgence, lorsque soudain il est percuté très violement par une autre voiture.
Les conséquences de cet accident sont très graves : la victime, père d’une famille nombreuse, âgé de 45 ans, est devenue paraplégique. La victime fait d’abord appel à un premier avocat, qui lui obtint à l’amiable des provisions, mais qui n’a pas fait trancher la responsabilité. En 2004, elle décidait de changer de conseil et prenait un avocat spécialisé, qui saisissait immédiatement le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris à l’effet d’obtenir la désignation de deux experts judiciaires, l’un médecin et l’autre architecte, pour notamment se prononcer sur les aménagements du logement adapté. Une seconde ordonnance était rendue en janvier 2005, qui désignait un expert judicaire pour les aides techniques et le véhicule adapté.
Il faut savoir qu’il est en effet rarement possible d’obtenir satisfaction à l’amiable avec les compagnies d’assurances, surtout lorsque le droit à indemnisation peut être contesté. La procédure judiciaire doit alors être mise en place rapidement, ce qui fut fait. Les experts judiciaires ont convoqué les parties, la victime était assistée durant les opérations d’expertise par son avocat spécialisé et son médecin-conseil pour l’expertise médicale, et par son avocat spécialisé pour l’expertise technique. Les experts judiciaires ont déposé leurs rapports en février 2005 et septembre 2006. Entretemps, le Tribunal de Grande Instance de Paris avait été saisi par le conseil de la victime, et la compagnie d’assurances a immédiatement soulevé plusieurs supposées fautes de conduite de la victime pour limiter de moitié son droit à indemnisation :
« Le fait d’avoir fait tracter son véhicule avec une corde dans des conditions illicites et sans éclairage, ni plaque réfléchissante arrière ; de s’être déporté sur la voie de droite, sur laquelle circulait le véhicule impliqué, et ce du fait de l’attelage précaire ; d’avoir circulé illégalement sur la bande d’arrêt d’urgence ; d’avoir circulé sur une route nationale à une vitesse anormalement réduite (30 km/h). »
Les conclusions échangées entre les parties ont été très importantes. L’avocat spécialisé de la victime a contesté point par point ces prétendues fautes reprochées à son client. L’avocat spécialisé a aussi contesté l’évaluation du dommage corporel de la compagnie d’assurances, qui était très basse. Il convient de relever que, compte tenu du partage de responsabilités et d’une évaluation faible du dommage corporel, la compagnie d’assurances offrait devant le Tribunal d’indemniser la victime pour la somme totale de 523.621€.
Après plaidoiries des parties et remise de volumineux dossiers de plaidoiries au Tribunal, un jugement parfaitement bien motivé, assorti en partie de l’exécution provisoire, a été rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris le 18 septembre 2007. Le Tribunal a jugé que la victime n’avait commis aucune faute susceptible de limiter son droit à indemnisation, retenant ainsi l’argumentaire de l’avocat de celle-ci. Le Tribunal a donc évalué le préjudice corporel de la victime à la somme totale de 2.418.000€.
La compagnie d’assurances n’a pas accepté ce jugement et elle en a interjeté appel. A nouveau, les avocats des parties ont échangé de nombreuses conclusions et pièces devant la Cour pour faire valoir leurs moyens. Ce dossier fut très longuement plaidé devant la Cour et de volumineux dossiers de plaidoiries furent remis. Par un arrêt parfaitement motivé (deux pages de motivation) rendu le 8 mars 2010, la Chambre 3 Pôle 2 de la Cour d’Appel de Paris (anciennement 17ème Chambre), confirmait le jugement et rejetait point par point les moyens de la compagnie d’assurances. La Cour a alloué une indemnisation supérieure à la victime et a fait droit à d’autres demandes de celle-ci. Par conséquent, le montant total de son indemnisation s’est élevé à la somme de 2.468.000€, comprenant d’une part une somme en capital de 1.540.000€, et d’autre part une somme capitalisée au titre de la tierce personne de 928.000€, soit une rente annuelle viagère et indexée de 45.920€.
On est donc très loin de l’offre indemnitaire faite à la victime par la compagnie d’assurance devant le Tribunal, soit un montant total d’indemnisation offert à la victime de 523.621€, comprenant d’une part une somme en capital de 391.000€, et d’autre part une somme capitalisée au titre de la tierce personne de 132.621€, soit une rente annuelle viagère et indexée de 14.040€. La victime a donc obtenu une indemnisation multipliée par 5,5 : entre 2.468.000€ et 523.621€, il n’y a aucune comparaison possible. L’épouse et les enfants de la victime ont été également indemnisés au titre de leur préjudice moral.
La victime a toujours cru en son avocat, les échanges entre eux ont toujours été des plus conviviaux. Une fois de plus, sans cette confiance renouvelée, il aurait été très difficile pour l’avocat de mener à bien un dossier aussi délicat. L’avocat et son client, qui se sont battus ensemble pendant plus de six ans, seront à jamais liés par ce procès.
Catherine Meimon Nisenbaum,
Nicolas Meimon Nisenbaum,
avocats à la Cour,
avril 2011.