Durant l’été 2007, un groupe de jeunes se rendait en discothèque pour faire la fête. Très fortement alcoolisés et sous l’emprise de stupéfiants, ils ont été reconduits à la porte de cet établissement par les agents de sécurité. Enervé, un de ces jeunes, qui n’avait pas le permis de conduire, décida de se venger. Il se mit au volant d’un véhicule et essaya de renverser les agents de sécurité présents devant la discothèque. Malheureusement, il heurta violemment un barman qui prenait une pause. Il prit aussitôt la fuite.
Les investigations de la gendarmerie avaient permis d’identifier le responsable de cette infraction seulement une semaine après les faits. Il fut placé en garde à vue et poursuivi par le Parquet du chef de violences volontaires ayant entraîné une Incapacité Totale de Travail supérieure à 8 jours et aggravées par trois circonstances, à savoir, l’usage d’une arme par une personne ayant agi en état d’ivresse et sous l’emprise de produits stupéfiants. Il a été détenu pendant plus d’un an avant d’être placé sous contrôle judicaire jusqu’à l’audience correctionnelle.
La victime, un jeune homme âgé de seulement 28 ans, a subi un traumatisme crânien grave. Il fût hospitalisé pendant près de trois ans. Père d’un enfant, indépendant et travailleur, il avait perdu la majeure partie de son autonomie, ne pouvait plus travailler, conduire, élever son enfant, et devait renoncer à ses projets. Sa vie avait soudainement basculé à cause d’un individu ivre et drogué.
La victime et sa famille demandaient alors au cabinet d’avocats spécialisés en réparation du préjudice corporel d’assurer leur défense pour obtenir la réparation intégrale de son préjudice corporel. L’enquête de gendarmerie fut longue mais nécessaire, notamment pour permettre à l’avocat spécialisé de connaître les faits et leurs qualifications, et de ne pas saisir une juridiction incompétente pour statuer sur l’indemnisation de la victime. De l’enquête pénale dépendait le droit applicable à l’indemnisation et surtout les délais de prescription qui peuvent être très courts. Il ne fallait donc pas se tromper sur la saisine de la juridiction compétente, à défaut la victime aurait perdu ses droits.
Entre-temps, l’avocat constituait le dossier de son client, rassemblait toutes les pièces notamment médicales et administratives, et surtout choisissait un médecin-conseil de victimes qui connaissait parfaitement la pathologie des personnes traumatisées crâniennes. Ce médecin-conseil de victimes procédait à son examen et établissait un rapport médical complet. En novembre 2008, l’avocat spécialisé décidait, au vu de l’enquête, de saisir la Commission d’indemnisations des victimes d’infractions (CIVI) du Havre (Seine-Maritime) afin d’obtenir réparation pour son client et sa famille. Bien qu’il s’agisse d’un accident du travail occasionné par un véhicule automobile, la saisine du Tribunal de Grande Instance était impossible, seule la CIVI étant compétente pour ce type de dossier.
Devant la CIVI, la victime peut se défendre seule, sans avocat ni médecin-conseil, cependant, le Fonds de Garantie sera son adversaire et défendra également ses intérêts. Le Fonds de Garantie est assisté d’inspecteurs régleurs hautement qualifiés ainsi que de médecins-conseils réputés, il est donc illusoire de se défendre seul devant la CIVI. L’avocat spécialisé introduisait alors une requête devant la CIVI du Havre à l’effet d’obtenir le règlement d’une première provision ainsi que la désignation d’un expert judiciaire médical. En mars 2009, une ordonnance était rendue, allouant à la victime la somme de 60.000€ à titre de provision et désignant un expert judiciaire qui refusait par la suite sa mission.
Par ordonnance d’avril 2009, le Président de la CIVI du Havre désignait un second expert judiciaire, mais celui-ci ne répondait pas aux multiples demandes de l’avocat de la victime pour la fixation d’un rendez-vous d’expertise. Cette situation est assez exceptionnelle. L’avocat spécialisé sollicita donc la révocation de cet expert et obtenait par ordonnance de juin 2010 la désignation d’un expert judiciaire neurologue ainsi qu’une nouvelle provision de 60.000€. Les avocats spécialisés constituaient un dossier très complet de plus d’une soixantaine de pièces qui furent communiquées à l’expert judiciaire et au Fonds de Garantie.
En janvier 2011, l’expert judiciaire convoquait les parties. Ont participé à cette expertise : la victime et sa famille, ses deux avocats spécialisés, son médecin-conseil de victimes ainsi que l’inspecteur régleur et le médecin-conseil du Fonds de Garantie. Cette expertise fut longue et délicate, des dires échangés, et l’expert déposait un rapport de consolidation en mai 2011 et retenait notamment un déficit fonctionnel permanent de 80% évaluant les besoins en tierce personne à 20 heures sur 24, 7 jours sur 7, retenant également une tierce personne pour l’éducation de l’enfant de la victime.
Le Tribunal Correctionnel de Rouen (Seine-Maritime) fixa une date d’audience en novembre 2011. L’avocat spécialisé plaidait pour son client afin que le Tribunal soit parfaitement informé des conséquences désastreuses de cette infraction qui avait brisé la vie de son client et de sa famille. Le Tribunal Correctionnel condamnait le mis en examen à 5 ans d’emprisonnement. Cette condamnation pénale était remarquable puisque le Tribunal était allé au-delà des réquisitions du Ministère Public, ce qui est rare, ce que ne manqua pas de souligner la presse locale.
Faisant suite au rapport de consolidation déposé par l’Expert Judicaire, l’avocat spécialisé saisissait de nouveau la CIVI du Havre à l’effet d’obtenir l’indemnisation totale de tous les postes de préjudices de son client, une requête très longue et détaillée était déposée, accompagnée de plus de 110 pièces. Dans le cadre de cette requête, l’avocat spécialisé entamait des discussions amiables avec le Fonds de Garantie et obtenait alors une offre transactionnelle conforme aux demandes introduites devant la CIVI.
En septembre 2012, la victime acceptait cette transaction aux termes de laquelle le montant de l’indemnisation, déduction faite de sa pension d’invalidité et autres indemnités perçues au titre de son accident du travail ainsi que des prestations qu’il percevait de la Maison Départementale des Personnes Handicapées, s’élevait à la somme totale de 3.350.000€, comprenant d’une part une somme en capital de 1.350.000€ environ et d’autre part, une rente mensuelle annexée et viagère de 7.500€ au titre de la tierce-personne soit la somme capitalisée de 2.170.000€. Sa famille était également indemnisée au titre de son préjudice moral, soit 25.000€ pour chacun de ses parents et 17.000€ au titre du préjudice matériel.
La CIVI du Havre était à nouveau saisie par l’avocat spécialisé pour homologation du constat d’accord qui intervenait en octobre 2012. Cette transaction définitive a permis à ce jeune homme de reprendre le cours de sa vie, d’acquérir une maison agréable et spacieuse où il peut vivre notamment avec son fils. Son grave dommage corporel l’a meurtri, mais il reste à l’écoute des autres. Sa famille a tout fait pour lui, attentive à ses besoins et à ses droits. Ils vont maintenant pouvoir décider ensemble de son avenir et lui va pouvoir continuer sa vie sans soucis financiers. Nous remercions cette famille qui nous a fait confiance pendant toutes ces années. Nous leur souhaitons une vie heureuse et serons toujours présents pour les conseiller.
Catherine Meimon Nisenbaum,
Nicolas Meimon Nisenbaum,
avocats à la Cour,
avril 2013.