En 2002, dans le Limousin, un jeune homme âgé de 17 ans était grièvement blessé lors d’un accident de la route. Il fut victime d’un traumatisme crânien avec perte de connaissance. Il retourna à son domicile un mois plus tard, mais restait suivi par un service hospitalier hautement spécialisé dans la rééducation des victimes de traumatisme crânien. Ce jeune homme et sa mère décidèrent de confier leurs défenses à leur propre assureur. A ce titre, ils bénéficièrent de l’assistance d’un médecin conseil d’assurance et d’un gestionnaire indemnisation. Ainsi, le dossier était géré par l’assureur de ce jeune homme qui discutait directement avec l’assurance adverse.
Durant sept années, cette victime, sans l’assistance d’aucun avocat spécialisé ni de médecin-conseil de victimes, fit l’objet de plusieurs expertises médicales organisées par les compagnies d’assurances. Avec l’aide de son assureur, il obtint pendant 7 années, la somme dérisoire de 14.500€ à titre de provision, soit environ 170€ par mois pour vivre avec son handicap. Mais sa mésaventure ne s’arrêta pas là. En juin 2009, soit sept ans après l’accident, plusieurs médecins d’assurances, dont un neuropsychiatre, déposaient leur rapport d’expertise médical et concluaient que ce jeune homme était consolidé depuis juillet 2006, que son déficit fonctionnel permanent pouvait être évalué à 22%, avec des souffrances endurées de 4/7, un préjudice esthétique de 1,5/7, un préjudice scolaire et aucun préjudice professionnel ni besoin en tierce personne.
L’équipe médicale et paramédicale qui le suivait ne comprenait pas cette évaluation, compte tenu notamment de ses difficultés d’insertion sociale et professionnelle. En novembre 2009, une offre d’indemnisation définitive était négociée entre assureurs, et la somme totale et définitive de 75.780€ lui était offerte. Ce jeune homme et sa mère étaient anéantis par cette proposition, ils avaient le désagréable sentiment d’avoir été menés en bateau durant toutes ces années. Ils décidaient alors, pour la première fois, de se défendre face aux compagnies d’assurances, et firent appel à un cabinet d’avocats spécialisés en réparation du dommage corporel. Les deux avocats spécialisés ne cachèrent pas leur stupéfaction, l’évaluation médicale faite par plusieurs médecins d’assurances occultait totalement la gravité du traumatisme crânien subi par ce jeune homme ainsi que son incapacité à vivre seul et à s’insérer professionnellement. Les avocats spécialisés décidaient alors de reprendre ce dossier depuis l’origine. Ils réunirent l’ensemble des pièces médicales, et demandèrent à un médecin-conseil de victimes d’assister la victime et de rédiger un rapport.
Les avocats spécialisés saisissaient ensuite le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris et obtenaient en mai 2010 la désignation d’un expert judiciaire neurologue, ainsi qu’une nouvelle provision de 30.000€. Une mesure de protection était également mise en place en novembre 2010, afin de protéger les droits du jeune homme. L’expertise médicale judiciaire était organisée, ses avocats spécialisés communiquaient à l’Expert Judiciaire et aux parties le rapport du médecin conseil de victimes, l’entier dossier médical et les autres pièces nécessaires à l’évaluation du dommage corporel. A cette expertise, la victime était accompagnée de ses deux avocats spécialisés et de son médecin-conseil de victimes, spécialisé en matière de traumatisme crânien, la compagnie d’assurances était elle aussi représentée. L’expertise s’est déroulée dans une ambiance tendue, car pour la compagnie d’assurances ce jeune homme n’avait pas grand-chose, tandis que pour les avocats de la victime et son médecin-conseil, celui-ci était gravement handicapé.
En septembre 2011, l’Expert Judiciaire déposait son rapport définitif et reconnaissait la gravité du traumatisme crânien de la victime, évaluant notamment :
– Le taux de déficit fonctionnel permanent à 60 % (22 % retenus par les médecins d’assurances);
– Le préjudice professionnel était total (aucun préjudice n’avait été retenu par les médecins d’assurances);
– L’assistance par tierce personne était évaluée à 7 heures par jour 7 jours sur 7 (aucune assistance n’avait été retenue par les médecins d’assurances);
– Les préjudices d’agrément, sexuels… ont été retenus (aucun de ces préjudices n’avait été considéré par les médecins d’assurances).
En conclusion, les avocats spécialisés et le médecin-conseil de victimes ont pu faire retenir une juste évaluation de tous les postes de préjudices qui avaient été jusqu’alors minorés par l’assurance adverse, mais aussi par la propre assurance de la victime, ainsi que par les médecins d’assurances qui l’avaient examiné durant sept ans. A l’appui de ce rapport d’expertise judiciaire, les avocats spécialisés saisissaient le Tribunal de Grande Instance de Paris en octobre 2011 afin de solliciter l’indemnisation intégrale du préjudice corporel de leur client. Ce dossier était alors distribué à la 19e Chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Paris, spécialisée en réparation des victimes accidentées de la route. En novembre 2011, la compagnie d’assurances notifiait à la victime, à l’appui des conclusions du rapport expertal, une nouvelle offre pour la somme de 523.716€. En mai 2012, les avocats spécialisés saisissaient le Juge de la Mise en l’Etat et obtenaient, après échanges de pièces, de conclusions et plaidoiries, une provision complémentaire de 400.000€.
Par la suite, la procédure reprit son cours. Plusieurs conclusions furent échangées et plus de 50 pièces communiquées par les avocats de la victime. Les parties étaient en total désaccord sur l’évaluation du dommage corporel. Une date de plaidoiries avait été fixée en janvier 2013, cette audience fut longue et tous les postes de préjudices furent plaidés par l’avocat spécialisé de la victime. Le Tribunal rendait son jugement en mars 2013 et allouait à la victime plus de 2.450.000€ (alors qu’en 2009 l’offre de la compagnie d’assurances était de 75.780€), comprenant d’une part, une somme en capital de 1.310.000€ environ et, d’autre part, une rente trimestrielle indexée et viagère au titre de la tierce personne de 11.480€ représentant un capital de 1.150.000€ environ. Aucun appel n’eut lieu.
L’indemnisation de ce jeune homme aura duré 11 années, dont sept années perdues. Mais il aurait pu perdre bien plus s’il avait accepté l’offre initiale de la compagnie d’assurances de 75.780€. Il n’aurait pas pu vivre avec une indemnisation si dérisoire. Les compagnies d’assurances gèrent un grand nombre d’accidents. L’assureur X peut un jour gérer votre dossier contre l’assureur Y, mais le lendemain les rôles seront inversés.
Ce dossier est désormais terminé et ce jeune homme verra ses projets se réaliser (il souhaite s’acheter une maison et réaliser une activité de jardinage). Sa mère n’aura plus jamais peur pour l’avenir de son fils. Le cabinet d’avocats spécialisé a pu, une fois encore, tisser des liens de confiance avec ses clients, ce qui a indiscutablement concouru au succès de ce dossier.
Catherine Meimon Nisenbaum,
Nicolas Meimon Nisenbaum,
avocats à la Cour,
septembre 2013.