En 1994, un jeune piéton âgé de 9 ans était victime d’un grave accident de la circulation et subissait un traumatisme crânien grave. Une procédure amiable et une expertise médicale amiable étaient mises en place par la compagnie d’assurances pendant lesquelles la jeune victime était assistée de son père mais par aucun avocat. En 2005, 11 ans après l’accident, la compagnie d’assurances présentait enfin une offre d’indemnisation définitive d’un montant total de 449.000€. Désespéré, le père s’adressait alors à un avocat spécialisé afin qu’il représente les intérêts de son fils et le conseille sur l’opportunité d’accepter cette offre indemnitaire.
L’avocat spécialisé, après avoir étudié le dossier, déconseillait d’accepter cette offre indemnitaire définitive manifestement sous-évaluée, et proposait d’assigner immédiatement l’assureur devant le Tribunal pour obtenir une juste et parfaite indemnisation. Le père fit confiance à l’avocat et suivit ses conseils en refusant cette offre définitive obtenue si tardivement après tant d’années de discussions amiables. Ce fut le début d’un long procès très difficile où, finalement, la victime obtint pleinement satisfaction.
C’est ainsi qu’en 2007, l’avocat saisissait en référé le Président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny à l’effet d’obtenir le versement d’une provision et la désignation d’un médecin expert judiciaire. Une ordonnance fut rendue en août 2007, au terme de laquelle le TGI de Bobigny se déclarait incompétent pour connaitre dudit litige au profit du Président du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg. L’avocat de la victime fit appel de cette ordonnance, car il estimait que la juridiction de Bobigny était bien compétente territorialement pour connaitre du litige et non celle de Strasbourg. La juridiction de Bobigny relève en effet de la Cour d’Appel de Paris qui a une jurisprudence beaucoup plus favorable aux victimes de dommage corporel que celle de Strasbourg, d’où l’intérêt pour la victime de ne pas accepter l’incompétence territoriale qu’avait soulevée le régleur et retenue par le Juge des référés.
Devant la Cour d’Appel de Paris, l’avocat de la victime démontrait que la juridiction de Bobigny était bien compétente pour connaître du litige et obtenait cette fois-ci gain de cause par arrêt infirmatif rendu en janvier 2008. La Cour d’Appel de Paris, à la demande de la victime, rendait par la suite un 2ème arrêt en mai 2008, et condamnait la compagnie d’assurances à payer à la jeune victime une indemnité provisionnelle de 418.000€.
La compagnie d’assurance introduisait alors un pourvoi en cassation à l’encontre des 2 arrêts de la Cour d’Appel de Paris mais s’en désistait en février 2009. Par un 3e arrêt rectificatif, la Cour d’Appel de Paris désignait en janvier 2009 un médecin expert judiciaire, spécialiste du traumatisme crânien, pour évaluer le dommage corporel du jeune homme. C’est ainsi que fut mise en place l’expertise médicale judiciaire, pour laquelle l’avocat spécialisé demandait alors à un médecin conseil de victimes, également spécialisé dans le traumatisme crânien, d’assister son client lors de l’expertise. Celui-ci établit un rapport qui fut communiqué, avec de nombreuses pièces, à l’expert judiciaire et à la partie adverse.
A l’occasion de l’expertise judiciaire, le jeune homme fut assisté par son avocat spécialisé et par son médecin conseil de victimes, tandis que la compagnie d’assurances était assistée par son médecin conseil d’assurances. L’expert judiciaire déposait son rapport en août 2009 et consolidait la victime. Les conclusions expertales retenaient notamment un taux de déficit fonctionnel permanent de 75%, un préjudice professionnel total et une assistance par tierce personne 24 heures sur 24. L’avocat spécialisé saisissait immédiatement le Tribunal de Grande Instance de Bobigny, à l’effet de voir fixer la liquidation du préjudice corporel de son client.
Là encore, de très nombreuses conclusions et pièces furent échangées devant le Tribunal. De longues plaidoiries eurent lieu devant le Tribunal qui rendait un jugement le 20 décembre 2011 donnant gain de cause à la victime. En effet, le Tribunal reconnaissait son droit à indemnisation et condamnait la compagnie d’assurances et ses assurés au paiement de la somme en capital de 1.145.000€ ainsi qu’au versement de deux rentes viagères annuelles au titre de la tierce personne future et du préjudice professionnel d’un montant annuel respectif de 145.000€ et 18.000€, représentant une somme capitalisée de 4.040.000€, soit une indemnisation totale du préjudice corporel à hauteur de 5.185.000€.
En outre, la compagnie d’assurances était condamnée à la pénalité du doublement de l’intérêt légal à compter du 2 septembre 1994 et jusqu’au jugement définitif. Le montant de cette pénalité était très conséquent, plus de 1.870.000€, ce qui est exceptionnel, et portait le montant total des condamnations par le Tribunal à plus de 7.055.000€. On est donc loin des 449.000€ offerts en 2005 par la compagnie d’assurances à titre d’indemnisation définitive, offre fort heureusement refusée par la victime.
La compagnie d’assurances, une fois encore insatisfaite, interjetait appel de ce jugement devant la Cour d’Appel de Paris. L’avocat de la victime introduisait alors un appel incident pour obtenir une indemnisation plus élevée. Fort avantageusement, le jugement était assorti de l’exécution provisoire à hauteur des deux tiers pour le capital et en totalité pour les rentes. Ainsi, quand bien même la compagnie d’assurances avait interjeté appel, elle dut immédiatement payer à la victime les deux tiers des condamnations en capital et la totalité des deux rentes. Ainsi, indépendamment de l’importante provision de 418.000 € payée à la victime en 2008, celle-ci a pu obtenir 4 ans plus tard une indemnisation très conséquente.
Une fois encore, de nombreuses conclusions et pièces furent échangées devant la Cour d’Appel. La victime communiquait plus de 100 pièces. L’affaire fut à nouveau longuement plaidée. Par arrêt du 17 mars 2014, la Cour d’Appel de Paris donnait à nouveau gain de cause à la victime et condamnait la compagnie d’assurances à lui payer une somme en capital de 1.459.000€, ainsi que deux rentes viagères annuelles au titre de la tierce personne future et du préjudice professionnel d’un montant respectif, à compter d’août 2017, de 169.700€ et 18.000€, et représentant une somme capitalisée de 4.857.365€, soit une indemnisation totale du préjudice corporel à hauteur de 6.316.365€. A cette somme s’ajoutait la condamnation au titre du doublement des intérêts qui était confirmée et qui représentait plus de 1.870.000€ en sus, soit une indemnisation totale de plus de 8.180.000€.
La compagnie d’assurance introduisait à nouveau un pourvoi en cassation, mais uniquement sur le doublement des intérêts qu’elle estimait totalement infondé. Conformément à notre droit, et heureusement pour la victime, la compagnie d’assurances a dû payer la totalité des condamnations avant de pouvoir faire examiner son pourvoi en cassation. Ainsi, après l’échange des mémoires, un arrêt fut rendu par la Cour de Cassation le 11 juin 2015, déboutant la compagnie d’assurances de la totalité de son pourvoi et de toutes ses illusions. Enfin, la victime introduisait une requête en interprétation devant la Cour d’Appel de Paris sur l’assiette du doublement des intérêts qui fut rejetée par arrêt du 19 octobre 2015.
Ainsi, après 8 années de procédure intensive, ce dossier délicat et difficile est terminé. Il a donné toute satisfaction à la victime qui a obtenu par voie judiciaire une indemnisation 19 fois supérieure à l’offre d’indemnisation définitive et dérisoire formulée par la compagnie d’assurances en 2005 (8.180.000€ obtenus devant la Cour contre 449.000€ offerts initialement). Le jeune homme a certes perdu beaucoup de temps en se défendant seul, mais il a largement rattrapé le temps perdu. Il a pu obtenir gain de cause grâce à sa famille, qui a été patiente et persévérante en faisant toute confiance à son avocat spécialisé, lequel a mis tout en œuvre pour obtenir une très bonne indemnisation pour son client lors de ce captivant procès. Il faut rendre hommage à son père qui s’est battu pour obtenir une décision de justice garantissant les droits de son fils, ainsi qu’à sa mère qui a pris la relève et a aussi su le représenter avec ténacité. Le jeune homme, après avoir eu un parcours difficile, a enfin trouvé, avec sa mère, une vie équilibrée et sécurisée, lui permettant d’acquérir un logement et de vivre entouré des siens avec bonheur et sous la surveillance bienveillante de son oncle.
Catherine Meimon Nisenbaum, avocate à la Cour, février 2016.