En
France, en 2002, une femme accouchait par césarienne d'un enfant
affecté d'un lourd handicap à la suite d'un retard fautif dans
la prise en charge médicale. En effet, le gynécologue, alors en
consultation extérieure, n'avait pas jugé utile de se déplacer
malgré l'appel de la sage-femme, de même que le médecin de garde
de la clinique qui se trouvait sur les lieux. Dans ces conditions,
une césarienne était pratiquée avec un retard d'intervention important,
entrainant un dommage corporel neurologique gravissime pour un
enfant qui est né en état de mort apparente, la reprise de l'activité
cardiaque ne s'étant faite qu'à 11 minutes de vie. L'enfant présente
désormais les séquelles d'une encéphalopathie anoxique néonatale.
Ses parents ont fait appel à un avocat afin de solliciter la réparation
du préjudice corporel de l'enfant et de la famille. Une expertise
judiciaire médicale a été ordonnée par le président du Tribunal
de Grande Instance d'Orléans afin qu'il donne son avis sur les
responsabilités encourues. L'expert concluait alors à un retard
de prise en charge dans les délais tant par le gynécologue que
par le médecin de garde de la clinique.
En février 2006, le Tribunal de Grande Instance d'Orléans retenait
la seule responsabilité du gynécologue, avec une perte de chance
de 90%, et allouait à l'enfant une provision de 150.000€. Sur
appel du médecin, la Cour d'Appel d'Orléans, en mars 2007, réformait
le jugement et retenait une responsabilité partagée avec perte
de chance de 90%, répartie entre le gynécologue (50%), le médecin
de garde (30%) et la clinique (20%).
En mars 2007, les parents, représentants légaux de leur enfant
mineur, saisissait le Président du Tribunal de Grande Instance
d'Orléans à l'effet de voir désigner un médecin expert pour l'évaluation
du dommage corporel de l'enfant. Le tribunal désignait alors un
pédiatre en qualité d'expert judicaire, lequel déposait en septembre
2007 un rapport de non consolidation et décrivait imparfaitement
les besoins en tierce personne de l'enfant.
A ce stade de la procédure, les parents n'étant pas satisfaits
notamment de leur assistance aux opérations d'expertises médicales
et du résultat obtenu, décidèrent en 2011 de changer d'avocat
et de faire appel à un avocat spécialisé en réparation du dommage
corporel et en droit des assurances. Entre temps, un appel avait
été introduit par les parties adverses pour contester le montant
de la provision versée pour l'enfant de 219.130€, qu'elles estimaient
trop conséquent. L'avocat spécialisé représentait l'enfant et
obtenait devant la Cour d'Appel d'Orléans une provision supplémentaire
à 300.000€, portant le montant total des provisions à 450.000€.
L'avocat spécialisé décidait alors de changer toute la stragédie
du dossier, d'une part en saisissant la juridiction parisienne
qui dispose d'une chambre spécialisée en responsabilité médicale,
hautement compétente et, d'autre part en changeant d'expert judiciaire,
estimant qu'en raison des graves séquelles neurologiques de l'enfant,
l'évaluation du dommage corporel devait être faite par un neurologue,
et non par un pédiatre, tel que jugé initialement. Ainsi, en octobre
2012, l'avocat spécialisé portait l'affaire devant le Tribunal
de Grande Instance de Paris, en mettant en cause toutes les parties
et leurs assureurs (soit 9 parties à la procédure au lieu de 3
initialement). Ceci n'avait en effet pas été fait jusqu'ici alors
que cette solution était, de loin, préférable pour obtenir un
procès opposable à tous et surtout aux assurances, et pour permettre
un paiement certain, rapide et non contestable de l'indemnisation
pour l'enfant.
Puis, devant le tribunal parisien, l'avocat spécialisé introduisait
une procédure incidente devant le juge de la mise en état tendant
à voir désigner un nouvel expert judiciaire, non plus pédiatre
mais neurologue. Cependant, les trois parties et leurs assureurs
ne l'entendaient pas ainsi. Un grand nombre de conclusions de
contestation furent échangées. En effet, les parties adverses
demandaient notamment que la mission de l'expert judicaire soit
étendue et qu'il se prononce sur l'espérance de vie de l'enfant,
afin de leur permettre de discuter par la suite les postes de
préjudices et de demander la minoration de l'indemnisation. Cette
demande pouvait être qualifiée de morbide et ne relevait pas de
la mission expertale d'évaluation.
Les défendeurs demandaient également que l'expert se prononce
sur le projet de vie de la victime, alors que cette question,
là encore, ne les concerne pas et était totalement infondée. Les
parents ne sont pas tenus de justifier de l'emploi de l'indemnisation
et de leur projet de vie pour obtenir la réparation des préjudices
de leur enfant, il en est de même pour les victimes, fort heureusement.
L'avocat spécialisé s'opposait donc fortement à ces demandes d'extension
de la mission expertale. L'affaire était plaidée et une ordonnance
était rendue en juillet 2013, donnant gain de cause à l'enfant
en désignant un expert judicaire neurologue très qualifié au lieu
et place de l'expert pédiatre, et en déboutant les défendeurs
de toutes leurs demandes d'extension de mission expertale. Les
opérations d'expertise pouvaient donc commencer le procès était
bien présenté : l'expert avait la bonne spécialisation et compétence,
sa mission était complète et ne comprenait pas l'appréciation
de l'espérance de vie ni du projet de vie de l'enfant, toutes
les parties à la procédure étaient bien réunies.
L'avocat spécialisé faisait également assister l'enfant par un
médecin conseil de victime, qui, dans un premier temps rendit
visite à l'enfant et dressait un rapport médical qui fut communiqué
à l'expert judiciaire et aux parties avec de nombreuses pièces.
En février 2014, l'expertise médicale eut lieu et fut particulièrement
difficile. L'enfant était assisté de son médecin conseil et de
son avocat spécialisé et les parties adverses étaient assistées
de leur médecin conseil d'assurance et de leurs avocats, il y
avait donc beaucoup de monde autour de l'enfant et de sa famille.
L'ensemble de son parcours médical fut relaté, il était rappelé
que l'enfant vivait au domicile familial depuis plusieurs années
et qu'il était parfois pris en charge par un centre d'action médico-social.
L'expert examinait également l'aménagement de son logement. Il
constatait que l'enfant était totalement dépendant et que sa mère
se chargeait notamment de : faire les changes, brancher la gastrotomie,
réaliser les soins de nursing, la kinésithérapie respiratoire
et physique avec massages et qu'elle se chargeait de ses besoins
en oxygène si nécessaire.
Les discussions des parties lors de l'expertise médicale furent
très difficiles pour les parents et frères et sœurs. Les parties
adverses estimaient notamment que l'on pouvait réduire la durée
de l'aide humaine en mettant l'enfant sur un rail pour faciliter
ses transferts, l'avocat spécialisé contestait vivement cette
proposition. Que, de même, il fut reproché à la famille de ne
pas avoir pris un architecte pour l'aménagement du logement et
du lieu de vie, alors que les provisions allouées à l'enfant étaient
modestes et que la famille avait pourvu au mieux à cette adaptation
en fonction des provisions. Après une grande discussion, l'expert
judicaire acceptait enfin de consolider l'enfant, ce qui est assez
rare avant l'âge de 18 ans, et retenait une évaluation conséquente
de son préjudice corporel, très proche des demandes de l'avocat
de l'enfant.
En mai 2014, un pré-rapport fut déposé par l'expert. Les parties
adverses lui adressaient des dires pour contester son évaluation.
L'avocat spécialisé adressait deux importants dires en juin et
juillet 2014 pour conforter les intérêts de l'enfant et répondre
aux dires adverses qui demandaient notamment de ne pas consolider
l'enfant, de diminuer les aides humaines ou, à défaut, de sursoir
à l'évaluation de celles-ci en l'attente de l'aménagement du logement,
de remplacer les heures de surveillance par un système de télé
surveillance... Bref, tout était invoqué par les médecins, clinique
et leurs assureurs pour diminuer l'évaluation expertale et surtout
pour diminuer et retarder l'indemnisation. Il convient de rappeler
que le défaut de consolidation empêche la liquidation d'un dommage
corporel qui, dans le cas d'espèce selon les assureurs auraient
dû attendre encore plusieurs années.
En octobre 2014, l'expert judiciaire déposait son rapport final,
répondait aux dires des parties en donnant gain de cause à l'enfant
en le consolidant à l'âge de 11ans et demi et en fixant notamment
le taux de Déficit Fonctionnel Permanent à 95% avec un besoin
en tierce personne de 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. L'avocat
spécialisé saisissait alors le Tribunal de Grande Instance de
Paris en ouverture de rapport pour solliciter la liquidation définitive
du dommage corporel de l'enfant. De très nombreux jeux de conclusions
furent échangés devant le tribunal car les parties étaient en
désaccord sur l'évaluation de tous les postes de préjudices. Les
dernières conclusions de l'avocat spécialisé pour la défense des
intérêts de l'enfant faisaient 82 pages, avec plus d'une soixantaine
de pièces communiquées, le contentieux était très important.
En mai 2015, le médecin gynécologue et son assureur saisissaient
le juge de la mise en état du Tribunal afin de voir désigner un
expert architectural à l'effet de déterminer si l'aménagement
du logement pouvait réduire le nombre d'heures de tierce personne
alloué par l'expert judicaire. A nouveau, l'avocat spécialisé
prit des conclusions pour s'opposer à cette demande dilatoire
et infondée. L'affaire fut plaidée et une ordonnance fut rendue
en juin 2015, déboutant le médecin et sa compagnie d'assurances
de cette demande.
En octobre 2016, l'affaire fut très longuement plaidée sur la
liquidation du dommage corporel devant le Tribunal car tous les
chefs de préjudices étaient contestés. Le 28 novembre 2016, la
chambre contentieuse médicale du Tribunal de Grande Instance de
Paris rendait son jugement (RG 12/14203 - X c/ MACSF-GTAM-Polyclinique
des Longues Allées-Ace Europe), qui donnait gain de cause à l'enfant.
Ce jugement n'a pas était contesté en appel, il est définitif.
Après déduction des 10% au titre de la perte de chance imputable
à l'enfant, le Tribunal lui a alloué une somme en capital de 2.360.000€,
ainsi que deux rentes annuelles, l'une de 142.000€ au titre de
la tierce personne et l'autre de 12.300€ au titre du préjudice
professionnel, représentant la somme capitalisée de 6.778.925€,
portant ainsi le montant total de l'indemnisation en capital et
en capitalisation à plus de 9.138.000€.
Il s'agit d'une exceptionnelle indemnisation qui permettra enfin
à cet enfant de vivre en toute sécurité et sa famille de se faire
moins de soucis pour son devenir. Les chefs de préjudice au titre
du logement et du véhicule adaptés, ainsi que les aides techniques,
ont été réservés par ce jugement. Ils feront l'objet d'une prochaine
procédure devant le Tribunal pour obtenir une indemnisation complémentaire
pour ces trois postes de préjudices.
Il faut souligner le courage extraordinaire de la mère de l'enfant
qui s'occupe de lui avec amour, sans compter son temps et sa peine
et lui prodigue tous les soins nécessaires à sa vie depuis des
années, à son père et à ses frères et sœurs tous présents auprès
de lui, avec amour et passion. L'avocat spécialisé remercie les
parents de l'enfant et sa famille de lui avoir fait confiance
dans une instance particulièrement difficile.
Catherine
Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau de Paris, avril 2018.
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