Le canal du Centre, anciennement dénommé canal du Charolais, relie Digoin à Chalon-sur-Saône, dans le département de Saône-et-Loire. Il a été ouvert à la navigation juste après la Révolution et plusieurs fois rénové, notamment pour le mettre au gabarit dit Freycinet, du nom de l’instigateur (1828-1923) de cette norme à laquelle répondent désormais nombre d’embarcations de tourisme fluvial, dont l’Espade 1230 Handy, disponible à la location depuis Digoin. L’Espade 1230 Handy n’est certes pas un modèle récent mais il est vaste, avec des circulations suffisantes en fauteuil manuel. On peut évoluer aisément dans le carré même lorsque la table centrale est ouverte. La hauteur réglable de cet élément en facilite d’ailleurs l’utilisation : en position basse, il peut servir de couchage. Outre table et banquettes, le carré comporte une cuisine correctement équipée (plaque, four et frigo à gaz) ainsi que le poste de pilotage. Un couloir de 83 cm de large conduit à l’arrière et dessert une cabine fermée, la salle de bains WC et la cabine arrière (ouverte). La cabine fermée par deux portes coulissantes permet d’entrer, avec sa largeur de 89 cm, mais pas de manoeuvrer, sauf avec un fauteuil compact.

Au plafond, des poignées suspendues réglables en longueur et déplaçables sur rail aident au transfert et au déplacement; la hauteur des lits de la cabine est de 64 cm, plus élevée d’une dizaine de centimètres que l’assise standard d’un fauteuil roulant. Bémol : les matelas, en trois parties, sont à réserver aux plaisanciers mesurant moins d’1,80m (largeur : 78cm). Mais le confort s’avère suffisant pour dormir correctement ou se reposer. La cabine arrière, fermée par un simple rideau, surplombe quant à elle la pente accédant à l’élévateur arrière. Elle conviendra mieux aux valides car son accès est mal aisé, le sol en pente générant un réel risque de chute.

À la différence des bateaux standards (qu’ils soient destinés à la navigation maritime ou fluviale), on dispose ici d’une salle de bains dans laquelle on ne passe pas son temps à heurter les parois, et où on apprécie immédiatement d’avoir de la place ! Cette pièce, fermée par une porte accordéon, présente une largeur de 120 cm entre les barres de transfert placées sur chaque paroi, horizontalement, verticalement et en oblique, ce qui permet à tous les plaisanciers handicapés de les employer utilement. Pour utiliser la douche de plain-pied, on peut se servir d’une des chaises plastiques fournies avec le bateau. La profondeur de la salle de bains jusqu’au WC est de 1 m avec, là encore, des poignées de transfert coulissantes et amovibles au plafond. Le WC (H = 55 cm) pivote sur près d’un quart de tour, avec un accès possible à 90° comme en parallèle. Le lavabo est échancré pour le passage d’un fauteuil. Au final, si la salle de bains ne comporte pas de rayon de giration de 1,5 m, ses dimensions sont suffisantes pour assurer une hygiène confortable.

Un élévateur électrique (80 cm x 118 cm) encastré dans le carré donne accès à l’habitacle, après que l’on a posé sur le seuil une plaque amovible qui comble le rail de la porte d’entrée coulissante. Une rampe repliable électriquement assure l’accès au quai depuis le bateau mais elle nécessite d’être aidé : d’une part parce qu’elle comporte des « barreaux » pour éviter aux passagers de glisser, et d’autre part parce que le taux de pente dépend de la hauteur des quais; de fait, il est rare qu’elle soit droite, mais le plus souvent penchée ou coudée au droit de son articulation. Cette rampe prend la place d’un accès au bateau, ce qui peut gêner aux manoeuvres. Un autre élévateur, placé à l’arrière, est conçu pour les quais hauts. Il est prolongé par une passerelle et un plan incliné. Accès également avec aide, à cause de la pente du couloir et de la nécessité de tirer la rampe. La manoeuvre s’effectuant dans un espace réduit, elle sera difficile avec un fauteuil encombrant.

Il est possible de piloter sans quitter son fauteuil roulant, l’espace est nettement suffisant, mais la visibilité est réduite, ce qui pose problème notamment lors des manoeuvres d’accostage. Mieux vaut se transférer sur le haut tabouret du bord, ce qui nécessite toutefois un maintien abdominal et dorsal correct. Le bateau est manoeuvrable à (au moins) deux, même si le pilote handicapé ne quitte pas son poste pour maintenir l’embarcation au passage des écluses. Toutefois, une croisière sera plus agréable avec plus de deux équipiers parce que l’exercice physique répété d’amarrage/désamarrage s’avère fatigant et rébarbatif pour un valide quand les écluses se succèdent tous les kilomètres, comme c’est souvent le cas sur le canal du Centre. Et sur un canal aussi fréquenté que celui du Midi, il est indispensable de bien maintenir son bateau le long du mur des écluses pour qu’il ne heurte pas continuellement les autres embarcations. L’Espade 1230 Handy peut recevoir jusqu’à 6 passagers.

Passage d'écluse

Les manoeuvres sont plus faciles dans les écluses dites « avalantes » (descendantes) que montantes. Sur le canal du Centre, la plupart des écluses sont automatiques, les autres sont manoeuvrées par un éclusier qui suit les bateliers… en voiture. Les écluses fonctionnant à heures fixes, on est nécessairement amené à prévoir où déjeuner/dîner et, surtout, où dormir. L’accostage le plus confortable s’effectue le long des haltes fluviales ou dans les ports, parfois payants, signalés dans une carte ad hoc remise avec le bateau. Mais on peut préférer s’arrêter au bord du chemin de halage, loin d’un village ou d’une route. Dans ce cas, il faut être attentif à l’état de la berge : bord franc, absence de pierres et d’obstacles, sol stabilisé permettant de sortir du bateau. On peut prendre, à deux, des repas sur le pont avant (courses à prévoir avant d’embarquer) ou sur la berge. Côté restaurants, quelques-uns, sur le parcours, sont accessibles en fauteuil roulant : renseignez-vous !

Pour le reste, le canal du Centre n’offre que des bonnes surprises le long de ses 112 km que ponctuent 61 écluses : jolis paysages, villages pittoresques, innombrables oiseaux, vaches à la pâture… En dehors du temps (important) consacré à la navigation, sauf à utiliser un taxi, il vous sera difficile de vous éloigner du bateau de plus de quelques centaines de mètres mais vous pourrez néanmoins profiter de belles escales à Paray-le-monial (sublime basilique accessible de plain-pied), à Montceau-les-Mines (avec le passage de trois ponts mobiles manoeuvrés juste pour vous !) ou à Saint-Léger sur Dheune. À Génelard, faites halte au Centre d’interprétation de la ligne de démarcation, bâtiment ultramoderne (et parfaitement accessible) situé sur le port : vous y (re)découvrirez un pan méconnu de l’Histoire de France. Si vous en avez le temps, poussez du côté de Santenay : la vue dominante sur les coteaux de Bourgogne est inoubliable !

Laurent Lejard, août 2009.


L’Espade 1230 Handy est loué de 586 € le week-end en basse-saison jusqu’à 1.690 € la semaine en haute-saison, forfait horaire de navigation en sus, avec trois canaux parcourables au départ de Digoin (Centre, latéral à la Loire et Digoin à Roanne). Rareté oblige, il est très souvent demandé… Merci au Comité Régional de Tourisme de Bourgogne ainsi qu’à la société Les Canalous pour leur aimable collaboration. La même compagnie dispose d’un bateau adapté plus court, le Triton 1060 Handy, qui navigue sur le canal du Midi.

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