Comme dans de nombreux pays, le sport est une passion au Cameroun. Cette passion est encore plus forte vu le succès, plutôt relatif, de l’équipe nationale de football, les Lions indomptables. Toutefois, le football n’est pas la seule discipline sportive pratiquée au Cameroun dans laquelle on retrouve des personnes valides ou handicapées. Bien des disciplines font la richesse du sport au Cameroun, du football au golf, du handball à la course de pirogue, du basketball à l’athlétisme, du tennis aux arts martiaux. Bien que ne pratiquant pas tous ces sports, les personnes handicapées sont impliquées dans plusieurs disciplines prenant en compte la nature et le degré de leur handicap, ainsi que la disponibilité des matériels nécessaires.

Les sports collectifs tels que le handball, le football – le plus apprécié – et le basketball sont très souvent pratiqués par les personnes handicapées, principalement celles atteintes d’une paralysie et qui se déplacent avec des béquilles ou en fauteuil roulant. Serge Abama en fait partie. Touché par une poliomyélite qui l’a paralysé, abandonné par sa mère dès sa tendre enfance, il a grandi en utilisant des béquilles et a actuellement besoin d’un tricycle pour se déplacer. Malgré les difficultés auxquelles il a été confronté dans sa famille comme dans la société, il a su surmonter son handicap et aujourd’hui, il est membre de l’équipe de basketball sur fauteuil roulant du Cameroun. Mais Serge Abama est déçu, car il n’a pas pu faire partie de l’équipe qui a pris part à une récente compétition qui se déroulait hors du pays : « Etant donné que tout un chacun devait s’occuper de son passeport, je n’ai pas pu rassembler l’argent à temps, malgré le fait que je désirais vraiment faire partie de l’équipe. Je prie qu’à la prochaine compétition je puisse représenter mon pays. Je m’entraine et j’attends cette opportunité ».

Serge, comme d’autres membres de l’équipe nationale de handibasket, est membre de la Fédération Camerounaise de Sport pour Handicapés (FECASH) crée en 1998. La fédération traite de la multitude de problèmes auxquels les athlètes handicapés sont confrontés, leur enseigne à surmonter leur handicap, à être des modèles au Cameroun, et apporte un peu d’ordre dans le secteur du handisport. Ayant son siège dans la capitale économique du Cameroun, Douala, la Fédération regroupe quatre organisations sportives de personnes handicapées : Handisport Cameroun, Association Sportive des Aveugles et Malvoyants du Cameroun (ASAMC), Ligue Nationale des Sports pour Sourds au Cameroun (LINASCAM), Special Olympics (déficients mentaux).

Le Docteur Abeng Mbozo’o, Camerounais de bonne volonté qui n’est pas handicapé, a parrainé la Fédération en offrant d’établir les quartiers généraux dans son domicile depuis sa création jusqu’à nos jours. Il occupe aussi le poste de président depuis la création, et il est assisté de quatre vice-présidents qui sont handicapés et dirigeants de chacune des associations composant la FECASH. Le manque de fonds pour la bonne marche de la Fédération est le plus grand problème auquel elle est confrontée. Dans un contexte dans lequel chaque fédération sportive est autonome, dépendante des sponsors et des subventions du Gouvernement pour son fonctionnement, la FECASH est en difficulté, et pour cause : « Les sponsors ne veulent pas prendre de risques avec les personnes handicapées, affirme l’un des vice-présidents, Bienvenu Biogolo. Pour empirer les choses, le gouvernement a cessé, il y a de cela trois ans, d’accorder sa subvention qui s’élevait annuellement à 4,5 millions de francs CFA [environ 6.800€ NDLR] ».

De plus, les athlètes sont confrontés au colossal problème du manque de matériels, à la fois pour l’entrainement et la pratique de leur sport. Le matériel coute excessivement cher. Par exemple, un ballon sonore utilisé par les aveugles coute cinq fois plus cher qu’un ballon conventionnel de football. Il en va de même pour les fauteuils roulants, qui sont toujours de seconde main, venant d’Europe et d’autres pays du globe. Il n’y en a d’ailleurs pas assez pour tous les athlètes. Inutile de mentionner qu’il n’y a aucune structure au Cameroun qui s’occupe de la vente de ce type de matériel… Les fauteuils roulants utilisés pour le basketball et l’athlétisme peuvent couter jusqu’à 3.5 millions de francs CFA (5.400€).

Ceci pourrait expliquer pourquoi l’équipe nationale de handibasket possède des fauteuils roulants qui ont été achetés il y a 10 ans. Non seulement leur nombre est insuffisant pour tous les athlètes, mais ils sont dans un état tel qu’ils ne peuvent plus être utilisés pour des compétitions. « C’est un miracle que nous pouvons jouer contre les athlètes les mieux équipés et arriver parfois à les battre, explique Louis Zogo, l’un des joueurs. Parfois, lorsque nous allons à l’extérieur et voyant les performants fauteuils roulants des équipes des autres pays, nous sommes tentés d’abandonner avant le début du match ».

Mais malgré cela, les athlètes camerounais n’abandonnent pas. Par un après midi chaud, sur le terrain de basketball de l’INJS, une douzaine d’entre eux se rencontrent, certains sur les quelques fauteuils roulant disponibles sont sur le terrain, les autres regardent en spectateurs en attendant leur tour; ils s’entrainent pour les play off qui rassemblent les basketteurs sur fauteuil roulant de Yaoundé. Puisqu’ils n’ont aucun financement ou sponsor pour organiser une telle compétition, chaque athlète est tenu de contribuer pour 3.000CFA (6€). Parmi eux, on retrouve le surdoué Francis Biwole Nkodo, qui en plus d’être un basketteur sur fauteuil roulant, est un haltérophile qui a battu des records.

Pour sa part, le gouvernement Camerounais n’a pas toujours été indifférent à la misère des athlètes handicapés. Il y a de cela 10 ans, il a institué à l’INJS (Institut National de la Jeunesse et des Sports) un département pour former les entraineurs qui travaillent exclusivement avec les athlètes handicapés. Il organise également des tournois à travers le pays, sans oublier les Jeux de l’avenir des personnes handicapées d’Afrique (JAPHAF) qui se sont déroulés à Yaoundé en août 2008. Dans un contexte difficile, les athlètes handicapés du Cameroun ont remporté des succès remarquables à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Lors des JAPHAF de Niamey (Niger) en mai 2009, le Cameroun est arrive 3e sur près de 25 pays africains, avec des records battus par certains athlètes Camerounais. Parmi eux, Patrick Awa, 25 ans, un athlète aveugle concourant sur 100, 200 et 400 mètres, a remporté trois médailles d’or.

Tout comme Patrick Awa et Serge Abama, plusieurs athlètes camerounais espèrent une gloire sportive au-delà de la nation camerounaise et du continent africain. Ils rêvent de prendre part aux Jeux Paralympiques, auxquels le Cameroun n’a jamais participé. Suspendu depuis 2002 par le Comité International Paralympique, le Cameroun ne s’est toujours pas mis en conformité avec le règlement de cette instance et doit l’équivalent de 800€ d’arriérés de cotisation. La constitution, lors d’une assemblée générale houleuse, le 8 août 2009, d’un Comité Paralympique National s’est soldée par un échec : le ministre des sports et de l’éducation physique a déclaré cette instance illégale, au motif que « la FECASH est une fédération d’Etat, dont la gestion ne saurait être laissée à n’importe qui ». Une fois que ce différend aura été réglé, les autorités devront encore mettre à la disposition des athlètes le matériel approprié, afin que ceux-ci puissent s’entrainer et concourir avec les mêmes chances que ceux d’autres pays du monde. Lorsque ce sera fait, alors seulement, peut être, le handisport au Cameroun recevra le coup de fouet qui lui permettrait d’être présent aux Jeux Paralympiques de Londres, en 2012…


Muluh Hilda Bih et Emilienne Soué, avril 2010.

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