« Je voulais quitter le fauteuil roulant et me déplacer en l’air, sans moteur. Sur de longues distances, uniquement avec de l’énergie solaire ou éolienne. » Telle était la motivation de Dominique Raze quand il a décidé de monter à bord d’un planeur, de faire du vol à voile. Licencié à l’Association Compiégnoise de Vol à Voile, dans l’Oise, il vole par pur plaisir de cette sensation de liberté dans l’air : « En alliant expérience et intelligence, on peut voler longtemps, sur plusieurs centaines de kilomètres, et revenir au point de départ en bouclant. C’est un sport de loisir très prenant. Beaucoup de gens zappent, parce qu’ils pensent que c’est un luxe, mais l’activité n’est pas si coûteuse. »

Il faut toutefois que l’organisme de l’apprenti « vélivole » supporte l’altitude et les secousses : un planeur vole entre 1.000 et 6.000 mètres selon le relief au sol, même s’il y a peu de contre-indications, dont la spasticité, l’infirmité motrice cérébrale, le polyhandicap, et en vol solo, la cécité et la surdité sévère puisque la communication par radio est obligatoire. Un planeur est en effet autorisé à traverser une zone de trafic contrôlé sous réserve d’un contact radio et d’un transpondeur embarqué, un appareil qui assure l’identification et le repérage de l’aéronef par les opérateurs de contrôle aérien. Les planeurs modernes sont désormais équipés d’un dispositif anticollision, entre autres technologies de pointe. S’il n’est pas demandé de connaissances poussées en mathématiques pour voler sur ces aéronefs, cette pratique constitue encore une porte d’entrée vers les carrières aéronautiques.

Le pilotage d’un planeur est très fin, beaucoup de pilotes de lignes l’utilisent par plaisir mais aussi pour améliorer la qualité de leur pilotage professionnel. Un planeur « toilé » vole entre 60 et 180 km/h, et jusqu’à 280 km/h lorsqu’il est en matériaux composites. C’est l’engin qui compte le moins d’accidents, nettement moins dangereux que l’Ultra Léger Motorisé pendulaire et l’autogyre.

Pour pratiquer, quelques qualités essentielles sont nécessaires : « Il faut être persévérant et patient dans l’apprentissage et le vol, parce que pour le prolonger, il faut réfléchir tout le temps, précise Dominique Raze. Savoir repérer les courants d’air chaud, ceux qui font gagner de l’altitude, gérer la trajectoire, utiliser le relief au sol tout en évitant les pièges qu’il peut tendre au vélivole. » Le pilotage en version « handicap » est le même qu’en valide, seule change la disposition de quelques commandes déplacées en fonction de la nature du handicap. Par exemple, en cas d’usage impossible des jambes, les commandes aux pieds sont transférées à la main. Le pilote doit être capable d’entrer et sortir d’un planeur sans aucune aide et d’utiliser un parachute. Il est également nécessaire d’être aidé de personnes valides pour mettre un planeur en place. Ce qui veut dire que l’intégration dans un club est un travail d’équipe, basé sur la collaboration, la convivialité, les relations humaines.

Le vol à voile est pratiqué en France par près de 10.000 personnes, dont une trentaine seulement sont handicapées. On compte néanmoins un instructeur paraplégique, Eric Deluy, qui travaille à Vinon-sur-Verdon (Alpes de Haute-Provence) et préside la Commission Handisport de la Fédération Française de Vol à Voile (FFVV). Il fut avec Eric Dabas l’un des deux premiers pilotes à obtenir une licence professionnelle, en juin 2006, ouvrant ensemble l’accès à un nouveau débouché pour quelques amateurs. Plus récemment, Antoine Motillon, pilote paraplégique du club de Beynes a également obtenu son brevet de pilote instructeur. Actuellement, près d’une vingtaine de clubs sont équipés de planeurs à commande manuelle par malonnier, couvrant une bonne partie des régions françaises de la Bretagne à l’Alsace, de Rhône-Alpes à la Provence et au Languedoc.

Pour populariser la pratique adaptée et simplifier l’aménagement des planeurs, la FFVV élabore un projet de distribution de kits « malonnier » pour monoplace, utilisables sur le « Pégase », très répandu dans les clubs en France : ce malonnier se fixe sur le côté, et reprend par câble les commandes du palonnier qui ne peut être actionné par les pieds, un système simple mais normé qui nécessite encore une installation chez le constructeur du planeur. « Le club de Compiègne a acquis en 2008 un planeur neuf adapté pour des vols en duo, explique Dominique Raze. Cela permet à un apprenti de piloter en vol de découverte, en compagnie d’un pilote instructeur et de suivre la formation jusqu’à l’obtention du brevet de pilote de planeur. On espère que ça fera boule de neige ! »

Propos recueillis par Laurent Lejard, novembre 2011.


Exemple de tarifs : Pour pratiquer dans l’Oise, l’Association Compiégnoise de Vol à Voile propose un forfait à l’année avec vols illimités pour 950€, auquel s’ajoutent 27€ de remorquage par vol et une assurance annuelle de 100€. Les novices disposent d’un forfait école « tout compris » valable 2 ans, pour 1.500€, avec tarif réduit pour les jeunes et subvention mobilisable en handisport dans l’Oise. Pour compléter la formation des élèves, l’association a également créé un simulateur de vol utilisant un logiciel élaboré par des vélivoles.

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