Question : Quel est votre point de vue sur l’état du handisport dans le monde ?

Philip Craven : L’état du « sport paralympique » dans le monde, je préfère parler de cela… la question est vaste ! Je trouve que les Jeux Paralympiques d’été comme d’hiver se déroulent de mieux en mieux. Il y aura 20 sports pour les Jeux de Londres en 2012, et 5 pour les Jeux d’hiver de Sotchi en 2014. A Rio de Janeiro, en 2016, il y aura 22 disciplines. Ce qui me fait plaisir, c’est que chaque sport se développe. Des bénévoles sont passionnés par le sport, et moi-même je suis bénévole… et je suis passionné par le sport !

Question : Selon les continents, lesquels vous donnent satisfaction, et lesquels souhaiteriez-vous pousser davantage ?

Philip Craven : Tous les continents me donnent satisfaction. Mais le Comité International Paralympique [IPC en anglais] vient de rendre public son plan stratégique pour la période 2011 à 2014. Si les deux premiers plans se concentraient sur les Jeux Paralympiques et la valorisation de sa marque, maintenant nous devons soutenir le développement des athlètes par la promotion des sports et des comités nationaux paralympiques. Pour en revenir aux continents, chacun a des progrès à faire. Par exemple, l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord participent aux compétitions internationales et paralympiques depuis plus de 50 ans. Leurs organisations ont besoin de renouveler leur envie, leur appétit de faire du sport. En Europe de l’Est, le sport paralympique est encore nouveau, presque débutant. On a besoin d’avoir beaucoup plus de jeunes partout dans le monde qui pratiquent les sports paralympiques. Les jeux de 2016 sont l’occasion de lancer un grand programme de développement de ces sports dans toute l’Amérique latine. En Asie, on a déjà fait beaucoup grâce aux jeux paralympiques de Pékin en 2008 et aux Asian Para Games qui se sont déroulés l’année dernière à Guangzhou. Il faut maintenant travailler sur l’Afrique : c’est sur ce continent que l’on a le plus d’action à lancer, et c’est ce que vise le nouveau plan stratégique de l’IPC.

Question : En Afrique subsaharienne, il semble y avoir deux gros problèmes pour développer les sports paralympiques : d’abord la pauvreté des populations, et ensuite la gouvernance des organisations sportives qui est un peu n’importe quoi…

Philip Craven : Je ne répondrai pas que c’est « un peu n’importe quoi » ! Mais des progrès peuvent être réalisés. On peut trouver une bonne gouvernance sur tous les continents, et également une gouvernance à améliorer sur tous les continents. Si on ne travaille pas avec les organisations nationales de gouvernance du sport paralympique et que l’on se contente de quelques projets de développement sans structure sur place, cela ne marche pas, ce n’est pas durable.

Question : 
La médiatisation des sports paralympiques est très variable selon la discipline et son caractère spectaculaire. Comment pensez-vous pouvoir rééquilibrer cette visibilité, et est-ce d’ailleurs votre travail ?

Philip Craven : Je ne sais pas si c’est notre travail, mais il faut être conscient que certains sports sont moins médiatisés. C’est pareil pour les sports olympiques : certains attirent beaucoup plus de spectateurs que d’autres. Pour ma part, je suis passionné par tous les sports paralympiques. Vous savez, la boccia, par exemple, a été un grand succès aux Jeux Paralympiques de Pékin. Chaque discipline peut attirer des spectateurs mais il est vrai que des sports peuvent être plus facilement présentés à la télévision. Mais est-ce que les Jeux sont faits pour la télévision… ou pour les athlètes et les spectateurs ? Pour moi, les Jeux sont d’abord faits pour les athlètes et les spectateurs.

Question : En France, une polémique revient régulièrement sur l’intégration des Jeux Paralympiques au sein des Jeux Olympiques. Quelle est votre opinion sur une fusion des deux événements ?

Philip Craven : 
Tous les sports ne sont pas fusionnables. L’IPC entretient de bonnes relations avec le Comité International Olympique, les Jeux Paralympiques suivent de peu les Jeux Olympiques. Si l’on réunit les Jeux, il y aura de gros problèmes logistiques à résoudre, par exemple en construisant un village olympique, non pas pour 12.000 athlètes mais pour 16.000 ! Mais pourquoi pas, dans l’avenir ? On est à 10 ou 20 ans de cela, parce qu’il faut au moins neuf ans pour préparer des Jeux. Je ne suis pas contre, mais en ce moment, les Jeux fonctionnent bien tels qu’ils sont organisés.


Propos recueillis par Laurent Lejard, décembre 2011.

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