Il y a une cinquantaine d’années, La Plagne n’existait pas. Elle n’est pas un village qui a grossi, mais une station de sports d’hiver créée ex-nihilo dans les années 1960 sur un plateau d’altitude que l’on atteint par une route aux 21 lacets que connaissent bien les cyclistes. Aujourd’hui, La Plagne est composée d’une dizaine de sites dont la totalité des pistes est ouverte aux handiskieurs, à l’exception du secteur du glacier de la Chiaupe dont la télécabine n’est pas accessible. Malgré ce bémol, l’enchainement des pistes bleues ou rouges s’étend sur 1.500 mètres de dénivelé des sommets de la Roche de Mio, de la Grande Rochette ou des Verdons aux forêts de Montchavin ou Montalbert. Les accès handiski aux remontées mécaniques sont remarquablement aménagés et bien signalés. Et comme le domaine des Arcs Peisey Vallandry est relié par le téléphérique Vanoise Express, c’est un immense domaine nommé Paradiski qui permet de varier les parcours, difficultés et paysages magnifiques, face aux Grandes Jorasses et au massif du Mont-Blanc dont le sommet accroche les nuages : grandiose !
A La Plagne, les handiskieurs disposent d’une large offre de prestations, mais uniquement en ski alpin. L’Ecole de Ski Français (ESF) de Belle-Plagne propose des cours de Dualski et Kartski ainsi que la location de ces matériels. La société Oxigène propose également des cours et la location de Dualski ou Uniski, ainsi que du Tandem sous la forme Taxi Ski pour être promené sans faire d’efforts ! L’association du sportif aventurier Bastien Perret, Magic Bastos, prête du matériel de ski assis (coques enfant et adultes taille 1 à 5, en Uni et Dualski) pour du loisir et du perfectionnement.
Mais La Plagne est surtout le lieu de création d’une association pionnière en matière de ski alpin adapté, Antenne Handicap, fondée il y a une vingtaine d’années par Marc Gostoli, qui propose cours et journées. Inventeur, il se définit comme un scientifique du ski et a cherché à restituer mécaniquement sur un engin de ski assis ou debout les gestes accomplis par un skieur valide. Et il y est parvenu, ses matériels offrant à tous les plaisirs de la glisse, de la simple promenade au perfectionnement en passant par le loisir à son rythme.
Homme à la forte personnalité, Marc Gostoli a tenu bon face à d’innombrables difficultés et aux « réticences » du petit milieu du ski adapté, en élaborant un engin de ski debout pour des personnes paralysées, le Vertiski. La promesse était probablement trop ambitieuse, même si le journaliste tétraplégique de France 2 Jacques Dejeandile a descendu des pistes avec ce matériel, les sceptiques ont eu provisoirement raison du Vertiski qui devrait réapparaître dans une version modifiée et améliorée en 2015.
Toutefois, cet engin a donné naissance à une nouvelle technique de ski debout, grâce à sa version Trotiski destinée aux personnes qui peuvent tenir debout et marcher ne serait-ce qu’un peu (paraplégie incomplète, hémiplégie, infirmité motrice cérébrale par exemple). Le skieur est debout sur deux skis maintenus par un parallélogramme articulé sur lequel est fixé un guidon. Les skis sont mobiles avant-arrière, s’inclinent pour la prise de carre, peuvent être indépendamment soulevés. Tant que c’est nécessaire, un moniteur assure au skieur un maintien debout (une sangle de soutien peut être ajoutée) et le guidage de la trajectoire. On trouve très vite son équilibre sur l’engin, les sensations de glisse sont immédiates, l’apprentissage des fondamentaux rapide, et bien évidemment les remontées mécaniques accessibles avec ce matériel. Cette Trotiski est à la fois un engin d’apprentissage avant de passer au ski « standard », et une alternative au ski assis pour certaines personnes handicapées. Le Vertiski reposait sur la même mécanique, avec un appui tibial et une sangle de maintien dorsal, systèmes à l’amélioration desquels travaille Marc Gostoli. Actuellement, une évolution de la Trotiski, le Gotoski, intéresse particulièrement les sportifs valides et les moniteurs de ski afin d’améliorer leur technique et corriger leur glisse.
Le ski assis est également au programme des innovations de Marc Gostoli. Il faut se souvenir qu’il a inventé jadis un engin de ski piloté par un moniteur ou accompagnateur, le GMS. Dans ce « Gostoli Marc Système », l’handiskieur est assis et peut, au moyen de stabilos, déclencher les virages et contrôler sa glisse tout en étant assuré par l’accompagnateur qui maintient l’équilibre de l’engin au moyen d’une barre. Le GMS est également utilisable pour des descentes promenade, le passager n’ayant qu’à jouir du paysage et des sensations!
Ce matériel se différencie du fauteuil-ski par sa polyvalence et une plus grande sécurité du pilote qui évolue sur ses propres skis, ce qui facilite également l’embarquement et débarquement des télésièges. Marc Gostoli a récemment fait évoluer son GMS en engin de transport de marchandises, matériels ou blessés sur les pistes: la version brancard multipositions sur skis et roulettes intéresse d’autant plus les secouristes qu’elle est héliportable, une autre est destinée au ravitaillement en altitude.
Une autre invention encore à l’état de prototype pourrait révolutionner le ski alpin adapté: le Xbike est une sorte de vélo reposant sur deux skis au moyen d’une mécanique articulée reproduisant les mouvements du skieur, à la manière de la Trotiski en plus élaboré encore. Mais là, le skieur est assis, ses pieds vers l’avant sur des repose-pieds, un guidon assure le contrôle de l’inclinaison des skis. L’équilibre est immédiat, les sensations excellentes, on acquiert rapidement les techniques de virage et de maîtrise de vitesse, l’impression de liberté est grisante: on skie assis sans être engoncé et comprimé dans une coque.
Ce nouveau ski ouvre une voie originale à ceux n’ont pas les moyens physiques ou l’endurance pour skier debout tout en ne se retrouvant pas dans le ski assis, trop contraignant pour eux parce qu’il oblige à ne pas utiliser leur musculature dorsale et abdominale. Un engin abouti est en cours de finalisation, cette innovation devrait combler une lacune en matière de ski adapté. La mécanique du Xbike dérive du Xbifree, ski assis en position haute avec bâtons au lieu des stabilos, bien adapté à des gros gabarits comme à des personnes handicapées qui appréhendent le ski debout tout en ayant des moyens physiques conséquents.
Que faire d’autre à La Plagne ?
Si la station est essentiellement destinée aux skieurs, d’autres loisirs sont proposés. Notamment une expérience unique : la descente de la seule piste olympique française de bobsleigh. Si trois types de descente sont proposés, seule celle qui utilise le Bobraft quatre places est ouverte aux personnes handicapées motrices à condition qu’elles aient la capacité de se tenir assises et fermement accrochées à des poignées de maintien. Le personnel est formé au portage de ces clients, ceux qui se déplacent en fauteuil roulant ne pouvant accéder ni au bureau de vente ni à la salle d’attente. Mais la récompense est bien là: 1mn 30 de descente à 80 km/h dans le corridor de glace, en se retrouvant à l’horizontale dans les virages relevés, dans la vitesse et l’impression parfois d’être soulevé de terre! Et comme les personnes handicapées sont assises en tête du bob, les meilleures sensations sont pour elles! A essayer, l’estomac vide…
Autres sensations, celles du parapente adapté que proposent deux sociétés, Plagn’air et Paradifly. Deux types de vols sont proposés, un d’une dizaine de minutes au départ de la Grande Rochette pour une arrivée à Plagne Centre après 500 mètres de descente, le second d’un quart d’heure poursuivant jusqu’à la piste de bobsleigh. Les pilotes utilisent une sellette, et peuvent même « accrocher » le fauteuil ski d’un handiskieur. Prévoir un accompagnement au départ comme à l’arrivée.
Côté hébergement, La Plagne dispose de 54.000 lits, essentiellement dans les grandes résidences des immeubles en béton aux murs couverts de bois. L’offre en chambres adaptées est diversifiée, de même que dans les hôtels récents. Une partie des résidences et hôtels proposent du spa bien-être, excellent moyen de se réchauffer après une journée sur les pistes. Et à Plagne Centre comme à Aime 2000, commerces et restaurants sont installés dans des galeries commerciales au bas des barres d’immeubles, d’une déambulation confortable et aisément accessibles aux résidents des étages supérieurs. Notez toutefois que les restaurants de La Plagne, station éloignée des bourgs de la vallée, pratiquent des prix qui apparaissent plus élevés que dans bien d’autres, dès lors que l’on veut sortir de la formule Tartiflette… La diversité des skis adaptés de La Plagne sait se faire mériter !
Laurent Lejard, janvier 2014.