Pékin (Beijing, « la capitale du nord », en chinois) fait rêver, stimule l’imagination. C’est d’abord un souvenir d’enfance, un film projeté à l’école, avec le Roi des Singes dans la Cité Interdite. Images brouillées qu’un séjour dans la capitale chinoise va raviver. C’est aussi Pu Yi, le Dernier Empereur du film de Bertolucci parcourant des couloirs immenses, peints en rouge, percés de portes, à ciel ouvert…

La Cité Interdite, haut-lieu du pouvoir impérial, est désormais ouverte à tous même si les personnes en fauteuil roulant rencontrent de réelles difficultés à la visiter, du fait des escaliers et des seuils proéminents. Vous entrerez dans la Cité par la porte Tian An Men ou, pour éviter quelques centaines de mètres de marche, en vous faisant déposer en taxi à la porte Wumen. Vous longerez alors murailles et douves au plus près. Vous accéderez à une première cour traversée par une rivière franchie par cinq ponts en marbre, symboles des cinq vertus confucéennes.

Prenez le pont du milieu, celui que seul jadis l’empereur pouvait emprunter. Tout ici se décline en symboles et significations, du nombre de personnages ornant les toitures à la couleur de leurs tuiles. Les pavillons sont cernés de terrasses de marbre dont les encensoirs donnaient l’impression qu’ils flottaient dans les airs : l’Empereur de Chine n’était- il pas le Fils du Ciel ? Vous pourrez vous contenter de flâner à travers la Cité et éviter de visiter les musées : les pièces sont poussiéreuses, mal présentées dans des vitrines sales et sans éclairage. Malgré le caractère remarquable des objets qu’ils comportent, leur présentation exécrable suffit à gâcher le plaisir. En vous dirigeant vers la porte du nord, vous arriverez aux appartements de l’Inpératrice, à ceux des concubines, et au jardin dans lequel l’Empereur honorait l’une d’entre elles en plein air à chaque nouvelle lune : c’était bon d’être le Fils du Ciel, à condition d’éviter les assassinats et autres empoisonnements !

Face à la porte du nord s’élève la colline dite du charbon, point culminant du Pékin d’avant les gratte- ciels. De son sommet, vous aurez un très beau point de vue sur la ville et la Cité Interdite, panorama qui nécessite une ascension par des escaliers et des pavillons. De cet endroit, le crépuscule est une attraction très prisée des chinois. Au- delà, la place Tian An Men s’illumine. Elle abrite des hauts- lieux du pouvoir et le Mausolée de Mao.

Au sud de la place, deux portes rescapées de la destruction des fortifications mongoles trônent isolées, colossales. Elles se visitent, mais au prix d’innombrables escaliers. Plus au sud, dans le district de Chong Wen, un bastion similaire a été transformé en salle d’exposition d’art contemporain, l’une des deux que comptent la ville. De jeunes artistes y exposent leurs travaux. Les étages présentent une exposition sur le passé du district dont le principal monument est l’illustre Temple du Ciel. Accéder au pied de celui- ci est aisé, il suffit de marcher ou de rouler. Circulaire, il est cerné de terrasses dont les encensoirs devaient faire flotter le temple dans lequel le Fils du Ciel venait célébrer son papa…

Les environs de Pékin. Le Palais d’Été, situé au nord ouest de la ville, est à portée de taxi et est accessible par la porte sud, pour une longue promenade le long de son lac. La beauté des pavillons et des temples est réservée à ceux qui ont des jambes solides. En parcourant escaliers et passages taillés dans le roc, vous serez au plus près des pavillons (la plupart sont hélas fermés au public) et des temples, ce qui permet d’en apprécier l’architecture et les détails. Vous pourrez toucher les tuiles vernissées ocre, voir de près les personnages qui ornent les angles des toits recourbés.

Une longue ascension conduit au Temple du parfum de Bouddha, orné d’une statue géante du dieu, couverte d’or. Un long corridor de plus de cinq- cents mètres, dont les plafonds sont peints de scènes mythologiques, guerrières ou oniriques, vous conduit à la curiosité qu’il faut voir, le Bateau de Marbre de l’Impératirce Cixi (fin XIXe). Il est à l’accostage, au bord de l’immense lac. Ce steamer de pierre est impressionnant d’élégance et de majesté.

Plus au nord, mais à portée de taxi (plus économique que les visites guidées proposées par les tour opérateurs ou les hôtels), la Grande Muraille fut un défi lancé aux envahisseurs du nord et à la nature. Un défi aujourd’hui difficile à relever sans aide. Que ce soit à Badaling ou Mutyanu, l’accès se fait par escaliers ou télécabine. Il semble toutefois, selon un guide touristique, qu’il soit possible de visiter certaines portions de la Grande Muraille en palanquin ! Il faudra vous renseigner auprès d’un guide et négocier le prix. Le coup d’oeil vaut l’aventure : devant vos yeux, la muraille serpente sur la ligne de crêtes, semblant se rire de la montagne. Un serpent de plus de 6.000 kilomètres. Ici, on est « dans le film », on se prend à imaginer les hordes tentant de franchir la muraille, la vie des soldats qui la défendaient… Le soir vous offre des lueurs dorées inoubliables sur cet immense rempart.

Autre haut-lieu à voir absolument, et aisément accessible, l’allée sacrée conduisant aux Tombeaux Ming. La parcourir sera très agréable aux « roulants » mais pénible aux « béquilleux » : deux bons kilomètres entre deux rangées de statues très réalistes qui saluaient une dernière fois les Empereurs Ming lors de leur ultime voyage. Des guerriers, des dignitaires, puis un bestiaire d’animaux fabuleux (chimères) et domestiques (dromadaires, éléphants) sont posés de part et d’autre d’une allée dallée. Il est possible de se faire déposer à l’entrée et récupérer à la sortie. Par contre, les Tombeaux eux- mêmes sont parfaitement inaccessibles, et comme ils sont inintéressants, à l’exception des monumentales portes de marbre qui les scellaient, vous n’en aurez pas de regret !

Pékin, une ville en mutation. La capitale est en grand chantier. Des immeubles ultra- modernes à l’esthétique plutôt lourde parsèment le centre de cette mégalopole de plus de douze millions d’habitants qui se répand en villes satellites: ce sont elles qui hébergent les habitants chassés du centre par les innombrables projets immobiliers, dont certains demeurent à l’état de chantier.

Les quartiers de maisons basses aux murs gris, hutong, sont un dédale de ruelles encombrées d’objets laissés là par les habitants. Les maisons comportent souvent une pièce unique et une cuisine, sans cabinet de toilette. Les wc sont collectifs. Les hutongs ont été en grande partie détruits, quelques- uns ont été préservés à destination des touristes: ce sont généralement des ensembles proprets organisés autour de cours intérieures, habités jadis par des commerçants aisés. Moins de 5% de la population vivrait encore dans ces quartiers délabrés.

Bars branchés, cybercafés, night-clubs house ou techno, la nuit pékinoise est plutôt occidentale et attire les « expatriés », ces étrangers venus travailler pour leurs compagnies et dont le niveau de vie fait grimper le prix de l’immobilier. On y croise aussi des jeunes femmes qui vantent la qualité et la variété de leurs massages… Par bien des aspects, Pékin ressemble à une grande ville occidentale.

La cuisine chinoise vaut à elle seule le voyage mais, pour l’apprécier en dehors des restaurants touristiques, il est préférable d’être conseillé : faute de versions anglaises ou de photographies des plats, comment s’y retrouver dans une carte souvent composée exclusivement d’idéogrammes parfois simplement transcrits en Pinyin (caractères occidentaux) ? Qu’elle soit de Canton ou de Shanghai, du Sichuan ou du Yunnan, tous les goûts sont à portée de baguettes !

Le poisson est frais, en témoignent les viviers. Le personnel est nombreux, parfois même pléthorique comme dans cet établissement situé en face d’un magasin Carrefour : une bonne demi- douzaine de voituriers, autant de réceptionnistes, des serveuses en tunique roses, des poissonniers en tenue bleue, les apprentis ayant droit au marron. Derrière une paroi vitrée, l’armée des cuisiniers s’active pour que vous soyez servis rapidement. Chaque plat comporte un numéro et le nom de celui qui l’a préparé, histoire de le réprimander ou de le féliciter. Une curiosité que connaissent ceux qui ont voyagé en Amérique du Nord, le client emporte les restes, et comme les plats sont copieux, le ballet des boîtes en carton (qu’un serveur remplit à la demande) est très fréquent. Ici, le client est respecté, choyé et ses désirs sont comblés.

…Comme ils le seront dans les nombreux commerces qui proposent le meilleur et le pire du goût oriental. Vous trouverez des brocards de soie à des prix impensables chez nous, des bijoux d’or ou de jade ciselé, des perles de toutes natures, des fourrures, mais aussi des contrefaçons à la pelle et de fabrication souvent médiocre. Il vous faudra systématiquement marchander dans les échoppes (les prix peuvent aisément chuter de 40%) mais abandonner cette velléité dans les magasins d’État.

Quelques précautions utiles en fonction de votre handicap. Autant le dire tout de suite, l’hiver n’est pas la plus agréable saison pour visiter la capitale de la Chine : il gèle jour et nuit, le vent balaie régulièrement la ville et comme il descend de Sibérie, le visiteur cherchera plutôt à s’en abriter ! Tout le monde a froid, même les Chinois, qui portent généralement caleçons longs et tricots de peau épais. Petit avantage, il y a peu de touristes et on peut prendre le temps de visiter. Mais il conviendra de bien protéger du froid des membres paralysés et insensibles.

Les rues sont poussiéreuses, le vent déplaçant des nuages de sable : les personnes sous assistance ou insuffisantes respiratoires risquent de rencontrer des difficultés, et ce en toutes saisons. L’été est caniculaire à Pékin (encore que le mois d’août soit pluvieux) et l’air est sec quasiment toute l’année. Il est fréquent de recevoir une décharge d’électricité statique en sortant d’un taxi, en touchant un bouton d’ascenseur, voire en faisant la bise ! Dans quelle mesure l’accumulation de cette charge d’électricité peut- elle altérer le fonctionnement d’appareils électroniques (boîtiers de contrôle de fauteuil roulant, prothèses auditives, etc.), voilà une bonne question à poser à votre fournisseur avant d’envisager un voyage à Pékin. Pour les raisons précitées, les porteurs de lentilles de contact devront préférer les lunettes : sécheresse de l’air et poussière ambiante ne sont guère appréciées par les lentilles et par les yeux.

On circule relativement facilement en fauteuil roulant, les avenues sont planes. Les trottoirs sont souvent larges bien que parsemés de vélos et d’un revêtement de sol peu agréable. Les bordures de trottoirs sont généralement peu élevées et fréquemment surbaissées. Il est possible de circuler en fauteuil roulant sur les bandes cyclables en étant toutefois très attentif au flux des vélos ; il est déconseillé de s’arrêter brutalement. De nombreuses personnes handicapées utilisent pour leurs déplacements des tricycles à moteur essence fournis à un tarif préférentiel.

Les constructions récentes, notamment les hôtels, sont accessibles aux personnes handicapées physiques. Une seule rue est piétonne, c’est la très commerçante Wangfujing : malheureusement, nombre de nombreux petits commerces comportent un escalier ou un perron. L’aéroport a été refait de frais, vaste, efficace, accessible, l’assistance aux personnes handicapées exemplaire. Par contre, ne comptez pas sur les transports en commun, préférez plutôt les taxis : très nombreux, bon marché, ils ont l’obligation de transporter les personnes handicapées et de les aider au besoin. Le fauteuil roulant manuel est transporté gratuitement. La gare de Pékin et d’autres grandes villes, ainsi que certains trains, sont accessibles. Des fauteuils roulants sont gratuitement mis à la disposition des voyageurs handicapés. Il semble que les autorités engagent un vaste plan de mise en accessibilité dans la perspective des Jeux Paralympiques de 2008 qui auront lieu à Pékin. Selon quelles normes, mystère…

Les personnes handicapées en Chine.
 Le Gouvernement chinois semble se préoccuper de la protection des personnes handicapées. Le président de l’Union Nationale des Personnes handicapées a rang de ministre. Deng Pu Fang, fils de l’ancien président Deng Xiao Ping, paraplégique depuis une altercation avec les Gardes Rouges lors de la Révolution Culturelle à laquelle son père était opposé, a occupé ce poste. Les représentants des unions provinciales et locales de personnes handicapées sont salariés par l’État et participent aux différents niveaux de pouvoir.

Pékin, par son évolution permanente, est une ville difficile à cerner, immense, à l’urbanisme d’apparence anarchique, envahie par les voitures bientôt peut- être plus nombreuses que les vélos, Eldorado de nombreuses compagnies étrangères investissant un marché de près 1,5 milliards d’individus. Et conserve encore une partie de ce charme extrême oriental qui nous fait souhaiter qu’il en reste quelques pans à l’horizon 2008 !

Laurent Lejard, février 2002, avec l’aimable collaboration en Chine de M. Liu Tao.

Les guides touristiques sur Pékin et la Chine sont innombrables. Citons néanmoins Le Petit Futé Pékin, très utile, et une récente édition de Pékin en Poche (coordonné et édité par Stéphanie Ollivier) qui comporte une mine de renseignements pratiques.

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