Berlin est un nom qui inspira la crainte ou suscita l’admiration. Capitale d’une Prusse impérialiste qui réalisa l’unité allemande contre l’Autriche et la France (entre 1866 et 1871), la ville devint au début des années 1920 la plus grosse cité industrielle d’Europe et un lieu de créativité artistique intense jusqu’à l’émergence du nazisme en 1932. Redevenue capitale de l’Allemagne réunifiée, elle attire aujourd’hui artistes et créateurs, promoteurs immobiliers et investisseurs, et regorge d’intérêt touristique et culturel. Voici quelques aspects de cette ville- phare fascinante.

Berlin Impérial. La porte de Brandebourg est, en 2002, en pleine rénovation, bâchée, invisible. Derrière elle, en allant vers l’est, nous entrons sur Unter den Linden (« sous les tilleuls ») qui est un peu les Champs- Élysées de Berlin, en bien plus calme. Les immeubles anciens côtoient les constructions récentes dans une belle harmonie de lignes sur cette avenue large et majestueuse. Banques et show- rooms luxueux, bureaux, quelques commerces et restaurants, petit musée Guggenheim (accès de plain- pied mais portes lourdissimes), peu de circulation automobile, de larges trottoirs propices à la flânerie nous conduisent jusqu’à la place Bebel. Il s’y déroula le grand autodafé que firent les nazis le 10 mai 1933 avec les livres de la mitoyenne Bibliothèque. Cette dernière a une façade curieuse, en forme de commode baroque, et arbore aujourd’hui encore un vitrail présentant… Marx, Engels et Lénine.

Au fond de la place, un édifice néo- antique massif surmonté d’une toiture en forme de tasse à thé renversée abrite la cathédrale catholique (inaccessible aux personnes en fauteuil roulant) : de forme circulaire, l’intérieur de Sainte- Edwige est moderne, reconstruit durant les années 1950. Face à elle, l’Opéra d’Etat (places à l’orchestre accessibles par rampes via les entrées latérales) fut le haut- lieu de l’art lyrique de la République Démocratique Allemande. Son dispositif scénique est spectaculaire, permettant de faire monter dans les cintres ou descendre tout le plateau de scène ce qui autorise des effets grandioses dont le metteur en scène maison, Harry Kupfer, raffole.

De l’autre coté du Staatsoper, le magnat de la presse Bertelsmann construit un centre média au bord du canal. Face à lui, le décrépi Palais de la République, qui abritait le Parlement de la RDA, alimente une polémique entre ossis (ex-habitats de la RDA) et wessis (ressortissants de la RFA): les premiers souhaitent conserver le bâtiment comme vestige de leur histoire politique, les seconds sont partisans de le détruire pour reconstruire le château impérial des Hohenzollern, ravagé par un incendie durant la seconde guerre mondiale puis démantelé en 1950. Vers le nord s’étend l’île des musées, dont deux sont en grosse rénovation (Bode et Neues Museum). Les trois autres présentent chacun un grand intérêt.

Le Pergamon renferme plusieurs éléments d’architecture de l’Asie Mineure – l’autel de Pergame, la porte du marché de Millet – et la magnifique porte d’Ishtar rescapée de la cité de Babylone (Mésopotamie), dont les lions sont d’époque : ces merveilles, et quelques autres, furent démontées et reconstituées par des archéologues allemands durant la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Ce musée est paradoxal : on y accède aisément, grâce à un lève- fauteuil extérieur, une porte automatique et un ascenseur intérieur, mais une fois face à l’autel de Pergame, des escaliers interdisent toute visite des autres salles sans être aidé, voire porté ! Les deux autres musées actuellement ouverts au public sont, eux, parfaitement accessibles : l’Alte Nationalgalerie abrite les peintures et sculptures des maîtres allemands du Moyen- Âge au début du XXe siècle. L’Altes Museum est consacré aux antiquités grecques et romaines : sa rotonde ornée de sculptures vaut la visite. L’accessibilité est parfaite dans ces deux derniers musées, à l’exception d’une salle mineure de l’Alte Nationalgalerie.

Sur la gauche de ce musée, le Berliner Dom est la luxueuse Cathédrale protestante de Berlin (accessible par lève- fauteuil situé à gauche des escaliers). Monumentale et noire de pollution, elle abrite de nombreuses sépultures des membres de la famille impériale des Hohenzollern: la plupart sont malheureusement dans la crypte, desservie seulement par un escalier. Le dôme se visite et offre un vaste panorama sur la partie Est de la ville, si vous pouvez gravir près de 180 marches d’escaliers. L’entrée de l’église est payante et l’employée a tendance à vendre spontanément la visite complète, même aux personnes qui ne peuvent l’effectuer…

Traces du nazisme. Curieusement, le bâtiment qui abritait le ministère de l’intérieur du Troisième Reich est sorti quasiment intact des bombardements qui rasèrent la plupart des immeubles du quartier de la Postdamer Platz. Massif et trapu, son architecture peut être qualifiée de style totalitaire : il accueille maintenant le ministère des Finances. Il est bordé sur l’un de ses cotés par des restes du Mur de Berlin. De l’autre coté, les immeubles détruits étaient occupés par les services répressifs du régime nazi : quartier général de la Gestapo et de la Waffen SS, services secrets. Les sous- sols servaient de cellules pour les prisonniers politiques, ainsi que de salles de torture. De grands noms sont passés par là, notamment les communistes Georges Dimitrov, accusé de l’incendie du Reichstag, Ernst Thälmann, secrétaire général du parti communiste jusqu’à son arrestation en 1933, et Erich Honecker (président de la RDA de 1976 à 1989). Ces vestiges de l’horreur se visitent au moyen d’une exposition au nom significatif : « Topographie de la Terreur ». Des panneaux explicatifs, quelques- uns bilingues anglais- allemand (notice en français), situent les bâtiments et leurs fonctions, relatent quelques fragments d’histoire, présentent quelques- unes des victimes du nazisme qui souffrirent ici. Même les personnes ne fauteuil roulant pourront éprouver des frissons d’épouvante à la vue des restes de ce sinistre bâtiment : une entrée particulière est aménagée, et l’accès au sous- sol et à l’exposition se fait par une pente douce et dallée (entrée gratuite). La construction d’un musée est projeté sur le site.

Autre lieu emblématique de la période nationale-socialiste, le Stade des Olympiades de 1936. Son architecture s’inspire des constructions monumentales de l’antiquité romaine, correspondant au goût des dignitaires nazis pour le grand spectacle. Massif, recouvert de pierres grises, il est actuellement rénové et couvert afin d’accueillir le Mondial de football de 2006. Derrière le stade, une immense esplanade herbue servait aux parades. Elle est surmontée d’une tour haute de 77 mètres (inaccessible aux handicapés moteurs bien qu’un ascenseur la desserve, mais entre deux batteries d’escaliers). De son sommet, le regard porte loin sur la ville. Cette tour du Carillon était également la tribune réservée au Führer lors des commémorations nazies.

La coupole du Reichstag, dessinée par l'architecte Norman Foster.

L’incendie du Reichstag, siège du Parlement, fut en 1933 l’outil de l’extermination de ce qui restait de l’opposition au national- socialisme. Bien que perpétré par des nazis, cet incendie entraîna l’arrestation des dirigeants du parti communiste, leur procès puis leur emprisonnement qui se poursuivit dans la déportation et la mort pour la plupart d’entre eux. Depuis la réunification, le Reichstag a été rénové afin de redevenir le siège du Parlement fédéral (Bundestag). Il est surmonté d’une coupole de verre à laquelle on accède par une longue rampe circulaire ; ses concepteurs ont pensé aux personnes à mobilité réduite en ménageant de nombreux paliers au long de l’ascension et de la descente qui en deviennent aisées et égalitaires, tout le monde empruntant le même chemin. En flânant au sommet de ce haut- lieu d’histoire, vous découvrirez l’un des plus beaux panoramas sur la ville, par la variété des paysages et des sites : vers l’ouest s’étend un vaste parc bordé par la Chancellerie, au sud la Postdamer Platz et Kreuzberg, vers l’Est le centre- ville historique. L’accès au Reichstag se fait, pour les personnes handicapées, par une entrée située à droite de l’escalier monumental, puis ascenseur ; un contrôle de sécurité par portique de détection nécessite de mentionner le port de prothèses métalliques. Le dernier chic berlinois consiste à prendre le petit déjeuner du dimanche au bar de la Coupole, mais il est nécessaire de réserver longtemps à l’avance.

Le Mur. A partir du 13 août 1961, les autorités de l’Allemagne de l’Est entreprirent de séparer physiquement les deux parties de Berlin : c’est ainsi que la zone Ouest, sous statut d’occupation par les troupes américaines, anglaises et françaises, fut cernée par un mur de barbelés puis bétonné. Il reste aujourd’hui peu de morceaux du Mur, dont le souvenir demeure au sol par une double ligne de pavés. Le survol de la ville montre encore les délimitations nettes : par exemple, une forêt d’un coté, une prairie de l’autre. Le mur a coupé des rues et même des immeubles. Le métro rapide (S- Bahn) traversait alors Berlin Ouest sans marquer d’arrêt. Des familles se sont retrouvées séparées du jour au lendemain. Durant 28 ans, quelques points de passage permirent aux habitants de se rendre dans l’autre Berlin, le plus célèbre, et le seul à avoir été conservé à titre de mémorial, étant Check Point Charlie : sa frustre baraque de bois a été reconstruite.

Le Berlin de l’Est. On ressent encore, treize années après la chute du Mur et la réunification allemande, la division de Berlin. On la perçoit dans l’urbanisme, marqué ici par le délabrement des immeubles anciens situés à l’écart des artères principales. C’est ainsi que les édifices du XIXe siècle qui font face à l’entrée du Pergamon portent encore les impacts de balles et d’éclats d’obus de la prise de Berlin en 1945. Symbole du Berlin moderne selon les dirigeants de l’Allemagne de l’Est, l’Alexander Platz est une vaste étendue piétonne et vide bordée d’immeubles sans âme, béton gris et verre. Ils abritent commerces, grands magasins, hôtels et bureaux. Dans un coin, une horloge universelle donne l’heure de toutes les régions du monde. Près du centre de la place, une fontaine célèbre « l’amitié entre les peuples ». Au fond, derrière la ligne de tramways, d’immenses barres d’immeubles d’habitation : les HLM sont au coeur de la ville !

Outre la laideur et le gigantisme désuet des lieux, ce qui saisit lorsque l’on entre sur la place, c’est l’odeur de friture grasse. Elle provient des nombreux vendeurs itinérants de saucisses : ils les font griller sur des barbecues portés en bandoulière. Un jeune ukrainien poliomyélitique a préféré utiliser son fauteuil roulant comme support commercial : bien lui en a pris, ses affaires marchent, il a maintenant des employés ! Berlin Est est une succession de chantiers, tout au moins dans la partie centrale de la ville. Au détour des rues, on longe des terrains vagues, des friches industrielles ou des immeubles délabrés, des constructions neuves et design, de la rénovation urbaine plus ou moins réussie. La grisaille ambiante est égaillée par des murs peints de couleurs criardes, et on croise encore quelques Trabants, ces voitures pétaradantes et polluantes qui constituait l’un des deux modèles d’automobiles produites par la RDA, l’autre étant la Wartburg.

Voiture de marque Trabant psychédélique...

La reconstruction. A l’ouest, le commerce s’est organisé autour de l’avenue Kurfürstendamm. On y trouve une succession de grands magasins, dont le plus vaste d’Europe après le Harrod’s de Londres, le KaDeWe, déploie ses étages (accessibles). Les rues adjacentes accueillent des boutiques chics de créateurs et grandes marques. L’Histoire demeure présente sur cette avenue : le clocher de l’église du souvenir (Gedächtniskirche, que les berlinois surnomment « la dent creuse ») est resté en ruines pour remémorer les bombardements qui détruisirent le tiers des logements de la ville, et la sculpture « Berlin » – implantée en 1987 – symbolise la division de la cité. Ce quartier est particulièrement animé, et la circulation automobile intense.

Un nouveau pôle d’activités commerciales et de loisirs est ouvert depuis peu, autour de la Postdamer Platz. Jadis carrefour grouillant de voitures et de gens, elle ne ressemble plus du tout aux belles images datant de la création du premier feu rouge, dont une reconstitution orne la place. La plupart des immeubles furent détruits durant la dernière guerre, puis le no man’s land entre les deux Berlin passa par là. Actuellement, dans le sous- sol, la nouvelle gare centrale est en construction. Au- dessus, les immeubles grimpent haut. Les plus grands noms de l’architecture contemporaine se bousculent pour tenter de marquer de leur empreinte cet immense chantier.

Renzo Piano est notamment l’auteur de la tour Daimler- Chrysler du sommet de laquelle on a un panorama sur ce quartier en devenir (accessible par ascenseur, le cheminement au sommet de la tour est étroit par endroits ; entrée payante). L es nouveaux immeubles comptent peu de logements et sont essentiellement composés de bureaux. Les avenues qu’ils bordent ont vu leurs arbres pousser à l’époque du no man’s land, et les urbanistes ont pris soin de les conserver. Les commerces sont regroupés le long d’une rue piétonne couverte, Arkaden, très fréquentée. Tout proche de la Postdamer, un pôle culturel (Kulturforum) d’exception : Nouvelle Galerie Nationale (art du XXe siècle), salle de la Philharmonie, Bibliothèque Nationale, Gemäldegalerie (pinacothèque regroupant les maîtres de la peinture italienne, flamande et française du 13e au 19e siècle). Trois constructions de l’ancien quartier ont été préservées des destructions, dont la Wheinhaus Huth.

Berlin poursuit sa restructuration et la ville a beaucoup de terrains vagues à occuper. Quant aux Berlinois, on peut les définir comme accueillant et civiques : les rues sont propres, il est fréquent de voir des passants attendre le feu vert piétonnier au bord d’une rue déserte de voitures. La périphérie de la cité est cernée de lacs et rivières qui sont des lieux de promenade, de navigation de plaisance et de baignade accessibles par métro. Grouillante de créativité, Berlin est une grande ville touristique apaisante et accessible, qu’il faut voir et connaître pour mieux comprendre l’Europe d’aujourd’hui.

Quelques conseils pratiques que vous ne trouverez pas dans les guides :

Aveugles : on remarque qu’ils portent souvent un brassard très voyant, reproduisant la signalétique des trois points noirs en triangle sur fond jaune…

Feux tricolores : nombre d’entre eux sont sonores. Un son grave vibrant, qui s’entend jusqu’à cinq mètres du feu, signale qu’il est rouge pour les piétons. Au vert, le son devient un « cloc- cloc » grave. La sonorisation fonctionne en permanence.

Grands magasins : vous pourrez y faire des emplettes en utilisant un fauteuil roulant. Il est en effet parfois possible de s’en faire prêter un en le demandant aux services d’accueil.

Handicapés moteurs : on en croise beaucoup en ville, ici ils sont visibles, sortent, profitent de la vie!

Information : il existait un remarquable guide d’accessibilité de Berlin sur le web, mis en place par l’association Movado. Les subventions de cette association ayant été fortement réduites par les collectivités locales, la base de données (50.000 fiches!) n’est plus en ligne, dans l’attente d’une solution politique.

Langue : la pratique de l’allemand est bien utile à Berlin. Contrairement à une idée reçue, l’anglais est peu parlé ici, même dans les lieux touristiques et les restaurants, et le français est plus rare encore. Curieusement, il est fréquent que l’on continue à vous parler en allemand, avec force mouvements de menton, même après que vous ayez fait comprendre que vous ne comprenez pas!

Musées : l’accessibilité aux personnes handicapées est bonne tout en demeurant perfectible. Ainsi le Musée Egyptien vous est interdit, les collections étant réparties sur plusieurs niveaux desservies par des escaliers, tant pis pour la célèbre Néfertiti. Face à lui, le Brohan et ses oeuvres Art Nouveau se visitent aisément… à l’exception de la galerie de la salle des expositions temporaires. Ce qui est remarquable dans la présentation des meubles et objets, c’est que l’on peut s’en approcher à les toucher, tourner autour, en détailler les formes et les ornements. La muséographie allemande place peu d’objets dans des vitrines, en tous cas beaucoup moins qu’en France, ce qui autorise une meilleure perception des oeuvres par leur plus grande proximité. Lorsque l’accès est correct pour les handicapés moteur, il est fréquent que l’on puisse se faire prêter un fauteuil roulant (« rollsthul ») pour effectuer la visite : c’est le cas notamment à l’Alte Nationalgalerie, à la salle Martin Gropius, au Brohan, à l’Altes Museum. Les audio- guides, très répandus mais avec généralement un paiement supplémentaire, seront très utiles aux aveugles et malvoyants… si une version française est disponible. Cartels et panneaux explicatifs sont la plupart du temps uniquement rédigés en allemand, parfois avec version anglaise, rarement française. Généralement, les personnes handicapées paient demi- tarif à condition de demander clairement un billet pour personne handicapée (« behinderte »).

Rues : ce qui surprend le visiteur, c’est l’espace. Les artères sont souvent larges, peu encombrées, on circule aisément en voiture comme à pied.

Stationnement : il est assez aisé de trouver une place à proximité du lieu où l’on souhaite se rendre. Les emplacements réservés aux véhicules des personnes handicapées sont respectés.

Trottoirs : ils sont bas, souvent larges, le mobilier urbain laisse un espacee suffisant, les passages surbaissés sont nombreux.

Transports urbains : de nombreuses lignes de bus sont dotées de véhicules acceptant les personnes en fauteuil roulant, les stations de métro équipées d’ascenseurs (avec annonce sonore et boutons braille) et accessibles sont indiquées sur tous les plans du réseau, les arrêts sont annoncés vocalement et par message écrit.

Tuyaux roses : au hasard des rues, on passe sous des tuyaux métalliques roses. Ils servent à évacuer l’eau pompée dans les sous- sols d’immeubles en rénovation. Leur vision étonne, notamment à travers Unter den Linden…

Web : Voici quelques sites Internet en français concernant Berlin. Berlin en ligne est particulièrement complet : histoire, actualité, architecture, monuments, informations pratiques, etc. Le guide Cityvox est quant à lui consacré aux sorties : bar, boites, restaurants, musées, shopping… Explorez en images le Mur et son Histoire. Au rang des curiosités, découvrez l’aéroport Tempelhof, de pur style architectural nazi, qui servit également au pont aérien lors du blocus de 1949. Enfin, La France est présente à Berlin par ses produits et quelques activités; bien utile pour trouver un médecin francophone, par exemple.

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