La construction du Canal du Midi, qui participe de la jonction fluviale entre la mer Méditerranée et l’océan Atlantique, remonte au 17e siècle. On la doit à l’opiniâtreté (et, en partie, à la fortune) du riche fermier général biterrois Pierre- Paul de Riquet (1604- 1680)… mais surtout au labeur de plus de 10.000 hommes et femmes qui y ont peiné pendant 14 ans, jusqu’à son inauguration en mai 1681. Classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 1996, le canal relie Toulouse à l’étang de Thau (à côté de Sète) en près de 250 km. Large d’une vingtaine de mètres et profond d’une dizaine, il compte aujourd’hui une soixantaine d’écluses (d’une belle forme ovoïde) dont la plupart sont automatisées.

Le canal a joué son rôle économique durant environ 200 ans, jusqu’à l’avènement du rail. Propriété de l’État et administré par les Voies Navigables de France, il est désormais essentiellement dédié à la navigation de plaisance. De nombreux loueurs proposent leurs bateaux mais le canal est également emprunté par des voiliers (dont le mat a été ôté ou abaissé) et quelques belles et luxueuses péniches- hôtels.

Bordé de platanes centenaires, et parfois de pins, le canal est ombragé, conservant une agréable fraîcheur au soleil de midi. Les racines aident à consolider des berges mises à mal par la houle que génèrent les moteurs de plaisanciers parfois peu respectueux de l’environnement et de la limitation de vitesse à 8km/h. Les chemins de halage, autrefois utilisés pour tracter les embarcations à la force des hommes ou des chevaux, sont désormais utilisés par les promeneurs, à pied ou en vélo. Certains cyclotouristes parcourent même le canal dans son entier en randonnée.

Victime de son succès, la navigation sur le Canal du Midi est à éviter entre juillet et septembre : files d’attente interminables aux écluses (dont les horaires sont d’une rigueur toute administrative) et forte chaleur sur les berges comme à bord ! La demi- saison (fin- avril à mi- juin) ainsi que le mois d’octobre (quand la météo le permet) semblent les plus appropriés. En outre, le prix des locations est plus abordable et les promotions nombreuses. Les bateaux, généralement peu accessibles sans aide, sont agencés un peu comme un camping- car : cabines individuelles à un ou deux lits, toilettes, salle(s) de bains, cuisine équipée… mais pas de prise électrique. Il faudra vous contenter de l’allume- cigare du poste de pilotage pour recharger (avec l’équipement idoine) vos téléphones portables et autres appareils photos numériques.

Les embarcations de luxe ont évidemment un confort et (parfois) une accessibilité supérieurs; elles ne présentent toutefois pas l’avantage de modèles moins prestigieux mais plus conviviaux dotés d’un toit ouvrant sur la cabine centrale. Evitez les « pénichettes », si esthétiques… mais si bruyantes du fait d’un clapot incessant contre leurs flancs !

Une croisière d’une semaine est sans doute la durée idéale : pas le temps de s’ennuyer ou de souffrir de la promiscuité à bord. En une semaine, vous parcourrez entre 150 et 200 km selon le secteur. Tous les guides vous le diront : le plus beau tronçon s’étend de Portiragnes (34) à Castelnaudary (11). Les trajets en aller simple sont à privilégier, malgré le surcoût lié au transfert de votre voiture à la base d’arrivée, car ils permettent une plus grande « exploration ». Comptez au minimum trois personnes dont deux valides (pour assurer les manoeuvres lors du passage des écluses)… et choisissez bien vos compagnons de voyage !

Remplissage d'une écluse. © François Nagot.

Aucun souci pour le pilotage : les embarcations ne nécessitent pas de permis spécifique et se prennent en main suffisamment facilement pour que des enfants puissent jouer sans danger les capitaines d’un jour ! Les bateaux sont livrés avec le plein de carburant; il vous faudra juste penser à faire régulièrement celui d’eau (des bornes sont disponibles gratuitement ou moyennant une somme modique dans tous les ports) et à envoyer vos équipiers faire les courses dans quelque village ou quelque marché local rencontré en chemin…

Le franchissement d’une écluse est plus simple qu’on imagine : une fois les portes ouvertes, on dépose un équipier à terre, qui se rend au quai attendre que l’embarcation ait pénétré. Un autre équipier lui envoie la corde avant, puis la corde arrière afin de maintenir le bateau stable dans les remous.

Une fois le sas rempli (ou vidé, selon que l’on monte ou que l’on descend) et les portes ouvertes de nouveau, les équipiers désamarrent l’embarcation qui peut ainsi continuer sa route. Les écluses s’enchaînent parfois par deux, trois, voire davantage : les célèbres écluses de Fonsérannes, près de Béziers, sont ainsi constituées d’un « escalier » de 8 écluses !

Les éclusiers sont des gens généralement affables et indulgents avec les débutants. Ils habitent le plus souvent dans les bâtiments attenants et décorent les lieux parfois avec excentricité mais toujours avec goût. Sur chaque « maison éclusière » une plaque indique le nom de l’écluse et la distance qui la sépare des écluses suivantes en amont et en aval.

Le paysage ne se résume pas simplement à une étendue d’eau bordée d’arbres : chaque fois que le tracé du canal coupe un cours d’eau ou une voie de circulation, un ouvrage d’art a été construit avec la belle rigueur du Grand Siècle : ponts de franchissement en dos d’âne, ponts- canaux, épanchoirs, déversoirs, tunnel…

Et puis, contempler le soleil scintillant à travers les ramées, découvrir la rive et ses vues parfois lointaines sur les Corbières ou les Pyrénées, ou le ballet sonore des canards est un véritable enchantement où l’ennui n’a jamais sa place. On ne navigue d’ailleurs pas durant toute la journée : les pauses repas ou dodo qui émaillent le parcours sont autant d’occasions de nouvelles découvertes.

Celles et ceux qui le souhaitent pourront même précéder le bateau en vélo… ou le suivre à pied (ou à roulettes) entre deux écluses sur le chemin de halage. Mieux vaut cependant ne pas tomber à l’eau, trouble, sale et, par endroits, nauséabonde. On rencontre pourtant de nombreux pêcheurs qui garantissent que le poisson est propre à la consommation…

Combien ça coûte ? Tout dépend du bateau, du nombre de passagers et de la saison. Comptez entre 1.000 et 4.000 euros la semaine, soit une facture minimale par personne d’environ 250 euros tout compris: moins cher que des vacances au ski ! Une agence spécialisée, Croisières Handy, propose même des croisières sur une embarcation spécialement adaptée aux handicapés moteurs mais le trajet est moins intéressant… et les prix similaires à ses (nombreux) concurrents.

Jacques Vernes, mai 2003

Sur le Net : une seule adresse, celle de l’excellent site mis en place par Philippe Calas, professeur des écoles passionné, qui offre un grand nombre d’informations tant historiques que pratiques sur le Canal du Midi.

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