Ville natale du Général de Gaulle, dont la maison familiale transformée en musée est fermée jusqu’en 2005 pour cause de travaux (l’étage, nous assure- t-on sera alors accessible en fauteuil roulant), Lille forme avec ses voisines Roubaix et Tourcoing une très vaste conurbation de plus d’un million d’habitants. S’il y fait froid et humide en hiver, la convivialité légendaire de son ambiance est une chaude réalité. Au fil des rues, l’urbanisme conjugue modernisme, médiéval ou classicisme sans excès et sans heurts. Passée la déception de ne pas avoir obtenu les Jeux Olympiques de 2008, la ville a consacré de gros efforts à réussir l’opération Capitale Européenne de la Culture 2004, label qui a été également été accordé à Gènes (Italie).

Notre visite commence, comme dans toute ville des Flandres, par la Grand- Place. Celle de Lille, qui n’a pas conservé l’admirable unité architecturale de Bruxelles ou d’Anvers, est bordée d’immeubles de toutes époques, de la Renaissance flamande de la Vieille Bourse à l’Art Déco du siège du quotidien régional La Voix du Nord. Dallée (mais roulable), et située à quelques encablures de l’opéra et de la gare Lille Flandres (nimbée de rose jusqu’en décembre), elle est ornée en son centre d’une colonne surmontée d’une déesse commémorant le siège de la cité par les Autrichiens en 1792. Ville textile (drapière) des Flandres, celle que nos voisins d’Outre- Quiévrain nomment toujours Rijsel fut prise en 1667 par Louis XIV, qui chargea Vauban d’en refaire les fortifications (le fort, dont on peut faire le tour, est toujours occupé par l’Armée). Ce qui n’empêcha pas les Hollandais de s’en emparer en 1708; le traité d’Utrecht rendit la ville à la France en 1713. Assiégée par les Autrichiens en 1792, elle résista victorieusement et devint, en 1804, le Chef- lieu du département du Nord.

Au nord et à l’ouest de la Grand- Place, le Vieux- Lille déploie ses rues sinueuses et étroites dont les pavés cahoteux (pièges à roues de fauteuil) suivent le tracé d’anciens canaux. La ville est en effet traversée par une rivière, la Deûle, et a été bâtie en partie sur des marais asséchés. D’où, avec le climat, cette humidité qui donne à maints édifices la couleur verte d’une mousse envahissante… Le quartier commerçant situé autour du très bel (et très inaccessible) Hospice Comtesse draine le week- end une foule venue de toute la région que l’immense centre commercial moderne Euralille ne suffit pas à satisfaire. En retrait, la cathédrale Notre- Dame de la Treille présente un étonnant portail translucide et des sculptures signées Jean Clos qui valent le détour; on y accède par un escalier ou un ascenseur latéral signalé. Non loin, de nombreux restaurants au personnel particulièrement chaleureux accueilleront les affamés. Et la bière, à Lille, coule à flots !

En descendant par la Place Rihour, siège d’un Office de Tourisme (inaccessible) de style Renaissance, et la rue de Béthune, on accède à la vaste Place de la République, occupée à l’une de ses extrémités par la Préfecture, et à l’autre par le Palais des Beaux- Arts. Les collections de ce très riche musée méritent sans doute qu’on s’y arrête mais l’accessibilité y est problématique bien que le stationnement automobile soit aisé (trois places réservées en épi): le lève- fauteuil extérieur, prototype sans lendemain, est en effet en panne depuis longtemps et il faut demander à une personne valide de se présenter à l’accueil pour requérir un employé qui vous fera emprunter un long chemin des écoliers par les services administratifs et techniques pour aller chercher à l’accueil un billet gratuit…

Ces bémols mis à part, Lille est globalement assez aisée à circuler en fauteuil roulant, les abaissés de trottoirs sont nombreux, des rues commerçantes rénovées sont dotées de bordures très basses. L’accessibilité du métro est parfaite… lorsque les ascenseurs fonctionnent. Très utilisés, âgés de plus de 25 ans, leur taux de panne semble élevé. Les transports en commun sont gratuits pour les personnes handicapées résidant dans la Communauté urbaine de Lille, de nombreuses lignes de bus ainsi que le tramway, sont accessibles en fauteuil roulant. Les touristes peuvent utiliser le service de transport spécialisé T.L.V (Transportez La Vie) à la condition d’être titulaire d’une carte d’invalidité. ce service circule toute la semaine, jusqu’à 22 heures (sauf mardi et samedi, jusqu’à minuit) pour un tarif unique de 2,30 euros par trajet. Les places de stationnement réservé semblent suffisantes en centre- ville, gratuites et moyennement respectées.

Lille : Les arches de Mézières. Photo Denis Ouaillarbourou.

Lille en 2004. Au fil des rues, des artistes ont semé des créations ludiques, philosophiques ou simplement belles. Le « Chemin des étoiles » imaginé par le dessinateur de bande dessinée Jean- Claude Mézières (Valérian) suscite l’adhésion des Lillois qui se sont approprié ces arches conçues pour faire décoller des aéronefs. Installées rue Faidherbe, elles déménageront à Lens (mars), à Lomme (avril- mai) puis à Maubeuge (juin- août). Dans leur socle, des saynètes holographiques burlesques présentent quelques inventions du futur signées Pierrick Sorin. Bien d’autres créations sont à découvrir, tel l’anneau de Daniel Buren, la forêt suspendue de Lucie Lom, une source d’abondance conçue par François Boucq… Il est difficile de présenter toutes les expositions, celles-ci suivant un rythme saisonnier : cet hiver, Robots, Flower Power, Cinéma et Voitures du futur attirent le public. « Cinémas du futur » permet de jouer avec des installations interactives qui se prêtent bien aux mouvements du fauteuil roulant. Il est toutefois dommage que toutes les installations artistiques n’aient pas intégré l’accessibilité dans leur réalisation; c’est ainsi que l’on ne peut pas entrer dans la sphère abritant une projection d’images signées Jeffrey Shaw.

Parfois, le danger est au bout de l’entrée dans une autre sphère : rampe d’accès au-dehors, seuil élevé non signalé et masqué à l’intérieur, chute assurée ! A partir du mois de mars, place aux tableaux de Rubens, à la Chine, au textile et autres artistes du Nord, le programme est riche et varié.

L’accueil dans les expositions est convivial et attentionné, vous serez spontanément aidé(e) avec tact. L’opéra, en rénovation depuis plusieurs années, a réouvert ses portes en décembre 2003 avec un Don Giovanni « goyesque » signé McVicar. Si les personnes handicapées motrices disposent désormais de places bien situées à l’orchestre, on peut regretter d’être obligé de recourir au personnel pour faire placer la longue rampe métallique nécessaire pour accéder à la salle. Un ascenseur ouvre sur l’ensemble des niveaux, ce qui permet d’aller se restaurer dans un Foyer grandiose qui vaut la visite. L’opéra accueillera de nombreux spectacles, dont des aveugles dansant sur une chorégraphie du japonais Saburo Teshigawara (Prelude for Dawn, 8 et 9 juin); ce sera, avec l’adaptation du Phèdre de Jean Racine présenté cet hiver par la compagnie de l’Oiseau- Mouche, l’une des rares contributions artistiques de personnes handicapées qui seront encore spectatrices et peu actrices de la culture…

Laurent Lejard, février 2004.


Plus d’informations pratiques sur le site officiel de la ville de Lille. Un grand merci à Denis Ouaillarbourou pour son aimable collaboration. Un plan « Lille ouverte à tous » ainsi qu’un « Handi guide » des sites accessibles dans le Nord, réalisés en partenariat avec l’A.P.F, sont disponibles à l’Office de Tourisme ou au Service des personnes handicapées (Tél: 03 20 49 51 24). Le programme complet de Lille 2004 est consultable sur un site web d’ergonomie médiocre. Les lieux accessibles sont mentionnés au moyen d’un pictogramme sans plus de détails. Enfin, apprenez la parlure locale avec la berceuse du P’tit Quiquin

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