Le Havre. Du « Havre de Grâce », fondé au XVIe siècle par François 1er, ne subsiste guère que la salamandre figurant sur le blason de la ville. C’est, dès l’origine, le plus important port de commerce de France, place qu’il occupe toujours aujourd’hui (Marseille est le premier port minéralier). Un port, sans cesse agrandi, d’où partirent les célèbres paquebots transatlantiques, et qui a conservé une magie d’autant plus aisément perceptible qu’il est ouvert au public. Il ne faut donc pas hésiter à saisir cette opportunité rare, et s’aventurer parmi les bassins et les conteneurs : l’endroit est infiniment poétique au crépuscule et le soir, lorsque s’éclairent les lumières des portiques (les plus grands d’Europe) et des navires en partance pour le monde entier.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Le Havre fut bombardé par les Alliés, les destructions les plus importantes survenant en septembre 1944 avec la disparition quasi-totale du centre-ville et du port, alors occupés par des Allemands peu enclins à capituler, mais hélas également de nombreux Havrais qui y laissèrent la vie : 5.000 morts, 80.000 sans-abri, 150 ha rasés, 12.500 immeubles détruits. Au printemps 1945, le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme confia le projet de renaissance de la cité à l’atelier de l’architecte Auguste Perret, pionnier du béton armé, qui avait déjà à son actif, à Paris, le Théâtre des Champs-Élysées (1913) et le Conseil économique et social (alors Musée des Travaux Publics, 1938). Perret appliqua au béton des formes et des proportions empruntées à l’art grec et au classicisme français, ainsi que des textures et des surfaces très étudiées : « Mon béton, disait-il en 1944, est plus beau que la pierre. Je le travaille, je le cisèle […] j’en fais une matière qui dépasse en beauté les revêtements les plus précieux ».
L’UNESCO, considérant que ce centre-ville reconstruit constituait « un exemple exceptionnel de l’architecture et de l’urbanisme de l’après-guerre » a décidé, en 2005, de l’inscrire au patrimoine mondial de l’humanité. L’ Office du Tourisme, parfaitement accessible, présente d’ailleurs un passionnant Espace d’interprétation de cette reconstruction.
On l’aura compris, le béton, au Havre, à cent lieues de la grisaille triste qui lui est traditionnellement attachée, est un produit de luxe qui se décline avec une harmonie et un raffinement inégalés. A commencer par la virtuose église mémorial Saint-Joseph (accessible par rampe) dont l’architecture ajourée irradie littéralement de lumière grâce à des milliers de pièces de verre coloré et une tour vertigineuse surplombant directement le choeur. Autre incontournable, la vaste avenue Foch, presque aussi chic que sa cousine parisienne, avec ses 80m de large et ses bas-reliefs racontant l’histoire de la cité, et qui, elle, débouche sur la mer ! Les amateurs d’art et d’architecture prendront également un grand plaisir à (re)découvrir le transparent Musée des Beaux-Arts André Malraux, situé à l’entrée du port. Conçu au début des années 1960 par les architectes Lagneau et Audigier, il fait actuellement l’objet d’un réaménagement destiné à mieux mettre en valeur ses très riches collections impressionnistes et rouvrira ses portes à tous les publics en juin 2006.
Plus récent, le Volcan, centre culturel dû à Oscar Niemeyer, a été inauguré en 1982 au bout du bassin du Commerce, en plein centre-ville. Son jeu de courbes et de rondeurs d’un blanc immaculé à suscité la polémique mais les Havrais se le sont finalement approprié et son accessibilité « naturelle » force autant l’admiration que ses volumes intérieurs.
Le Havre, où règne une agréable sensation d’espace, dispose d’un bord de mer intelligemment aménagé, avec plage (matériel adapté durant la saison estivale), ponton et restaurants, qui en font une destination de promenade très prisée. A l’extrémité septentrionale du boulevard Albert 1er, la commune indépendante de Sainte-Adresse constitue le quartier chic de l’agglomération havraise avec ses maisons de style balnéaire. On jouit depuis ce « Nice havrais » d’un panorama superbe sur l’embouchure de la Seine, qui a séduit de nombreux peintres dont Claude Monet. Ce qu’on sait moins, c’est que l’endroit a également servi de siège au gouvernement belge en exil durant la Première Guerre mondiale.
En suivant vers le nord une route spectaculaire qui borde les falaises du Pays de Caux, on aborde la Côte d’Albâtre. Le terme fait référence à la blancheur crayeuse d’un littoral s’étendant sur une centaine de kilomètres et dont le symbole mondial est Étretat. Hautes de 60 à 120m, les falaises sont veinées par endroits de silex noir. La mer les attaque et gagne ainsi jusqu’à 1m par an. La craie, qui se dissout dans l’eau, lui donne un aspect laiteux caractéristique qui se diapre de jade ou de turquoise selon la météo. Quant au silex, ses fragments érodés finissent par se transformer en galets aux formes lisses et parfaites qui « chantent » avec le ressac.
Les amateurs de kitesurf et de nature indomptée ne manqueront pas de faire une halte au port minéralier d’Antifer, où une plage immense les attend (parking aisé). Antifer, c’est aussi un phare (1890, détruit par les Allemands en 1944 et reconstruit après-guerre), qui ne se visite pas mais dont la silhouette solitaire dominant les blockhaus du Mur de l’Atlantique vaut qu’on s’y arrête. Certaines casemates, dissimulées en bord de falaise sous une épaisse couche de terre recouverte d’herbe, sont ouvertes à la visite : prévoyez une torche et, si vous êtes en fauteuil roulant, des bras solides pour vous aider. Emotions garanties.
Étretat. Cette petite station balnéaire qui eut son heure de gloire à la charnière des XIXe et XXe siècles, doit sa célébrité à un caprice de la nature: l’érosion maritime y a en effet formé dans la falaise une arche naturelle et une aiguille popularisées par Maurice Leblanc dans « L’Aiguille creuse », l’une des plus fameuses aventures d’Arsène Lupin (1909). Autres fidèles des lieux : Claude Monet, Eugène Boudin, Gustave Flaubert, Guy de Maupassant… et un nombre considérable de touristes plus ou moins célèbres et fortunés. Classé Grand site national, l’accessibilité y est correcte en bord de mer mais il est difficile d’y stationner, eu égard à l’affluence, malgré des emplacements réservés généralement respectés. Le public est plutôt populaire et bon enfant, qui vient surtout « pour la photo ». Ne manquez pas, en quittant les lieux, de vous arrêter à la chapelle Notre-Dame de la Garde, qui domine un panorama à couper le souffle (accès par la route, parking aisé).
En continuant vers Fécamp, on peut prendre le chemin des écoliers à travers le Pays des hautes falaises, ses villages et ses ports minuscules. Une Normandie intime et calme ponctuée de fermes et de manoirs, où la campagne jouxte l’océan sous des cieux changeants qui ont inspiré, à juste titre, peintres et écrivains.
Fécamp. Occupé depuis le néolithique, le site, implanté à l’embouchure d’un fleuve côtier, a pris de l’importance après la fondation de son abbaye au VIIe siècle par le mérovingien Saint Vaning. Richard, 1er duc de Normandie, y vit le jour en 933 et en fit sa résidence de prédilection mais ce fut son fils Richard II qui imposa la règle bénédictine à l’abbaye et fit construire l’imposante église abbatiale de la Trinité. D’où il résulte que le premier produit exporté par la ville a été… la Bénédictine, dont la recette « secrète » a été tour à tour perdue et retrouvée jusqu’à sa commercialisation à grande échelle par l’industriel Alexandre Le Grand (sic), au milieu du XIXe siècle. N’espérez toutefois pas visiter l’extravagant Palais Bénédictine en fauteuil roulant car le bâtiment gothico-renaissance est totalement inaccessible. Il vaut néanmoins le coup d’oeil.
La seconde denrée qui a fait la fortune de Fécamp et sa célébrité, c’est la morue, dont l’exploitation est attestée dès le XVIe siècle. Situé face à la mer, boulevard Albert 1er, le musée des Terre-Neuvas, parfaitement accessible, raconte la saga de ces marins qui partirent pendant des siècles, jusqu’au déclin des années 1980, pêcher la morue et le hareng dans les eaux glacées de Terre-Neuve. Une aventure passionnante à laquelle la muséographie rend hommage avec talent : maquettes de navires et de chantiers navals, échoppes et ateliers, authentique doris (petite embarcation à fond plat), la vie maritime qui est ici évoquée laisse une belle place à l’imaginaire. Et au sommet du bâtiment, une terrasse panoramique donne un très beau point de vue sur la plage et les falaises chères aux peintres impressionnistes. Stationnement réservé en face du musée.
Fécamp présente également une curiosité aisément accessible : les estacades de bois (XIXe siècle) qui s’étendent de part et d’autre de l’entrée du port et qui servaient jadis de chemin de halage. Une belle promenade qu’on pourra compléter par une ascension (en voiture) du Cap Fagnet, qui domine la ville du haut de ses 110m et offre la promesse de couchers de soleil inoubliables…
Jacques Vernes, Avril 2006.
Sur le Net : Le Comité départemental du tourisme de Seine-Maritime rassemble des informations généralistes sur le département. Informations généralistes également du côté de l’Office de tourisme du Havre. La municipalité du Havre propose quant à elle un guide d’accessibilité très complet téléchargeable en ligne. Quelques mentions d’accessibilité sont disponibles sur ce site non-officiel consacré à Étretat. Le Pays de hautes falaises propose des informations pratiques et une liste des sites labellisés Tourisme et handicap. Enfin, l’Office de tourisme de Fécamp est riche d’informations pratiques généralistes mais sans mention d’accessibilité.