Chef-lieu de la Loire depuis 1855, Saint-Etienne n’échappe pas, même aux yeux de ses habitants, à un certain nombre de préjugés souvent dépréciatifs liés à son passé industriel (Manufrance, disparue dans les années 1980) et minier, ainsi qu’aux déboires passés de sa célèbre équipe de football (A.S.S.E) qui surfe encore sur sa légende. Qui sait, pourtant, que le premier chemin de fer d’Europe continentale y fut construit en 1823, ou qu’on y inventa la première machine à coudre en 1830 ? Moins « bourgeoise » que Montbrison, l’ancienne préfecture, Saint-Etienne souffre toujours, en termes d’image et de notoriété, de sa trop grande proximité avec Lyon, capitale régionale; inconvénients que les Stéphanois transforment peu à peu en atouts.
Car la ville natale du compositeur Jules Massenet, du politicien Michel Durafour, mais également de Bruno Gaccio (père des célèbres « Guignols » de Canal +) et du footballeur Willy Sagnol, est en train d’opérer une véritable mue qui touche autant à son aménagement urbain qu’à la manière dont elle veut être perçue. Et ça marche : alors qu’elle perdait des habitants, Saint-Etienne attire désormais en-dehors de son terroir, plus particulièrement les Lyonnais, de plus en plus conquis par sa qualité de vie et des prix (notamment en matière immobilière) nettement inférieurs à ce qu’ils sont devenus dans la Capitale des Gaules.
Grise, Saint-Etienne ? Verte, plutôt, et largement au-delà des clichés liés au Stade Geoffroy Guichard : en quelques minutes, on peut en effet passer d’un centre urbain aussi animé que n’importe quelle métropole régionale, au calme des forêts du Parc naturel du Pilat ou des eaux émeraude du lac de Saint-Victor, dans les Gorges de la Loire. Magnifié par la silhouette toute écossaise de son île avec château (privé), le plan d’eau de Saint-Victor est en outre équipé pour recevoir des plaisanciers handicapés (C.N.S.E, de Pâques à Toussaint); la faible affluence touristique en semaine, même en pleine saison, en fait une destination particulièrement appréciable ! Le lac est entouré de nombreux sentiers de randonnée et, depuis les Condamines, on peut découvrir de splendides points de vue sur les Gorges de la Loire. Points de vue spectaculaires sur Saint-Etienne elle-même depuis Guizay et surtout Salvaris, où l’on dégustera les fameuses Rapées (galettes de pommes de terre) dans une atmosphère très « couleur locale ».
Quoi voir à Saint-Etienne ? Le centre-ville, récemment réhabilité, constitue à lui seul une destination pour le flâneur, avec ses vieux immeubles, dont certains remontent au XVIe siècle, ses rues piétonnes et ses nombreuses places. Un quartier d’affaires est en construction près de la gare Art Moderne de Châteaucreux, qui accueille le T.G.V depuis quelques mois; Casino, entreprise de grande distribution née à Saint-Étienne y installe son nouveau siège social dans un vaste complexe ultramoderne. La ville vient de rénover son tramway, auquel une deuxième ligne est ajoutée; Saint-Étienne fut, avec Marseille, l’une des villes françaises a avoir conservé ce mode de transport considéré comme désuet avant de devenir très mode. Si les rames sont équipées d’un dispositif d’annonce sonore et visuelle des arrêts, on regrettera que leur accessibilité soit très aléatoire, les quais étant de hauteur variable sur la ligne « historique ». Les autobus et trolleys sont encore inaccessibles. Les nostalgiques de Manufrance pourront découvrir, cours Fauriel, la réhabilitation de l’immense bâtiment, transformé en centre d’affaires et de congrès. Ceux des grandes heures de l’A.S.S.E ne manqueront pas de faire un pèlerinage au « Chaudron« , rue Paul et Pierre Guichard; à l’occasion d’un match, pour l’ambiance (places et parking réservés) ou simplement pour la boutique des Verts, de plain-pied. Quant aux amateurs d’architecture atypique, on leur recommande un crochet par le 54 boulevard Daguère : le « Chalet de Bizillon », immeuble Art Déco construit en 1933 par Auguste Boussu, ne comporte ni ascenseur ni escalier mais une rampe hélicoïdale unique dans l’histoire des immeubles d’habitation ! Les appartements s’étagent autour.
Rappelons que Firminy, qui jouxte Saint-Etienne, offre un remarquable patrimoine Corbusier auquel on peut consacrer toute une journée. Ses immeubles (dont la célèbre Cité Radieuse ainsi que la Maison de la Culture, départ des visites organisées) sont accessibles en fauteuil roulant. La Cité Radieuse est assez proche des conceptions du célèbre architecte; ses derniers étages abritent une école aujourd’hui désaffectée dont la conception répondait pourtant à une pédagogie plaçant l’enfant, ses capacités, sa volonté, ses désirs, au centre de l’action éducative. Au-dessus, une vaste terrasse offre un superbe panorama. L’église Saint-Pierre, inachevée à l’époque du Corbusier, sera inaugurée fin novembre 2006 après des années de chantier. Edifié sur une base quadrangulaire, un cône de béton clair s’élance vers le ciel, quelques ouvertures aux parois colorées apportant une lumière changeante dans la nef. Voir également, en centre-ville, la Rotonde, esquisse de la conception de l’habitat social associé aux commerces et services qui sera déployée dans le quartier de Firminy-Vert.
Retour à Saint-Étienne, côté musées. A commencer par le Musée d’Art et d’Industrie, installé dans un beau bâtiment Second Empire, place Louis Comte, rénové en 2001 et parfaitement accessible (stationnement autorisé dans la cour, entrée par le côté droit). Les espaces présentent, sur trois niveaux, de très riches collections liées aux principales industries locales : armes (on en fabrique toujours à Saint-Etienne), rubans et cycles. Des passementiers effectuent régulièrement des démonstrations sur les immenses métiers à tisser encore en état de fonctionner. Le Musée d’Art et d’Industrie organise tous les mois des visites tactiles à destination des déficients visuels.
Le passionnant Musée de la Mine, boulevard Franchet d’Esperey, n’offrant hélas qu’une accessibilité partielle (à voir néanmoins pour le site lui-même, qui est saisissant), on pourra se consoler par une visite au Musée d’Art Moderne, surprenant vaisseau blanc ancré depuis 1985 en lisière de ville : Picasso, Léger, Soulages et autres maîtres de l’art contemporain, dans une muséographie aérée. Le musée organise également des expositions temporaires. Côté spectacles, le Théâtre de l’Esplanade conduit une politique de (re)découverte d’oeuvres théâtrales et lyriques qui attirent les amateurs d’au-delà de la région; immense cube de béton blanc construit à flanc de coteau, le théâtre est aisément accessible en voiture et dispose de places réservées aux personnes à mobilité réduite. Quant à la Biennale du Design, dont l’édition 2006 se déroule du 22 novembre au 3 décembre, elle est désormais reprise par la ville et la future Cité du Design qui doit s’installer sur le site de l’ancienne manufacture nationale d’armes, place Carnot. Le commencement d’un renouveau ?
Jacques Vernes, novembre 2006.
Sur le web, consultez le site de l’Office du Tourisme de Saint-Etienne pour des informations détaillées sur la ville (quelques mentions d’accessibilité). Côté « papier », la commission Vivre ensemble a réalisé en 2004 un Guide des lieux stéphanois accessibles aux personnes handicapées : « Allées et Venues », toujours disponible à l’Office du Tourisme.