Parmi les anciennes provinces les plus récemment rattachées à la France, la Savoie (en région Rhône-Alpes) correspond pour partie à l’ancien duché du même nom, dont les limites s’étendirent jadis des Alpes à la Méditerranée. Après un premier rapprochement avec la France entre la Révolution et l’Empire, elle a été annexée en 1860 (traité de Turin) pour être divisée en deux départements. Son histoire s’est longtemps confondue avec celle de la dynastie de Savoie, jusqu’à ce que cette dernière déplace sa capitale de Chambéry à Turin en 1563. Restée catholique après la Réforme, la Savoie se reconnaît toujours dans la figure emblématique de François de Sales, canonisé à la fin du XVIIe siècle. Terre de pauvreté et d’émigration, la région s’est vidée de ses habitants, au profit notamment de Lyon, avant que le développement industriel ne les retienne, à la fin du XIXe siècle. L’avènement des chemins de fer et du tourisme, « inventé » par la reine Victoria, autre personnalité dont on peut suivre la trace dans les Alpes, ancra définitivement la Savoie dans l’ère moderne. Après l’aristocratie et la bourgeoisie, ce fut au tour des classes moyennes de profiter, après la Seconde Guerre Mondiale, des bienfaits de la montagne, été comme hiver. Un attrait qui ne s’est jamais démenti et qui, grâce à l’émergence de nouvelles offres (tourisme culinaire, patrimonial, thermal, etc.) augure plutôt bien de l’avenir en dépit du réchauffement climatique.
Avec son décor de carte postale et sa population « choisie », Annecy, capitale de la Haute-Savoie, est proche de la Suisse et cela se sent. L’atmosphère raffinée qu’on y respire fleure bon le séjour d’exception, à des prix qui évoquent d’ailleurs ceux pratiqués à Paris. Située à égale distance entre Genève et Chambéry, l’histoire annécienne est fortement marquée par celle de ces deux villes. Dépendante du comté de Genève, elle en devint la capitale au XIIIe siècle avant d’être intégrée aux possessions de la Maison de Savoie. Mais son âge d’or vint au XVIe siècle, lorsque le calvinisme triomphant à Genève lui valut d’accueillir l’évêché et les ordres religieux catholiques en fuite pour s’ériger en tête de pont de la Contre-Réforme menée par François de Sales. Dès la fin du XVIIe siècle, la ville devint en outre un centre industriel important lié à la rivière Thiou, une vocation qui s’affirma au cours des siècles suivants sans porter atteinte à l’essor touristique, bien au contraire : Annecy est désormais classée Ville d’Art et d’Histoire.
Lovée sur les bords de son célèbre lac, c’est une ville plate qui n’offre aucune difficulté majeure de déplacement aux personnes handicapées. Son centre ancien est rien moins que charmant, qui ne dépaysera les Alsaciens que par l’omniprésence des montagnes dont la silhouette enneigée se découvre dès qu’on lève les yeux. Bien que les églises y soient nombreuses, pour les raison historiques évoquées plus haut, seulement deux d’entre elles sont accessibles : la pittoresque église Saint Maurice (XVe siècle) et, dominant la ville, celle de la Visitation (XXe siècle), sévère tombeau de Saint François de Sales. On y jouit d’un joli panorama sur la cité, qui offre l’avantage d’être gratuit : il faut en effet payer pour pénétrer dans la cour du château, seule partie accessible du bâtiment, pour simplement accéder à un autre point de vue sur la cité ! Si vous voulez tenter l’aventure, empruntez un véhicule car la rampe qui conduit au parvis est redoutable.
L’accessibilité aux autres monuments laisse malheureusement à désirer : même le photogénique palais de l’Ile, sur le Thiou, comporte des seuils rédhibitoires. Seul le récent et très moderne Centre de Culture Scientifique, Technique et Industriel (C.C.S.T.I) La Turbine de Cran-Gevrier, dans les faubourgs, tire peu ou prou son épingle du jeu, même si son accessibilité se limite au handicap moteur. Mais les amateurs de sciences seront ravis, quel que soit leur âge.
Reste, pour tout le monde, la perspective de fort belles balades annéciennes, y compris nocturnes, par les ruelles sur les traces de Jean-Jacques Rousseau, ou en bord de lac, dans une lumière et des décors particulièrement apaisants. Outre le petit arboretum qui s’étend à côté de l’Hôtel de Ville, quelques plages ont été aménagées en pelouse et une piste cyclable a remplacé, au ras des eaux transparentes, une ancienne voie ferrée. Les amateurs de nautisme pourront pratiquer leur activité favorite grâce à la pugnacité du Cercle de Voile de Sevrier, non loin d’Annecy, qui a développé, malgré les réticences locales, une activité handivoile dont le succès va croissant chaque année. A découvrir également à Sevrier, un petit Musée de la cloche ouvert par la fonderie Paccard et parfaitement accessible. Quant aux skieurs, ils trouveront au Semnoz (on dit Semno, les consonnes finales ne se prononcent pas en Savoie) une station familiale et des paysages à couper le souffle, mais hélas aucun loueur de matériel adapté. Autre vue splendide en bord de lac du côté de Duingt, avec presqu’île et château (privé), ou Talloires, de l’autre côté.
Pour trouver personnel et matériel idoines, les personnes handicapées motrices devront rejoindre Samoëns, au nord-est d’Annecy. Dans la vallée, elles trouveront un village préservé typiquement savoyard (gîtes adaptés disponibles avec activités de loisirs d’hiver ou d’été) et en haut, à 1.600m, une station bien pourvue en équipements et efficacement animée par l’association Samoëns Handiglisse malgré des contraintes réglementaires difficilement compréhensibles qui empêchent les handiskieurs d’emprunter certains télésièges. Comme toujours, le panorama sur les montagnes et la vallée vaut à lui seul le déplacement. Et si vous décidez de rester en fond de vallée, poussez donc jusqu’au spectaculaire cirque du Fer à Cheval, vous le regretterez d’autant moins que l’endroit dispose, entre autres, d’une aire à pique-nique ombragée. Au retour, faites éventuellement halte au plateau des Glières, haut lieu de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, désormais dévolu aux randonneurs et aux skieurs : le parking y est aisé et la montagne majestueuse.
Capitale du département de Savoie, Chambéry, voisine et rivale d’Annecy, est une ville qui ne se laisse pas facilement découvrir mais qui réserve d’heureuses surprises à quiconque prend la peine de s’y arrêter. Résolument urbaine (et plate) dans ses parties modernes, la cité se fait mystérieuse lorsqu’on approche de son coeur. La vieille ville fonctionne en effet en « îlots » avec passages traversiers, escaliers de pierre en colimaçon, loggias colorées et cours intérieures où se perdre est un vrai plaisir, de jour comme de nuit. Conquis par Hannibal au IIIe siècle avant notre ère, le bassin de Chambéry n’a émergé des brumes de l’histoire que lorsque la Maison de Savoie l’acheta au XIIIe siècle pour en faire sa capitale. Après l’installation de la Cour à Turin au XVIe siècle, la cité a conservé un Sénat et une vocation administrative qui perdure aujourd’hui. De cette période subsistent nombre d’hôtels particuliers splendides et de rues au nom évocateur. Une partie de cet extraordinaire patrimoine a hélas été détruite lors du bombardement allié du 26 mai 1944 qui coûta la vie à 200 personnes. Le château, devenu préfecture, est difficile d’accès, tant pour des raisons liées à la voirie qu’aux mesures de sécurité imposées par le plan Vigipirate. On peut se contenter d’en admirer les extérieurs, qui sont imposants. La Sainte-Chapelle, qui lui est accolée, abrita jadis le célèbre Saint-Suaire, désormais à Turin.
Les Chambériens, proches par l’histoire et par le coeur de la capitale piémontaise, rechignent à toute comparaison de leur ville avec Lyon. Difficile pourtant de ne pas songer aux fameuses « traboules » lorsqu’on explore les nombreux passages qui partent de la place Saint-Léger… L’endroit, qui est l’un des points névralgiques de la cité, a connu de nombreuses transformations au fil des siècles, dont la plus importante a sans doute été la couverture, au XVIIIe, de la rivière Albanne qui coule en-dessous. Second cours d’eau enfoui, la Leysse, seulement visible en entrée et sortie de ville. Autre curiosité chambérienne, une cathédrale de style gothique flamboyant (accessible) bâtie sur pilotis dont la façade austère ne permet à aucun moment d’imaginer la folie en trompe-l’oeil XIXe qui attend le visiteur à l’intérieur : un ensemble unique en France ! Non loin, le Musée Savoisien (histoire locale) offre une accessibilité limitée à certaines parties de son rez-de-chaussée et à son cloître, où des concerts sont donnés en été.
Le riche Musée des Beaux-Arts, en revanche, est parfaitement accessible. Retournez-y de nuit : la mise en lumière de la place du palais de justice est remarquable. Comme ailleurs, faute d’une politique volontariste en matière de mise en accessibilité des bâtiments anciens (ne comptez pas visiter le Musée des Charmettes si vous vous déplacez en fauteuil roulant), il faudra se contenter des aménagements récents. Telle la médiathèque Jean-Jacques Rousseau, qui propose des expositions temporaires et un atelier Mediavue pour les déficients visuels. Ou, en sous-sol, la galerie Eurêka, C.C.S.T.I dédié à la vie de la montagne dans une muséographie contemporaine et ludique. Sur le même trottoir, la Maison des Parcs et de la Montagne, ouverte en 2006, présente une thématique connexe plus orientée sur le développement durable. Quant à l’accessibilité de la voirie, bien que brouillonne, elle semble correcte. Quelques feux tricolores sont sonorisés à destination des aveugles, le stationnement automobile sur les emplacements réservés est gratuit, le service de transport spécialisé est utilisable par les touristes au prix des transports en commun (Citalis : 04 79 62 01 62).
A côté de Chambéry, au-delà d’Aix-les-Bains, le très beau (et heureusement encore assez sauvage) lac du Bourget déploie ses paysages tout en douceur. Les points de vue ne manquent pas mais celui du belvédère de la Chambotte est vraiment extraordinaire et le parking y est plus facile qu’ailleurs. Vous apercevrez au loin la silhouette romantique de l’abbaye d’Hautecombe, tombeau des princes de Savoie : sachez vous contenter de cette image car la visite de ce monument néogothique, difficilement accessible au bout d’une route étroite, s’avère décevante. Contrairement à l’impression infiniment poétique qui se dégage de toute la région et qui justifie à elle seule qu’on aille, à l’instar de l’ami Rousseau ou de la reine Victoria, y soigner son spleen entre lacs et montagnes…
Jacques Vernes, mars 2007.
Sur le web, le site Savoie et Haute Savoie propose un tour d’horizon très complet sur la destination, avec notamment une partie « skiez avec votre handicap » particulièrement utile pour trouver, parmi la trentaine proposée, la station de ski qui vous conviendra le mieux. Plus général, le site Rhône-Alpes Tourisme intègre également des données et un moteur de recherche prenant en compte le critère handicap.