L’Irlande, dont nous présentions en 2008 un premier aperçu, mise beaucoup, depuis la crise financière, sur de vraies valeurs sûres parmi lesquelles la préservation d’un extraordinaire patrimoine naturel et le développement raisonné du tourisme. Si les prix n’ont guère varié, la qualité de l’accueil s’est améliorée (elle était déjà très bonne), notamment en ce qui concerne les visiteurs handicapés. Ainsi, à 1h30 d’avion de la France (ou une nuit de ferry depuis Roscoff) le dépaysement peut-il être total, sans stress et à des tarifs raisonnables. Côté climat, Normands et Bretons ne seront pas déconcertés : parapluie et petite laine indispensables, mais également lunettes de soleil ! Prévoir enfin de louer une voiture (sans oublier d’emporter la carte européenne de stationnement); l’étroitesse légendaire mais bien réelle des routes irlandaises vous mettra à l’abri des excès de vitesse et vous pourrez circuler (à gauche) à votre guise !

Capitale du comté qui porte son nom, Cork (Corcaigh en irlandais) est la première cité qui se découvre au visiteur en provenance directe de France (Dublin est à 250km, soit environ trois heures de route). Au débouché de la Lee, le fleuve qui la traverse, son port naturel est le plus grand d’Irlande. La région a su, par ailleurs, attirer de nombreuses industries, notamment pharmaceutiques (le fameux Viagra® y est produit), et la société informatique Apple y a son siège européen. Ajoutez à cela un campus universitaire d’envergure internationale et vous obtenez une ville de taille moyenne (120.000 habitants, 380.000 pour l’agglomération) où il fait bon vivre.

Côté voirie, l’accession de Cork au statut de capitale européenne de la culture, en 2005, a permis la réalisation de nombreux travaux urbains, dont de larges trottoirs avec abaissés, et des feux sonores comportant parfois sur le boitier de demande le plan-relief de la traversée. Le centre-ville, largement piétonnier, offre moult commerces, pubs et restaurants accessibles ainsi que de nombreux emplacements de stationnement réservé.

Fondée au VIIe siècle par Saint Finbarr autour de son monastère, Cork s’est de tout temps distinguée par son esprit d’indépendance, ce qui lui a valu d’être plusieurs fois incendiée, par les Vikings d’abord, puis par les Anglais. Un certain ressentiment demeure d’ailleurs, surtout chez les anciennes générations, à l’encontre de l’envahisseur (certains parlent de « colonisateur ») britannique : l’indépendance de l’Irlande ne remonte en effet qu’à 1921, et le souvenir de la guerre civile qui s’en est suivie, ainsi que de ses héros et martyrs, est encore très présent. En témoigne la statue de Terence Mac Swiney veillant sur l’imposante mairie, politicien dont le destin tragique est également évoqué, entre autres oeuvres des XVIIe au XXIe siècle, au Musée des beaux-arts (gratuit et accessible). Mais les alentours de la rue Saint-Patrick, Champs-Élysées locaux, offrent l’occasion de découvrir des facettes plus riantes de l’histoire locale : le marché anglais, par exemple, l’une des plus anciennes halles au monde, en activité depuis 1788, où les produits locaux tiennent la vedette.

Sur les hauteurs de la ville, la cathédrale anglicane Saint-Finbarr, néogothique, est accessible par rampe au débouché d’une courbe pentue assez peu commode. Des concerts de musique sacrée y sont régulièrement donnés.

Plus à l’ouest sur le même versant, le site de l’University College (UCC) vaut le détour : fondés en 1845, ses bâtiments néogothiques se découvrent au milieu de la verdure. On peut en visiter une partie, notamment le Main Quadrangle (accessible depuis le Visitor Center) qui présente une collection unique de stèles druidiques couvertes d’écriture oghamique (IIIe-Ve siècle). À l’instar d’autres universités d’inspiration victorienne, les lieux évoquent irrésistiblement les décors d’Harry Potter, surtout l’Aula Maxima (accessible sur demande par élévateur), où se déroulent examens et cérémonies…

En bas du campus, la très contemporaine Lewis Glucksman gallery accueille quant à elle des expositions temporaires.

En face, de l’autre côté du fleuve, l’ancienne prison, fermée en 1923, conserve la mémoire des conditions de vie et du parcours, dignes de Zola, des prisonniers qui y étaient enfermés, parfois pour des broutilles. Des mannequins (assez impressionnants) redonnent vie au site, pour lequel un support de visite est disponible en français. Accès de plain-pied (partiel mais satisfaisant), possibilité de stationner dans l’enceinte sur demande préalable.

Sur la même rive, mais plein est, le quartier pentu de Shandon est célèbre pour son église Sainte-Anne, dont les visiteurs (valides) sont autorisés à jouer du carillon. Non loin de là, la cathédrale catholique Sainte Marie et Sainte Anne, accessible par rampe, accueille fidèles et visiteurs dans une lumineuse atmosphère contemporaine. On peut laisser son véhicule sur le stationnement réservé situé juste devant pour descendre, deux rues plus bas, vers l’ancien marché au beurre qui abrite un petit musée thématique (accessible, supports de visite en français). L’étonnante rotonde voisine héberge quant à elle le théâtre Firkin Crane (également accessible) dédié à la danse.

Camion des années 1950 à l'ancienne distillerie Jameson

En quittant Cork par l’est, le long du port naturel, les zones urbaines laissent progressivement place à la nature. Les amateurs de whisky pourront faire halte, près de Middleton, dans l’ancienne distillerie Jameson (désormais propriété du groupe Pernod-Ricard) où des visites guidées permettent de découvrir les différentes phases de préparation du célèbre breuvage; dans l’usine moderne mitoyenne sont distillés tous les whiskies irlandais. Accès de plain-pied, parking aisé, restauration possible sur place.

Les enfants trouveront quant à eux leur bonheur quelques kilomètres plus loin, au Fota Wildlife Park, où des animaux sauvages s’ébattent dans de vastes enclos. Un petit train accessible par rampe permet d’économiser ses forces pour la forte pente du retour… Parking réservé près de l’entrée, restauration possible sur place.

Enfin, au bout de la route, la petite et charmante ville portuaire de Cobh (ex Queenstown) rappelle aux nostalgiques que c’est ici que le Titanic effectua son ultime escale : un émouvant musée, installé dans l’ancienne gare maritime, évoque cet épisode, ainsi que l’immigration irlandaise aux USA. Accès de plain-pied, parking réservé devant l’entrée.

Au sud de Cork, sur le littoral atlantique, le joli port de Kinsale se découvre au fond d’une passe naturelle sur laquelle, depuis le XVIIe siècle, veille le fort Charles. L’endroit, spectaculaire, est ouvert au public (vaste parking) mais son accessibilité n’est pas des plus aisées : un ascenseur permet certes d’accéder sur demande à l’étage du petit musée mais les fortes rampes, parfois caillouteuses, rendent l’exploration ardue en fauteuil roulant. Quoi qu’il en soit, le site est splendide, de même que la route côtière qui mène à Clonakilty. Ne manquez pas, en bord de crique, les ruines très romantiques de l’abbaye franciscaine de Timoleague, transformées en cimetière…

Clonakilty, ville où à longtemps vécu le leader politique Michael Collins (assassiné en 1922 par l’IRA), est également prisée des touristes pour son circuit ferroviaire miniature, accessible de plain-pied (stationnement réservé devant l’entrée), où l’on peut s’émerveiller des maquettes de villes et sites de la région. Il est également possible, à partir de cette ancienne gare, d’emprunter un autre petit train (accessible par rampe) pour visiter le bourg.

Plus à l’ouest, peu avant Skibbereen, le cromlech de Drombeg est un site mégalithique de premier ordre, à manquer d’autant moins qu’il est accessible (avec aide) en fauteuil roulant. Daté du 1er millénaire avant notre ère, ce cercle de pierre dominant le paysage a quelque chose de magique : les druides d’aujourd’hui ne s’y trompent d’ailleurs pas…

Autre évocation dans le village de Skibbereen : celle de la grande famine de 1845-1849, qui fit près d’un million de victimes. Un sujet abordé (en anglais seulement, hélas) à l’Heritage Centre, où l’on se familiarise également avec la flore et la faune locales. Accès de plain-pied, stationnement réservé sur le parking attenant.

Skibbereen est également la porte d’entrée d’un circuit éminemment touristique qui fait le tour des différentes péninsules découpant la côte jusqu’à Tralee, 140km plus au nord… en ligne droite : un itinéraire beaucoup plus long (mais ô combien plus gratifiant !) quand on suit le bord de mer.

Depuis Skibbereen, les plus pressés pourront « zapper » la route de Crookhaven et la péninsule de Minzen (néanmoins très photogéniques) pour relier directement Bantry et sa baie magnifique. L’aristocratique Bantry House y domine la mer depuis le début du XVIIIe siècle. Accessible au sommet d’un chemin assez pentu (ou en prévenant, depuis le centre-ville, par une route directe), on n’en visite en fauteuil roulant que le rez-de-chaussée, remarquablement meublé, et une partie des jardins, mais la beauté des lieux compense amplement ce petit désagrément, surtout lorsque l’on s’attarde ensuite à prendre un thé en terrasse…

Panorama sur la péninsule de Beara

À quelques kilomètres de là, Glengarriff est le point de départ (ou d’arrivée) des circuits d’autocaristes qui font le tour des trois péninsules les plus prisées des touristes : BearaIveragh et Dingle. Les paysages étant réputés plus spectaculaires quand on emprunte le circuit dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, la circulation est donc plus fluide dans l’autre sens, ce qui peut s’avérer intéressant en période d’affluence, et plus commode pour accéder aux aires de stationnement qui ponctuent l’itinéraire côté mer.

Dans tous les cas, prenez votre temps : la nature est splendide, les paysages immenses, parsemés de moutons et ponctués de villages de carte postale, et les points de vue photogéniques innombrables !

La péninsule de Beara fait office de frontière (invisible) entre les comtés de Cork et de Kerry. Tralee est certes la capitale administrative du Kerry mais c’est de Killarney, idéalement située au coeur de la région, que rayonnent les activités touristiques et de loisirs, et elles ne manquent pas ! Après Dublin, Killarney possède d’ailleurs la plus grande capacité hôtelière d’Irlande et, en période de pointe, les nuits les plus animées… De nombreux établissements disposent de chambres adaptées, quelle que soit la catégorie, et la plupart des restaurants et commerces du (petit) centre-ville sont de plain-pied. Il est très fortement conseillé de réserver sa table ou sa chambre mais, comme ailleurs dans le pays, affluence ne signifie pas indifférence : l’accueil est toujours attentionné et le personnel fera de son mieux pour combler vos attentes, parfois même en français. Killarney est, enfin et surtout, le point de départ (et d’arrivée) de l’anneau (ring) de Kerry : 170km d’un itinéraire parmi les plus beaux d’Europe.

Le parc national de Killarney fait partie des incontournables, où les amoureux de la nature sont servis au-delà des espérances, malgré la pression touristique, pour la simple et bonne raison que les autocars, empêchés de stationner (sauf sur l’emblématique Ladies View), ne font généralement que le traverser. Le parc commence dès la sortie de la ville, avec les lacs de Killarney, dont les eaux parfaitement étales reflètent ciel et berges à l’instar d’un miroir. Le vaste domaine de Muckross, à partir duquel le parc a été constitué, est une première étape… où l’on peut passer toute une journée : outre l’antique demeure victorienne (accessible par élévateur puis ascenseur), une promenade très romantique permet de découvrir une abbaye franciscaine ruinée (accessible avec aide). À flanc de colline, la reconstitution de fermes des années 1930, avec « paysans », animaux et potagers, est accessible par navette (avec rampe) mais la visite des intérieurs est parfois compliquée. Le domaine dispose d’un très vaste parking avec emplacements réservés, ainsi que d’une cafétéria et d’une boutique diffusant notamment des lainages produits sur place.

Berge des lacs de Killarney

La route longe ensuite les rives, offrant de nombreux points de vue. De minuscules parkings ont été aménagés ça et là, permettant de jouir sans danger du paysage. La Ladies View mentionnée ci-avant domine la vallée en un point où l’oeil porte sur plusieurs dizaines de kilomètres mais des panoramas tout aussi époustouflants attendent le visiteur tout au long du trajet. Lequel se scinde plus loin en deux boucles : la plus courte traverse l’impressionnant col de Dunloe pour rejoindre le bourg de Killorglin (et sa célèbre foire aux chèvres), la seconde descend vers le littoral. Prévoyez une bonne journée pour l’explorer en toute quiétude, et faites halte, malgré son inaccessibilité, au fort circulaire de Staigue, élevé en pierres sèches au IVe siècle : un édifice remarquable, même depuis le parking ! Idem pour le fantomatique château de Ballycarbery, près de Cahersiveen. Et si les abbayes en ruines vous enchantent, ne manquez pas celle de Ballinskelligs, solitaire, bercée par le ressac et les oiseaux marins…

Plus au nord, la péninsule de Dingle est moins vaste mais tout aussi courue que sa voisine d’Iveragh. Le port de pêche qui lui a donné son nom est absolument infréquentable en période d’affluence mais on y trouve de nombreux établissements hôteliers (moins accessibles qu’à Killarney cependant, et à des tarifs globalement plus onéreux) au fil de rues pittoresques. L’authenticité est néanmoins au rendez-vous : la langue irlandaise, ici supplante l’anglais, et l’on vit davantage d’agriculture, d’élevage ou de pêche que du tourisme. Une existence qui fut parfois très rude, comme on peut s’en rendre compte en visitant le centre Blascaod implanté près de l’extrémité de la péninsule, où est retracée l’étonnante histoire des îles Blasket et de ses habitants évacués en 1953. Ce centre d’interprétation, ouvert en 1994, a suscité la polémique par son architecture résolument contemporaine (mais accessible). Vaste parking, petite restauration possible sur place, toilettes adaptées, audiovisuel disponible en version française mais visite en anglais et irlandais seulement.

À quelques kilomètres de là, les ruines du monastère de Reask, élevé sur un site celtique, se laissent aisément admirer depuis le parking; la restitution de ses « igloos » de pierre témoigne de ce que furent les premiers monastères irlandais.

À proximité, l’étonnant oratoire médiéval de Gallarus est, quant à lui, accessible gratuitement de plain-pied à partir d’un parking situé 500m après un « faux » visitor center payant… Dans les deux cas, la perfection dans l’art d’assembler la pierre laisse pantois.

Tralee est donc l’ultime (ou la première) étape sur cet itinéraire entre Cork et Kerry. Cette paisible cité s’agite au moins une fois par an, au mois d’août, lors d’une compétition internationale couronnant la plus belle représentante de la communauté irlandaise au sens large : en 1997, par exemple, la Rose de Tralee était… française ! Le jardin public de la ville rend d’ailleurs hommage à la rose, offrant même un « jardin des sens » aux non-voyants… et aux autres visiteurs.

Tout proche, le Kerry County Museum, accessible par l’office de tourisme installé sur le côté du bâtiment (demander à l’accueil), présente l’histoire de la région, des premiers habitants à l’indépendance de l’Irlande. En rez-de-chaussée, la « Medieval experience » est un espace assez ludique et plutôt réussi de découverte du Tralee médiéval, avec mannequins et sons d’ambiance. Audioguide et support de visite en français, toilettes adaptées, parking possible près du musée.

Enfin, les amateurs d’édifices religieux en ruines (décidément bien servis !) pourront découvrir, au nord de la ville, la cathédrale Saint-Brendan d’Ardfert et son monastère franciscain, certes difficilement accessibles en fauteuil roulant mais dont la vue depuis l’extérieur ravira le plus blasé des romantiques…

Jacques Vernes, octobre 2010.


Sur le web, le site officiel Discover Ireland permet de préparer son séjour dans les moindres détails, mais avec des mentions réduites en matière d’accessibilité. Côté papier en revanche, les brochures régionales (gratuites et très complètes) éditées et diffusées par l’office national du tourisme dans les principaux lieux touristiques comportent des mentions d’accessibilité fiables. Par ailleurs, la ville de Cork a réalisé un guide tous handicaps téléchargeable. Plus généralement, le site Access Ireland demeure, sur le web, la meilleure source d’informations (en anglais) dans le domaine.

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