Le département de la Loire (dont nous avons publié un premier aperçu en 2008, toujours d’actualité) fait partie de ces régions que l’on traverse sur le chemin des vacances sans vraiment s’y arrêter : on a tort. D’abord parce que l’offre touristique et de loisirs y est d’excellente qualité, souvent à des prix moins élevés qu’ailleurs, et ensuite parce que de gros efforts ont été entrepris pour y améliorer l’accueil des publics handicapés. Tout n’est certes pas parfait mais la dimension humaine, très présente ici, pallie largement les défauts qui subsistent ça-et-là : handicapé ou non, on est bien reçu dans la Loire !

En pays roannais.

Quiconque a un jour emprunté la célébrissime N7 entre Paris et Lyon n’a souvent de Roanne qu’une vision furtive de cité post-industrielle. De récents travaux d’aménagement ont pourtant rendu le centre-ville attrayant avec un secteur piétonnier bienvenu. Il subsiste peu de choses de la Roanne antique mais on peut en découvrir quelques témoignages au musée Déchelette, seule partie des collections qui soit accessible en fauteuil roulant. Le reste, peinture et arts décoratifs, est en effet hébergée dans un bel hôtel particulier du XVIIIe siècle dont la conservatrice ne semble guère disposée à conduire les indispensables travaux de mise en accessibilité…

Mais la star de Roanne, celle pour laquelle certains gourmets sont prêts à sacrifier kilomètres et économies, c’est bien évidemment la maison Troisgros, fondée dans les années 1930 et monument international de la haute-gastronomie. Tout le monde n’ayant pas le temps, et surtout les moyens de s’offrir une telle expérience, Michel Troisgros, chef actuel de la maison, a ouvert une « annexe » jouxtant la célèbre adresse : baptisé Le Central, ce café, restaurant, épicerie de luxe, accessible de plain-pied (avec toutefois un petit seuil) à l’instar de son illustre voisin, offre une table de choix à prix plus doux mais qui reste inventive, avec un service attentionné. Toilettes accessibles mais pas adaptées. Par ailleurs, les bons restaurants ne manquent pas, en ville : tous les ans en octobre, le festival Roanne Table Ouverte marie la gastronomie locale avec la danse, le théâtre, la littérature, la musique…

À une dizaine de kilomètres au sud-ouest de Roanne, non loin du village perché de Villerest, le château de Champlong est devenu en peu d’années un incontournable gastronomique et une adresse prisée des amateurs de luxe discret. Cette élégante maison forte du XVIIIe siècle a connu bien des vicissitudes avant que ses propriétaires actuels n’en fassent l’écrin design et accessible que l’on peut découvrir aujourd’hui. L’une des chambres (« Anis ») est adaptée aux clients handicapés moteur et le restaurant propose, à des prix raisonnables pour ce niveau de qualité, une cuisine réellement créative dans un décor lambrissé dans lequel sont enchâssés de grands tableaux anciens, ou sur la terrasse donnant sur le parc. Stationnement possible au plus près de l’entrée (sur demande). Une escale des plus agréables que l’on peut compléter au spa attenant, dont le nom « Le paradis du bien-être » annonce bien la couleur : de plain-pied, cet espace de détente et de soins ne pose aucun problème majeur d’accessibilité, même si on aurait apprécié que la piscine dispose d’un système de mise à l’eau. L’accueil y est particulièrement attentionné et les soins dignes des meilleurs instituts.

Plus discret encore, à quelques minutes à l’est de Roanne, le château du Bourg se découvre au bout d’un long chemin planté d’arbres que domine le village médiéval de Perreux. Propriété de la même famille depuis le XVIIIe siècle, la ferme où ont été aménagées les vastes chambres d’hôtes (dont une adaptée) est une belle bâtisse de caractère meublée avec goût, dans le style ancien. L’orangerie contiguë peut accueillir séminaires et réceptions; les jardins, amoureusement entretenus forment un écrin de verdure particulièrement photogénique. Les propriétaires, qui vivent dans la maison de maître toute proche, sont d’une disponibilité et d’une courtoisie bienvenues, et ils s’avèrent d’excellent conseil pour découvrir une région dont ils semblent connaître tous les secrets. Dormir ici est, plus qu’une opportunité, une véritable chance ! Pensez à réserver bien en avance…

À une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Roanne, le joli village d’Ambierle n’a jamais perdu sa longue tradition viticole (côte-roannaise) mais certains vignobles emblématiques de son terroir tombaient à l’abandon. Ainsi celui des Palais, fondé au milieu du XIXe siècle, a connu un éclipse de presque cinquante ans avant qu’en l’an 2000, une nouvelle génération ne reprenne le flambeau. Cette véritable résurrection, réalisée dans l’esprit de notre temps (agriculture biologique, vendanges manuelles, etc), s’est accompagnée d’aménagements du vénérable chais familial, désormais pleinement accessible à tous, avec toilettes adaptées. On peut y découvrir de nombreuses cuvées aux noms poétiquement évocateurs (« robe de vigne », « tassée des anges »…), et même y faire la fête sous l’extraordinaire charpente ancienne de la salle de réception. Stationnement aisé, accueil personnalisé.

Logis de Nantas

Autour de Saint-Étienne.

On ne présente plus Saint-Étienne, qui a peu changé depuis ce que nous en écrivions en 2006. Seule nouveauté, mais de taille : l’ouverture de la Cité du design sur le site de l’ancienne manufacture d’armes, près du centre-ville (aisément accessible par un tramway… inaccessible !). Tous les bâtiments historiques n’ont pas été conservés, ce qui a donné lieu à une polémique, mais il fallait faire de la place au neuf… Ainsi l’espace d’accueil et d’expositions temporaires, où règne une lumière savamment filtrée par les ouvertures triangulaires et les vitraux, paraît flotter, comme amarré à un quai imaginaire. L’accessibilité est correcte pour les personnes handicapées motrices (hormis les pavés du parvis ancien), moins pour les déficients sensoriels. La Cité, qui se veut un espace ouvert, fait cohabiter plusieurs types de publics : étudiants, professionnels, simples visiteurs, et la sauce semble prendre. Une belle manière d’interroger la place du design dans la société contemporaine.

Côté logis d’exception, rendez-vous à la Villa Roassieux, située non loin des anciens bâtiments de Manufrance réalisés par le même architecte, dans le sud-est de Saint-Étienne. Cette magnifique maison bourgeoise du début du XXe siècle a été restaurée avec goût par ses propriétaires actuels. Accrochée à sa colline, elle offre un point de vue inattendu sur la ville et un très agréable jardin (accessible avec aide) où il fait bon se prélasser en bord de piscine. Les chambres d’hôtes sont hélas situées à l’étage sans ascenseur mais un gîte élégamment meublé, accessible lui de plain-pied, a récemment été aménagé dans l’ancien garage. Une manière originale de séjourner à Saint-Étienne, d’autant que les tarifs sont tout à fait raisonnables et l’accueil réellement attentionné.

Autre lieu d’exception, à quelques minutes de Saint-Étienne, sur les hauteurs de Saint-Jean Bonnefonds, le Logis de Nantas est installé, au bout d’une longue allée, dans les communs d’un château aujourd’hui disparu. Spectaculaire, avec ses immenses fenêtres à arcades et ses vastes espaces intérieurs sobrement décorés, l’endroit domine la vallée de Saint-Chamond. De très élégants jardins à la française descendent en terrasse jusqu’à la piscine extérieure chauffée, accessible avec aide moyennant un petit détour par le parc et ses cèdres centenaires. Une chambre (« Terre ») a été adaptée aux clients handicapés moteurs. Petite curiosité : la salle de bains adaptée ne comporte aucun siège mais… deux colonnes de douche. Luxe, calme et lit à baldaquin : les tarifs sont évidemment à la hauteur de cette prestation hors du commun.

D’un château l’autre, à une vingtaine de kilomètres au nord de Saint-Étienne, celui de Bouthéon, à Andrézieux-Bouthéon, imposante propriété communale jadis fief des Bourbons, offre une immense terrasse surplombant la plaine de la Loire et de nombreux espaces ouverts au public, dont deux passionnants centres d’interprétation : l’un autour du Forez (on prononce forêt), l’autre du fleuve Loire, récemment aménagé dans les caves et accessible par ascenseur. Idéal pour une visite en famille mais il est regrettable qu’aucun support ne soit proposé aux visiteurs déficients sensoriels. Le parc animalier et botanique attenant mérite d’autant plus le détour qu’il est possible de pique-niquer sur place. Stationnements réservés à l’entrée du domaine, toilettes adaptées.

À une vingtaine de kilomètres au sud-ouest d’Andrézieux Bouthéon se dresse le charmant village de Saint-Bonnet le Château… dont le château a depuis longtemps disparu mais où subsistent de beaux témoignages architecturaux, dont une merveilleuse collégiale (sans accès direct) et de vieilles rues pittoresques hélas recouvertes de gros pavés malcommodes. Les boulistes, handicapés ou pas, connaissent bien l’endroit : c’est là, en effet, sur la colline d’en face, que la marque Obut fabrique et commercialise les boules de pétanque qui font, depuis 1955, le bonheur des amateurs et des professionnels du monde entier. Un petit (mais très complet) musée accessible de plain-pied retrace cette odyssée et un espace « Carré pétanque » vient d’ouvrir en contrebas, lui aussi pleinement accessible, où l’on peut pratiquer son sport favori ou le regarder pratiquer par d’autres tout en sirotant une boisson. La vue sur le village est rien moins que splendide ! Repas possible sur place, toilettes adaptées, emplacements de parking réservé.

Dans le massif du Pilat, à une trentaine de kilomètres au sud de Saint-Étienne, tout près de Bourg-Argental, le château de Bobigneux, sur la commune de Saint-Sauveur-en-Rue, est une élégante maison forte de très ancienne origine, maintes fois remaniée, perdue en pleine campagne. L’accessibilité n’y est pas des meilleures (pente en pas-d’âne) mais l’accueil est familial et l’on peut déjeuner ou dîner fort correctement, à prix tout doux, dans un décor lambrissé du meilleur aloi. Hélas, les chambres sont situées à l’étage sans ascenseur. Une adresse secrète surtout connue des gens de la région : pensez à réserver !

À Bourg-Argental, les pépinières et roseraies Paul Croix comptent parmi les plus anciennes de France. Classé Jardin remarquable, l’endroit enchante les sens par ses couleurs et ses parfums : plus de 450 variétés de roses anciennes et 12.000 rosiers répartis sur deux roseraies vous y attendent, dans un vaste parc arboré que des chemins de terre permettent de parcourir en fauteuil roulant (pelouses avec aide). La propriétaire actuelle, Dominique Croix, est une passionnée intarissable sur le sujet. Elle a d’ailleurs reçu de nombreuses récompenses internationales pour ses créations. Les visites guidées qu’elle propose (sur réservation préalable) sont l’occasion de (re)découvrir la rose sous tous ses aspects. L’accès est gratuit et on peut stationner, en prévenant, devant le bâtiment d’accueil de la rue de la Résistance : l’entrée par le boulevard Almandet est moins commode car assez pentue. Cerise sur le gâteau, non seulement Dominique Croix pourra éclairer votre choix de rosiers, et la manière d’en prendre soin, mais elle connaît le Pilat comme sa poche !

Enfin, à une quarantaine de kilomètres de Bourg-Argental, en remontant vers Saint-Chamond, Sainte-Croix en Jarez est une perle bien cachée au creux de son vallon. Si bien cachée qu’elle se mérite, mais alors quelle récompense : classé parmi les plus beaux villages de France, le site est celui d’une ancienne chartreuse investie par les habitants après la Révolution. Investie mais pas détruite, à l’exception d’un cloître. Des familles vivent toujours ici, dans les anciennes cellules des chartreux, qui sont vastes et possèdent un jardin. Tout ne se visite donc pas mais ce qui reste, pieusement entretenu et fleuri, vaut vraiment le coup d’oeil ! Certaines parties ne se découvrent que lors des visites guidées, notamment l’église primitive du XIIIe siècle avec ses fresques (visibles depuis le seuil), les cuisines, et une cellule de moine dont le mobilier a été reconstitué. L’accessibilité générale requiert un peu d’aide en fauteuil roulant mais on pourra, après l’effort, se reposer sur l’une des terrasses qui jouxtent l’entrée du site et déguster quelques spécialités locales…

Jacques Vernes, juin 2012.


Sur le web, le site officiel Loire Tourisme fourmille d’informations utiles pour préparer un séjour mais si le critère handicap moteur est pris en compte sur les fiches descriptives, les moteurs de recherche semblent inopérants. Il en va heureusement différemment du site des offices de tourisme du Roannais, véritable portail d’informations dont l’interface de recherche hôtelière est tout à fait pertinente. Idem pour la région de Saint-Étienne. Sachez enfin que près d’une quarantaine d’autres belles demeures membres du réseau « Nuit au château » hébergent les visiteurs, mais sans l’accessibilité nécessaire aux personnes handicapées motrices.

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