Fondée par les Romains à l’embouchure du Douro (Duero pour les Espagnols), l’antique Portus, capitale du Condado Portucalense au Moyen-Âge, a de tout temps été vouée au commerce. À la fois complémentaire et rivale de Lisbonne, distante d’environ 300 km, Porto affiche fièrement sa différence. Précisons néanmoins qu’ici, moins encore qu’à Lisbonne, la topographie ne joue pas vraiment en faveur des personnes handicapées motrices, surtout avec fauteuil roulant manuel : la pente, parfois forte, y est la règle et le plat l’exception. Quant aux abaissés de trottoir, ils sont certes nombreux mais très abrupts. Heureusement, faute de véhicule personnel, les transports en commun, métro et funiculaire compris (mais pas le tramway touristique), sont globalement accessibles, et les taxis peu onéreux (la vie est moins chère au Portugal qu’en France). Il ne faut donc pas hésiter à les utiliser pour se déplacer d’un point à un autre, et prévoir, bien sûr, des déambulations dans le sens de la pente… À noter que les quartiers les plus récents, ainsi que le front de mer, moins vallonnés, présentent moins cet inconvénient. Quoi qu’il en soit, les Portuans, généralement affables, viennent en aide, souvent en français, à quiconque en formule la demande, que ce soit pour gravir des marches ou trouver son chemin : une excellente occasion de lier conversation !

L’un des lieux les plus emblématiques de Porto se situe autour de la portion de fleuve passant sous le fameux pont métallique Louis 1er, oeuvre d’un élève de Gustave Eiffel. Le quartier de Ribeira, qui déploie ses maisons typiques et ses terrasses animées sur la rive droite, y fait face à Vila Nova de Gaia où se situent la plupart des grandes maisons de porto (le vin) et depuis laquelle le panorama est superbe de jour comme de nuit.

La déambulation est aisée et agréable sur chaque rive, avec de larges promenades réservées aux piétons et la présence de barques anciennes (rabelos) opportunément chargées de fûts de vin, certes vides mais particulièrement photogéniques. Les promenades en bateau sont malheureusement inaccessibles en fauteuil roulant mais on peut éventuellement compter sur l’aide du personnel de bord, règle applicable à la plupart des sites touristiques présentant des failles d’accessibilité.

À l’instar des destinations vinicoles internationales, la majorité des grandes maisons de négoce sont ouvertes à la visite, souvent payante (mais qui inclut une dégustation). Le plus récent aménagement est redevable à la célèbre maison Porto Cruz, qui a ouvert en juin 2012 un showroom multimédia ultramoderne parfaitement accessible combinant un espace d’exposition, un laboratoire de dégustation, une boutique et un restaurant panoramique dont la terrasse, desservie par ascenseur, offre un point de vue assez extraordinaire sur la ville. Dommage que rien ne soit prévu pour les clients déficients sensoriels, autre faille d’accessibilité hélas assez répandue au Portugal.

Plus traditionnelle, la maison Cálem, accessible par rampe côté livraisons, dispose elle aussi d’un petit musée thématique expliquant les étapes de vinification (rappelons que le porto est un vin « muté » conçu à base de moût de raisin additionné d’eau-de-vie puis vieilli en barrique) mais une partie des chais se visite et la vaste salle de dégustation sert également de lieu de spectacles pour le fado, autre tradition, musicale celle-là, toujours vivante au Portugal et classée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2011. À quelques encablures de là, sur la rive droite en direction de l’embouchure, un Musée du vin de Porto a été aménagé par la municipalité dans un ancien chai voûté du XVIIIe siècle. Accessible de plain-pied, il présente le terroir de la vallée du Douro et l’histoire de ses vins, vus sous l’angle économique mais aussi humain : passionnant. Le stationnement s’avérant difficile, prévoir de s’y faire déposer ou d’y aller à pied.

Toujours rive droite, la partie la plus ancienne de la ville s’étage et grimpe très vite depuis le quartier de Ribeira. La déambulation y est des plus gratifiantes pour les yeux mais bien moins pour les bras lorsqu’il s’agit de manoeuvrer en fauteuil roulant manuel! Certains secteurs sont inenvisageables, même avec aide et, sauf à les descendre, l’appui d’un véhicule n’est vraiment pas superflu, d’autant que les emplacements de stationnement réservé existent et sont généralement respectés (n’oubliez pas d’emporter votre carte européenne de stationnement).

On pourra en revanche faire l’impasse sur la visite, obligatoirement guidée et assez peu intéressante en regard du tarif, de la Bourse, gros bâtiment néoclassique du XIXe siècle dont l’intérêt, en dehors d’une enfilade de salons d’apparat, se limite à un étourdissant salon doré d’inspiration mauresque où les groupes de touristes, interdits de prendre la moindre photographie, se succèdent au pas de charge. Accès fauteuil par le côté droit du bâtiment, stationnement quasi-impossible. Au rez-de-chaussée, l’Institut du vin de Porto (IVDP) propose des dégustations et ventes de crus dans un espace ultramoderne quasi-désert: à réserver aux jours de pluie ?

Un autre panorama sur la cité et le fleuve est possible depuis la vaste esplanade qui s’étend devant la cathédrale et où l’on peut aisément stationner. Le bâtiment lui-même, très ancien (XIIe siècle, remanié aux XVIIe et XVIIIe) et plutôt austère, ne se découvre qu’au sommet d’une volée de marches mais une mise en accessibilité devrait voir le jour courant 2013. Accéder au cloître, orné de merveilleux azulejos (fameux carreaux de faïence bleue qui ornent nombre de monuments portugais), sera vraiment appréciable pour les personnes en fauteuil roulant ! Les azulejos, on les retrouve évidemment un peu partout dans la vieille ville, et jusque sur les murs de la gare de São Bento, accessible de plain-pied depuis son côté gauche : sacrée invitation au voyage !

En remontant encore vers le nord, passé le « boulevard » qui ferme le secteur Unesco (le centre historique de Porto est classé depuis 1996 au patrimoine mondial), le XIXe siècle triomphe, les rues s’élargissent et la topographie s’aplatit un peu. C’est aussi la partie de la ville la plus fréquentée par les Portuans. Elle compte néanmoins quelques incontournables touristiques, mais qui valent vraiment le détour : citons notamment la librairie Lello, rue des Carmélites, avec sa façade de style éclectique et son incroyable escalier intérieur sous verrière (gros seuil à l’entrée), ou encore le café Majestic, rue Sainte-Catherine, et son atmosphère Art-Nouveau, accessible de plain-pied, où il faut prendre le temps de s’arrêter déguster l’une des fameuses pâtisseries locales au son du piano… La rue Sainte-Catherine et le quartier alentour sont par ailleurs un but de promenade/shopping très prisé des Portuans, où abondent les façades Art-Déco : ne manquez pas celle du théâtre Coliseu, rue de Passos Manuel, qui est tout à fait remarquable (stationnement réservé au sommet de la rue).

On peut quitter le centre-ville en direction de la mer en suivant l’avenue de Boavista, longue de plusieurs kilomètres, véritable Sunset Boulevard local alternant boutiques haut de gamme, hôtels de luxe, immeubles chics et belles villas. Le Grand prix automobile du Portugal emprunte en partie son tracé (tous les deux ans) et la circulation, le reste du temps, y est d’autant plus intense que l’avenue coupe le premier boulevard de ceinture de la ville.

C’est également une destination culturelle de premier plan grâce à la Casa da Música, immense polyèdre immaculé que l’architecte néerlandais Rem Koolhaas a conçu pour Porto capitale européenne de la culture en 2001 mais qui n’a été inauguré qu’en 2005. Largement ouvert sur la cité et les citoyens, l’endroit est parfaitement accessible aux personnes handicapées motrices (ascenseurs, toilettes) mais, ici comme ailleurs, la médiation culturelle en direction des publics déficients sensoriels en est encore à ses balbutiements. Des visites guidées du bâtiment sont organisées en dehors des heures de spectacle, occasion de découvrir des espaces à l’architecture audacieuse mais douce, et des points de vue inattendus sur la ville. L’excellente acoustique de la grande salle est devenue une référence internationale. Chaque année en avril, le festival « Ao alcance de todos » (« Pour tout le monde »), y présente le travail d’artistes handicapés.

Plus loin sur l’avenue de Boavista, dans un quartier huppé discrètement en retrait, se dresse le musée d’art contemporain de la Fondation Serralves, que complètent de très vastes jardins ombragés et fleuris au centre desquels trône une fabuleuse villa Art-Déco accessible par rampe mais uniquement ouverte lors d’opérations ponctuelles (ce qui n’empêche nullement d’en admirer les extérieurs). D’un design très épuré, le musée est un espace de découverte des dernières tendances de l’art contemporain, via des expositions temporaires de stature internationale, dont les vastes espaces sont parfaitement accessibles. Toilettes adaptées, restauration possible sur place. Quant au parc, agrémenté de pavillons et de pergolas, c’est un but de promenade très prisé de la bourgeoisie portuane, peut-être parce que l’accès en est payant et sécurisé…

Au débouché de l’avenue de Boavista, le parc de la ville est encore plus vaste (avec ses 83ha c’est même le plus grand parc urbain du pays) et bien plus « populaire ». Un aquarium Sea Life y a ouvert, face à la mer, en 2009. À l’instar des autres établissements du groupe, l’endroit est accessible sans encombre aux personnes handicapées motrices. Les enfants adorent… Le rond-point du Castelo do Queijo (« château du fromage », ainsi dénommé à cause de sa forme) sur laquelle ouvrent le parc et l’aquarium, est le point de départ d’une autre promenade extraordinaire plantée de palmiers et longeant l’Atlantique : c’est la splendide avenue du Brésil, d’où partent perpendiculairement les rues de Foz de Douro, quartier au chic plus ou moins discret. Les couchers de soleil y sont rien moins que sublimes, les vagues spectaculaires et la plage accessible par rampe : un goût de revenez-y !

Fête nocturne devant le château de Guimaraes.

D’une capitale l’autre.

Première capitale du Portugal, et capitale européenne de la culture 2012, Guimarães (on prononce Guimareich) est située à une cinquantaine de kilomètres seulement au nord-est de Porto mais elle demeure assez méconnue des touristes français. Son centre historique est pourtant inscrit au patrimoine Unesco depuis 2001 et si les pentes sont assez marquées, elles sont bien moins fortes qu’à Porto. Il n’en demeure pas moins prudent, surtout pour les personnes à mobilité réduite, d’en débuter la visite par le point culminant, qui est le palais des ducs de Bragance.

L’impressionnant château médiéval situé juste derrière est totalement inaccessible en fauteuil roulant mais sa haute silhouette vaut néanmoins le coup d’oeil. Quant au palais ducal, édifié au XVe siècle par le fondateur de la dynastie régnante puis progressivement abandonné, il a été presque entièrement reconstruit au XXe siècle. Son accessibilité est en revanche excellente (ascenseur et rampes) et les collections qu’il présente tout à fait dignes d’intérêt en ce qu’elles illustrent la tumultueuse histoire du pays. C’est aussi l’une des résidences officielles du Président de la République dont les appartements occupent le deuxième étage.

En contrebas du palais s’étend la vieille ville, avec ses rues tortueuses pavées, ses austères maisons de granit parfois rehaussées de balcons ouvragés, et ses places pittoresques plantées d’oliviers ou d’orangers. Habitants et touristes y cohabitent (c’est aussi le centre commerçant) dans un décor préservé, soigneusement entretenu, qui paraît ne pas avoir changé depuis le XVIIIe siècle mais où l’on vit et travaille. C’est d’ailleurs l’endroit idéal où acheter à prix raisonnable des chaussures de très grande qualité : les PME locales sont en effet réputées au point que de nombreuses marques internationales leur sous-traitent des modèles qui se négocient bien plus cher en boutique. À la belle saison, les nombreuses terrasses du centre ancien constituent par ailleurs une escale agréable qui pallie l’inaccessibilité quasi-générale des restaurants, presque tous nantis de seuils quand ils ne sont pas purement et simplement installés à l’étage ! Mais on y mange bien et pour pas cher. Côté hébergements adaptés, mieux vaut viser le haut de gamme mais, là encore, les tarifs restent raisonnables. Seul bémol : les unités les plus récentes ne sont pas situées dans le centre ancien. Enfin, si vous vous déplacez exclusivement en fauteuil roulant, n’espérez pas emprunter le téléphérique du mont Penha, qui permet de rejoindre le sanctuaire du même nom et son parc dominant la ville : non seulement il n’est pas accessible mais ses cabines à portes étroites fonctionnent en cycle continu…

Côté patrimoine, en attendant que l’émouvant musée Sampaio se mette enfin en mesure de recevoir le public handicapé, rendez-vous à l’église Saint-François située en contrebas des remparts : accessible par rampe, ce sanctuaire gothique largement remanié au XVIIe siècle et très richement décoré mérite réellement le détour, avec ses ors et ses azulejos. Sacristie et salle capitulaire ne se découvrent cependant qu’aux prix de plusieurs marches. Plus bas encore, dans un ancien quartier usinier aux immeubles anciens non dénués de charme, les jeunes artistes du Centre pour les questions d’art et d’architecture (CAAA) ont investi d’anciens ateliers de plain-pied, rue Padre Augusto Borges de Sá, où ils présentent leurs travaux, notamment photographiques : un bon moyen de découvrir la jeune création contemporaine. Autre espace dédié à la création contemporaine, la Fábrica Asa est également installée dans un ancien atelier, en entrée de ville. Forte pente à l’entrée et stationnement difficile mais vastes espaces de plain-pied et toilettes adaptées.

À l’est du centre-ancien, avenue Conde Margarida, la Plate-forme des Arts a récemment été inaugurée dans la cour d’un ancien marché municipal dont demeurent d’élégantes parties Art-Déco. L’espace contemporain, pleinement accessible, accueille l’une des expositions-phares de Guimarães 2012, « Para além da história » (« Au-delà de l’Histoire ») consacrée à la confrontation entre les oeuvres contemporaines d’un artiste local qui a beaucoup voyagé, et sa richissime collection d’artefacts principalement africains et asiatiques, à faire pâlir d’envie les conservateurs de musées du monde entier ! La muséographie, savamment dépouillée, met remarquablement en lumière chaque objet, dans une atmosphère propice à l’introspection : une expérience particulièrement enrichissante à faire jusqu’à la fin de l’année.

Sur la même avenue, la Casa da Memória, installée dans une ancienne usine, a ouvert ses portes à l’été 2012 avec l’exposition Contextile, qui présente des aspects tout à fait inattendus de la création artistique mondiale contemporaine au moyen du textile, et dont certaines installations agrémentent le centre-ville. Les salles sont accessibles de plain-pied, mais après une forte pente palliée par un ascenseur qui ne sera mis en fonction que lors de l’installation de la muséographie définitive, consacrée, comme l’indique le nom du lieu, à l’histoire locale. Le Portugal étant très en pointe dans le domaine des nouvelles technologies, nul doute que chacun, handicapé ou non, y trouvera son compte !

Jacques Vernes, octobre 2012.

Sur le web, le site officiel Visit Portugal regorge d’informations en français sur la destination, notamment Porto et le nord (voyez également ce site dédié), mais sans rubrique spécifiquement consacrée à l’accessibilité, hormis des données générales. Elle figure néanmoins en critère dans le moteur de recherche hôtelier. Le plan de ville « Oportonity city », proposé par l’office de tourisme de Porto, comporte également des mentions d’accessibilité des monuments, églises et autres lieux touristiques, ainsi que la seule plage adaptée. Le portail spécialisé Portugal accessive propose quant à lui une interface traduite en anglais et en allemand (mais ni en français ni en espagnol, qui sont pourtant les langues les plus parlées par les touristes) regroupant des informations d’accessibilité vérifiées mais non exhaustives. Pour des informations plus générales, parfois en français, mises à jour sur des bases régulières, consultez les sites officiels du tourisme à Porto et à Guimarães. Sachez enfin que la société de taxis Telhado, basée près de Guimarães, dispose d’un véhicule adapté avec rampe pouvant accueillir un client en fauteuil roulant: les tarifs sont très raisonnables et l’accueil (francophone) réellement attentionné.

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