Nous vous avions déjà suggéré, en 2009, de porter votre regard au-delà de Prague, certes magique et qu’il faut absolument visiter (ce que nous avions fait pour vous en 2008), mais où la pression touristique gâche un peu la fête, à l’instar de Venise, les jours de grande affluence, sans même parler des prix qui équivalent largement ceux pratiqués dans d’autres capitales européennes. Il en va tout autrement dans la « Tchéquie intérieure » où, grandes villes comprises, le rapport qualité/prix est nettement plus avantageux. Côté hébergements, les établissements hôteliers se sont bien améliorés depuis quelques années, particulièrement dans le milieu de gamme, avec de plus en plus de chambres adaptées proposées aux visiteurs handicapés. Quant aux restaurants, majoritairement de plain-pied, ils disposent souvent de menus multilingues et les portions sont réellement généreuses ! L’accueil est globalement affable, surtout de la part des professionnels du tourisme qui maîtrisent l’anglais. Côté voirie, en revanche, de nombreux efforts restent à accomplir pour que les utilisateurs de fauteuils roulants se sentent à l’aise : les abaissés de trottoir sont encore trop rares et les pavés omniprésents dans les centres anciens. Point positif : les secteurs piétonniers tendent à se développer. N’oubliez pas votre carte européenne de stationnement, elle vous sera utile, notamment pour stationner au plus près des points d’intérêts touristiques.

Cap à l’est, donc. À l’instar d’autres pays d’Europe centrale, la Tchéquie est l’héritière d’une longue tradition thermale qui nécessiterait un reportage à elle seule. Ainsi, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Prague, Podebrady (prononcer podjébrady) déploie ses charmes un peu surannés au bord de l’Elbe. On y prend les eaux depuis le début du XXe siècle. La compagnie qui exploite le site dispose de plusieurs établissements à la fois hôteliers et thermaux mais on peut se contenter d’une simple après-midi de détente. Les bains « carboniques » d’eau minérale gazeuse sont assez inattendus (à l’hôtel Zámecek), de même que la relaxation musicale et lumineuse dans la grotte de sel (au Libenský) ! Des plaisirs, parmi d’autres, dont il faut d’autant moins se priver que les tarifs n’ont rien de commun avec ceux pratiqués en Europe occidentale… Le bourg lui-même est un havre de paix, idéal pour rêvasser et se détendre en déambulant sous les colonnades ou les allées ombragées du parc thermal agrémentées de jeux d’eau. Le beau château médiéval (très reconstruit) dominant l’Elbe est en revanche inaccessible en fauteuil roulant.

On retrouve l’Elbe encore plus à l’est, en direction de la Pologne (en Tchéquie, les frontières ne sont jamais loin), elle traverse le petit village de Kuks qui a également connu son heure de gloire grâce au thermalisme, au XVIIe siècle. De cet âge d’or ne subsiste qu’un hôpital, mais quel hôpital ! Construit à flanc de colline, cet impressionnant édifice baroque agrémenté d’innombrables statues a été utilisé jusque dans les années 1970 avant de devenir monument national. Une vaste campagne de restauration est en cours dans et autour de certains bâtiments, ce qui en rend l’accès malaisé, surtout en fauteuil roulant, mais des rampes ont été posées et l’endroit vaut réellement les efforts que l’on se donne pour y pénétrer. En voiture, il est fortement conseillé de passer par le hameau de Slotov, de manière à pouvoir stationner au plus près de l’entrée, en sommet de colline. Les visites étant guidées (hélas pas en français, sauf pour les groupes sur réservation), il est également prudent d’avertir de sa venue. Le reste n’est qu’enchantement, surtout si on est sensible à l’art baroque : un véritable festival de sculptures, tant sur pierre que sur bois, sans oublier le bonheur, en saison, d’écouter des musiciens interpréter, dans ce merveilleux décor, des oeuvres en rapport avec l’époque. Ne manquez surtout pas la pharmacie, miraculeusement préservée, qui est un chef-d’oeuvre à elle seule.

Plus au sud, la petite ville de Litomyšl (prononcer Litomichl) est une autre perle architecturale, connue pour être le lieu de naissance du compositeur Bedrich Smetana (1824-1884), célèbre pour son poème symphonique la Moldau et dont la statue trône à l’une des extrémités de l’élégante place principale bordée d’arcades couvertes, où alternent les immeubles à frontons Renaissance ou d’époque baroque. La maison des Chevaliers se distingue tout particulièrement par ses hommes en armure, surmontés de licornes, dragons et autres créatures fantastiques. Non loin de là, une ruelle aux murs couverts de sgraffites contemporains illustrant un roman noir prolonge cette impression surréaliste, surtout à la nuit tombée…

Des sgraffites, on en retrouve aussi, à l’infini, sur les façades de l’imposant château Renaissance qui domine la ville. Il est classé au patrimoine Unesco. Ses appartements d’apparat sont accessibles par Scalamobil (sur réservation) mais on peut largement se contenter des extérieurs, en pensant à se munir de jumelles pour mieux détailler les ornements, notamment ceux de l’étourdissante cour à loggia. Le château comporte par ailleurs un rarissime théâtre baroque miraculeusement préservé, et ses cours servent également de décor au prestigieux festival Smetana qui s’y déroule tous les étés depuis 1949. Des emplacements y sont réservés aux spectateurs en fauteuil roulant. Eu égard à la forte pente qui conduit du centre-ville au château, il est recommandé d’utiliser un véhicule pour accéder à l’esplanade située face à l’entrée, au bout des rues Jirásková ou Zámecká.

En redescendant vers le sud, Ždár nad Sázavou (prononcer Jdar nat Savazou) est une ancienne cité industrielle dont le point d’intérêt majeur ne se trouve pas dans le centre-ville mais en périphérie, au sommet d’une colline, posé tel un ovni. L’étonnante chapelle Saint Jean Népomucène, classée au patrimoine Unesco, est en effet unique en son genre : construite au début du XVIIIe siècle, elle déploie ses formes étranges, alliant baroque et gothique, au centre d’un cloître polygonal encerclant un cimetière. L’accès en voiture est aisé (parking devant l’entrée) mais le manque de panneaux indicateurs complique la chose : GPS conseillé ! Le cloître est de plain-pied, une rampe un peu raide permet d’accéder à la chapelle. Le saint que l’on honore ici, et auquel un pèlerinage était consacré, est représenté par un élément inattendu de son anatomie, que vous découvrirez sur place, en levant les yeux vers la voûte…

Encore plus au sud, non loin de la frontière autrichienne, Brno (que nous avions présentée en 2009), capitale de la Moravie, reste une belle destination en complément de Prague : moins assaillie par les touristes, elle offre de belles déambulations en ville grâce à un vaste secteur piétonnier. Le baroque y est plus discret mais la diversité des styles plus présente. Cerise sur le gâteau : l’hyper-centre est toujours fréquenté par les habitants (ce qui n’est plus vraiment le cas à Prague), d’où davantage d’authenticité et, surtout, des prix tout à fait raisonnables. Profitez-en pour faire du shopping et vous offrir, par exemple, un service en cristal… de Bohème ! On peut également gravir la colline du Špilberk, immense forteresse impériale aussi imprenable que la vue qu’elle offre sur les environs. Stationnement possible sur la plate-forme supérieure, en passant la porte de la première enceinte (ignorer les panneaux d’interdiction). L’accès dans les cours intérieures, où des spectacles sont organisés en été, est de plain-pied mais les bâtiments, hors d’accès, nécessitent un Scalamobil (sonnette sur le pont-levis).

Sur la colline située juste en face, la Villa Tugendhat attire les amateurs d’architecture du monde entier. Achevée en 1930, classé au patrimoine Unesco, c’est l’un des chefs-d’oeuvres du grand architecte allemand Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969). La visite, obligatoirement guidée, permet non seulement de se familiariser avec cet architecte mais également ceux pour qui il a oeuvré et qui ont vécu ici avant de fuir le nazisme. Les espaces, particulièrement lumineux, frappent par leur modernité et la manière d’utiliser les matériaux précieux. En fauteuil roulant, l’accès à la partie supérieure se fait de plain-pied (stationnement possible en face de l’entrée) mais le reste du bâtiment, étagé à flanc de colline, nécessite un Scalamobil qu’il est prudent de réserver.

À la sortie de Brno, en remontant vers le nord-est, s’étend le Karst morave, immense et spectaculaire formation calcaire ponctuée de plus de 1.000 grottes. Cette région est presque totalement ignorée des touristes occidentaux. Certaines grottes se visitent, dont celles de Sloupsko-šošuvské qui bordent le village de Sloup. L’accès en fauteuil roulant est partiel mais gratifiant, avec des cheminements cimentés (assez pentus) et de vastes volumes éclairés de manière à laisser une part de mystère, notamment à l’aplomb des gouffres. Visites guidées uniquement, certaines en français. Grand parking avec places réservées mais pas de toilettes adaptées. Pique-nique possible sur place.

La seconde grande ville de Moravie est Olomouc (prononcer Olomowtz), important pôle religieux et universitaire dont le centre-ancien regorge de trésors architecturaux médiévaux et baroques. L’accessibilité y semble mieux aboutie qu’ailleurs dans le pays, avec notamment des feux sonores et un tramway accessible par rampe (manuelle). Les pavés posent en outre moins de problème dans la mesure où les trottoirs sont assez larges pour permettre une circulation aisée en fauteuil roulant. Au coeur de la cité trône l’emblématique et très baroque colonne de la Sainte-Trinité, qui commémore la fin de l’épidémie de peste de 1740. Elle a été classée au patrimoine Unesco, à l’instar de nombreux autres monuments tchèques. La déambulation au hasard des rues aux bâtiments soigneusement entretenus permet souvent, en faisant abstraction de l’animation ambiante, de s’imaginer au XVIIIe siècle, quand régnaient ici les puissants princes-archevêques : façades altières, fontaines, cours secrètes, jardins…

La ville compte plusieurs musées, dont une partie seulement est accessible aux visiteurs handicapés moteurs. S’il ne fallait en retenir qu’un, ne manquez pas le musée archidiocésain, accessible par rampe et ascenseur : outre les trésors qu’il renferme, on y fait le tour de l’histoire locale dans une muséographie contemporaine assez spectaculaire. Point d’orgue de la visite : l’extraordinaire carrosse d’apparat du prince-archevêque, acheté au XVIIIe siècle à la famille de Rohan. N’hésitez pas à interroger le personnel de l’Office de tourisme, sur la grand-place (Horní Námestí), pour d’autres conseils de visites accessibles et ne quittez pas l’endroit sans jeter un coup d’oeil à l’étonnante horloge astronomique « modernisée » dans les années 1950, en pleine période communiste, avec son jaquemart des corps de métier et son calendrier bien particulier…

carrosse du prince-archevêque au musée archidiocésain d'Olomouc.

À la périphérie d’Olomouc, dominant la plaine depuis sa butte, la basilique de l’Annonciation de Svatý Kopecek est un important lieu de pèlerinage édifié à l’époque baroque. On y accède en voiture en contournant le bâtiment par l’arrière : stationnement possible sur le côté gauche, avant le panneau « soukromý pozemek » (« propriété privée »). Une rampe permet ensuite d’accéder au sanctuaire, véritable bijou baroque où la foi s’exprime avec exubérance !

Dans un registre totalement différent, Svatý Kopecek abrite par ailleurs le zoo d’Olomouc, accessible de plain-pied, où les enfants seront à la fête et où il est possible de se restaurer. Stationnement (gratuit) sur le parking situé à l’entrée. À éviter, toutefois, les jours d’affluence…

Les princes-archevêques, on les retrouve à Kromeríž (prononcer Kroméritch), autre site Unesco, où ils ont élevé un majestueux palais d’été agrémenté de jardins. Si ces derniers, splendides à la belle saison, se visitent sans encombre en fauteuil roulant, il n’en va malheureusement pas de même du château, bardé de marches et dépourvu de la moindre adaptation. Faute de pouvoir déambuler en fauteuil roulant dans ses richissimes appartements (qui ont servi de lieu de tournage au film Amadeus de Miloš Forman), on peut en admirer la cour et profiter, éventuellement, des toilettes adaptées… avant de se rendre aux jardins, qui valent réellement le détour ! Stationnement réservé devant l’entrée du château.

Changement total de décor à environ 70km plus à l’est, non loin de la frontière Slovaque. L’écomusée valaque, à Rožnov pod Radhoštem, est unique en son genre : fondé en 1925, il recrée un village des temps anciens, avec ses belles maisons et son étonnante église, entièrement en bois, et restitue les vieux métiers grâce à des reconstitutions particulièrement fidèles d’ateliers artisanaux (meunerie, menuiserie, forge, etc.) où interviennent des professionnels costumés pour l’occasion. Ambiance bon-enfant et déambulation facile dans la partie basse (la plus vaste), plus ardue autour de certains ateliers et impossible dans la partie haute du site. Les maisons du village comportent de gros seuils, franchissables avec aide, mais leur étage est inaccessible. Curiosité locale : le cimetière de l’église sert de sanctuaire national pour certains grands hommes, dont le célèbre Emil Zátopek (1922-2000), athlète de légende multi-médaillé. Stationnement réservé devant l’entrée de la billetterie qui dispose par ailleurs de toilettes adaptées.

En remontant vers le nord, à quelques encablures de la frontière polonaise, la ville d’Ostrava est la troisième du pays avec ses 300.000 habitants. Fondée durant le Haut Moyen-Âge à la confluence de l’Ostravice et de l’Oder, elle a longtemps constitué un pole économique important qui a culminé aux XIXe et XXe siècles avec l’exploitation du charbon et de l’acier. Ici comme ailleurs en Europe, la désindustrialisation a fait des ravages et les autorités locales n’ont eu de cesse de re-dynamiser la région par tous les moyens. La présence d’universités et d’un festival de musique mondialement célèbre parmi la jeunesse fait d’Ostrava une ville branchée que renforce la récente réhabilitation du complexe industriel de Vítkovice. L’endroit, située en bordure de ville, est tout simplement gigantesque, fantastique, digne de Jules Verne ! On s’y sent tout petit, écrasé par la taille des installations encore en place. Plusieurs espaces ont investi les lieux : une immense salle de spectacle, dans l’ancien gazomètre, un musée technologique ludique (les deux accessibles sans encombre en fauteuil roulant) ainsi qu’une partie visitable avec un guide, comprenant notamment l’ancien haut-fourneau. Quel dommage que l’ascenseur panoramique qui permet de s’élever au-dessus du site soit rendu difficile d’accès en fauteuil roulant par des escaliers ! Mais nul doute que ce site, en constante évolution, symbole de la jeune société tchèque, finira par se mettre en mesure d’accueillir tous les publics.

Quand on vous disait qu’il n’y a pas que Prague, en Tchéquie !

Jacques Vernes, avril 2014.

Sur le web, le portail officiel Czech Tourism propose une information généraliste multilingue (incluant le français) mais sans rubrique spécifiquement dédiée au tourisme des personnes handicapées.

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