Patricia et Dominique sont mariés et élèvent Lucie, leur petite fille de bientôt 4 ans. Ils travaillent tous les deux, lui au ministère des finances, elle à France Télécom et habitent à Besançon. C’est une famille ordinaire si ce n’est le fait que Patricia et Dominique sont aveugles.

Des adaptations qui facilitent la vie. Pour qu’un couple de non- voyants soit le plus autonome possible, il suffit de quelques aménagements: Patricia et Dominique cuisinent grâce à une plaque à induction et à un four réglé grâce à des crans. Leur lave- linge (nécessairement haut de gamme) est équipé de touches de programmation et d’un bandeau Braille. Pour que chacun retrouve plus facilement ses habits et que ceux- ci soient assortis les uns aux autres, ils achètent leurs vêtements par ensembles et les rangent séparément. Ils lisent leur courrier grâce à un scanner, pour le grand ménage et le repassage emploient une tierce- personne de temps en temps, empruntent les bus ou ont recours au service de transport pour personnes handicapées. « Pour nos déplacements dans Besançon il n’y a pas de problème d’autant que depuis deux mois le service de transport adapté fonctionne aussi le week- end. Seulement, nous devons programmer nos sorties à l’avance; impossible de décider le dimanche à 14 h d’aller au cinéma à 16 heures. Mais pour faire une randonnée à la campagne, skier à la montagne toute proche, nous ne disposons d’aucune solution si ce n’est le taxi, et c’est trop cher ». Patricia fait de la vannerie dans une association de quartier, Dominique aime la randonnée, l’informatique et le ski de fond. Lucie pratique la gymnastique. « Nous avons dû concilier nos goûts avec les offres accessibles par le biais de transports en commun ». Pour les vacances, Patricia, Dominique et Lucie choisissent la formule « centre de vacances familiales ». Ils peuvent ainsi bénéficier des services mis à la disposition des vacanciers: garderie, excursions, restaurations… Ils ont chacun un chien guide: « nous pouvons les emmener partout ; nous avons eu une seule fois du mal à les faire monter dans un avion mais finalement ça s’est réglé avec juste un retard de notre vol ».

Système D et solidarité pour élever Lucie. L’arrivée de Lucie, il y a bientôt quatre ans, a changé la vie de Dominique et de Patricia. « Dès sa naissance, j’ai demandé l’intervention régulière d’une puéricultrice du centre de Protection Maternelle et Infantile » raconte Patricia. « Elle m’aidait à la baigner, m’a appris à la changer, m’accompagnait chez le médecin ou l’ophtalmologiste ou tout simplement au parc. Je n’utilisais évidemment pas la poussette mais d’abord un sac kangourou puis un porte- bébé dorsal. J’emploie un thermomètre parlant quand je suspecte une poussée de fièvre. Pour que je puisse administrer les médicaments moi- même, je fais en sorte que le pédiatre me prescrive plutôt du sirop que je donne à ma fille grâce à des pipettes correspondant aux doses indiquées ». Maintenant que Lucie va à l’école, elle commence à feuilleter des livres en noir, comment suivre sa scolarité ? « J’ai une amie qui a appris le Braille » poursuit Patricia. « Elle note les titres des livres de Lucie sur des transparents que je colle sur les couvertures. La maîtresse de Lucie enregistre sur cassettes les livres lus dans la classe et fait participer la petite en lui faisant commenter les images. Pour communiquer plus encore avec Lucie, nous avons acheté des jeux en Braille à l’Association Valentin Haüy ». Mais « gérer » une enfant remuante n’est pas simple. « Mon angoisse et ma crainte, quand nous sommes dans la rue, c’est de ne pas savoir où elle est ou ce qu’elle fait. C’est pour cela que je ne suis jamais seule quand je l’emmène au cirque, au parc ou encore chez le médecin. C’est très souvent la puéricultrice, pourtant à la retraite aujourd’hui, qui m’accompagne ».

Patricia et Dominique ont beaucoup insisté lors de notre entretien sur leur problème principal à savoir la liberté de locomotion. Mais ils ont aussi souligné l’importance que revêt pour eux la solidarité manifestée par leur entourage, cette amie, cette puéricultrice ou encore l’institutrice de leur fille. Patricia a tenu à nous signaler le caractère symbolique du prénom de la petite, « Lucie ça veut dire la lumière; Lucie c’est notre lumière ».

Abder Ragui, janvier 2001.

Partagez !