Lors du colloque d’ouverture à Rennes de l’Année Européenne des Personnes Handicapées, le public a pu découvrir le parcours scolaire et universitaire d’un jeune homme d’origine sénégalaise, Papa Samba Pouye. C’est à l’âge de cinq ans qu’il a commencé à avoir de gros problèmes de vue, qui évolueront au fil des ans et des interventions chirurgicales vers une cécité totale, à treize ans; il entame alors sa scolarité, dans un institut pour aveugles. Il rejoint par la suite un collège puis un lycée ordinaire pour obtenir son baccalauréat à 25 ans. Il entreprend ensuite des études de droit à Caen (Calvados).

« Quand j’y suis entré, explique-t-il, il n’y avait pas grand chose de prévu pour les aveugles à la fac. J’avais besoin de transcription en braille de documents écrits, notamment pour les travaux dirigés, mais elle n’était pas réalisable. J’assistais donc aux TD sans avoir pu les préparer, en mémorisant. J’écoutais pour comprendre, j’écrivais peu. C’est ma mémoire qui m’a permis de réussir. Lors de mes premières sessions d’examens, les sujets n’étaient pas fournis en braille. Je composais dans une salle à part des autres étudiants. Souvent, au dernier moment, je devais attendre qu’on me porte le sujet, qu’on me le lise. Il est même arrivé que l’on m’oublie… C’est lors de mon année de licence, en 1999, que l’administration a commencé à prendre conscience des besoins spécifiques d’un étudiant aveugle : j’étais mieux informé, mes copies étaient préparées. Je n’écrivais pas moi- même, je devais dicter ma copie à un secrétaire, ce qui m’obligeait à concevoir un texte définitif, d’un seul jet, à partir du plan que j’avais élaboré. Ce que j’écrivais en braille devait être transcrit en noir. Je passais énormément de temps à travailler, je sortais très peu. Pourtant, j’aime bien faire la fête, sortir avec des amis, lier connaissance. Mais il fallait que je travaille plus que les autres pour m’en sortir ».

C’est grâce à ses qualités humaines que Papa Samba Pouye a pu surmonter le contexte handicapant de ses études: « Je sollicitais mes camarades pour qu’ils me lisent des chapitres de livres juridiques ou des documents de travail. Souvent, ils me demandaient à la fin d’un cours s’il me manquait des notes, si j’avais mal compris ou retenu. Ils comprenaient mes problèmes et m’aidaient spontanément ». Ses parents l’ont élevé en lui donnant un maximum d’autonomie, avec le goût de sortir, d’aller à la rencontre des autres: « c’est essentiel, j’ai appris à me débrouiller en étant poussé par mes parents ». S’il conserve des souvenirs de l’époque où il voyait, sa cécité ne lui créé pas de regrets, il l’accepte comme un élément de sa vie. Et conserve un intérêt marqué pour le football, auquel il avait joué enfant: il écoute les matches à la radio, et en parle avec passion !

Papa Samba Pouye utilise un ordinateur depuis trois ans, ainsi qu’un bloc-notes braille électronique, ce qui a considérablement amélioré son confort de travail. Il prépare actuellement une thèse en droit public international tout en étant chargé de travaux dirigés en droit administratif économique. Lui qui devait naguère les mémoriser, les dispense désormais aux autres étudiants…

Laurent Lejard, mars 2003.

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