L’édition adaptée de livres aux besoins spécifiques des aveugles et des malvoyants est assez développée en France, tout en restant dispersée entre de multiples intervenants. Revues et magazines en braille ou gros caractères, bibliothèques sonores ou de livres électroniques disponibles en divers formats, livres tactiles, nous avons présenté ici un aperçu des réalisations. Avec une constante : ce sont des entreprises et des associations qui réalisent et financent les ouvrages. L’Etat et les collectivités locales sont peu présents, leur action se limitant généralement à l’octroi de subventions.
L’idée de regrouper les acteurs de l’édition adaptée dans une structure commune a notamment été évoquée lors du colloque Bibliothèques et publics handicapés visuels qui s’est déroulé à Montpellier le 7 décembre 2001. Fonctionnaire au Ministère de la Culture, Thierry Grognet la définissait ainsi : « il s’agit en fait d’une structure qui, du point de vue juridique, permet de fédérer les énergies de personnes morales de droit public et de droit privé, à savoir, pour aller un peu vite, à la fois des ministères et des associations qui oeuvrent dans un but commun, d’une façon générique le développement de l’édition adaptée; mais dans le texte constitutif de ce futur GIP les missions énumérées vont bien au- delà puisque, en pratique, il s’agit fondamentalement de permettre à tous de disposer sous une forme contractuelle d’un réservoir de textes issus des fichiers sources dont les éditeurs possèdent les droits, de manière à ce que chacun ait à sa disposition des textes qu’il puisse reproduire en conformité avec la législation sur le droit d’auteur, à des fins de diffusion. L’objectif est l’accroissement de l’offre de lecture en matière aussi bien de documentaires que de fiction puisque nous savons que la principale difficulté rencontrée aujourd’hui, pour toutes sortes de raisons, c’est justement la faiblesse, si j’ose dire, des réservoirs bibliographiques en la matière » (in actes du Colloque).
Passons sur les nombreuses concertations qui suivirent, entre les ministères de la Culture, de l’Education Nationale, des Personnes Handicapées, les associations, etc. Nous voici en avril 2002, le projet de projet de décret créant ce GIP est au Ministère du Budget qui doit l’avaliser et dégager la ligne budgétaire nécessaire. Il n’en sortira pas à temps pour rejoindre les milliers de textes enfournés au Journal Officiel lors des derniers jours du gouvernement Jospin. Le GIP est- il mort en mai 2002 ?
Non : un an après, le voici ressuscité; enfin presque. Le 5 mai 2003, le Ministre de la Culture et de la Communication, Jean- Jacques Aillagon, remet le projet sur les rails. Sans budget défini ni date butoir. Au ministère de l’Education Nationale, on précise que les Cabinets des deux ministres, Luc Ferry et Xavier Darcos, collaborent sur la question en espérant que le « Groupement d’Intérêt Public de l’Edition Adaptée (GIPEA) aboutira avant la fin de l’année 2003 ». La même échéance est d’ailleurs retenue pour un dossier connexe, porté par Jean- Jacques Aillagon et Claudie Haigneré, Ministre de la Recherche, celui des droits d’auteur. Tous deux ont annoncé, à dix jours d’intervalle, la transposition en droit français d’une Directive Européenne dans la loi nationale.
Cette Directive devrait permettre à des associations habilitées d’éditer sur des supports adaptés des ouvrages diffusés dans le commerce sans avoir à demander l’accord préalable de l’éditeur (cela n’exclut évidemment pas le paiement des droits d’auteur). La loi envisagée devrait concerner tous les handicaps. Jusqu’alors, la France, sous la pression de ses éditeurs, avait toujours refusé « l’exception droits d’auteurs ».
Les différents acteurs de l’édition adaptée se retrouveront peut être bientôt dans une structure commune afin de rendre un meilleur service aux déficients visuels en développant intelligemment l’offre de lecture. Il leur restera à convaincre les sociétés privées d’édition, qui par la nature de leur statut social ne pourront être membres du GIPEA, de jouer le jeu. Mince affaire!
Jacques Vernes mai 2003.