Erik Rance est, depuis juin 2005, conseiller des ministres Xavier Bertrand (Santé et solidarité) et Philippe Bas (sécurité sociale, famille, personnes âgées et personnes handicapées). Il apporte un conseil juridique aux rédacteurs des nombreux textes réglementaires en cours d’élaboration, dont ceux de la réforme de l’Assurance Maladie, la loi relative à la politique de santé publique, la loi bioéthique, la loi relative aux droits des malades, ou de la loi d’égalité des droits et des chances des personnes handicapées.

A l’abord de la quarantaine, ce natif de Marseille est Parisien depuis qu’il a entrepris des études supérieures : « Je voulais faire du journalisme politique, j’ai pensé que Sciences Po était une voie qui m’y conduirait. Mon modèle d’alors, Jean-Marie Colombani, n’était pas encore directeur du Monde ». Erik Rance, très malvoyant dès l’enfance, est devenu aveugle durant sa deuxième année de Cours Élémentaire. Il a suivi, la plupart du temps, une scolarité en milieu ordinaire. Il est toutefois passé par une classe spécialisée pour déficients visuels dans une école, celle des Caillols (réputée à Marseille) qui pratiquait l’intégration scolaire. Il s’est ensuite dirigé vers un baccalauréat C : « J’ai pu suivre et réussir grâce, notamment, au soutien de mes grands-parents. Ils ont enregistré un nombre considérable de livres et manuels sur cassettes, passant de nombreuses heures à lire des ouvrages qui ne les intéressaient guère. Les enseignants n’adaptaient pas leur enseignement ni leurs supports de cours, ça m’a préparé à la concurrence »…

Il opte pour Paris afin de suivre les cours de l’Institut d’Études Politiques, un choix que son milieu social d’origine lui permet d’assumer financièrement. Il a également pu s’équiper d’un système peu répandu (coûteux mais subventionné par le fonds social européen) de lecture optique de textes écrits, l’Optacon : une caméra transcrit chaque caractère en relief, restitué dans une fenêtre sur laquelle on pose le doigt. « On arrive à lire à la vitesse d’un voyant » estime Erik Rance qui utilise toujours ce matériel dont la commercialisation a cessé depuis quelques années. A l’écrit, il pratique le braille mais préfère la lecture vocale des textes. A Sciences Po, il n’y avait pas de supports adaptés et c’est avec sa machine à écrire Perkins qu’il prenait ses notes de cours; la première fois, irrité par le bruit de la machine, un professeur a cru avoir affaire à un plaisantin, et cela a conduit par la suite Erik Rance à enregistrer les cours au magnétophone.

Plutôt que de poursuivre son idée initiale de tenter sa chance dans le journalisme politique, il a décidé de s’orienter vers la haute Administration, et a suivi les cours de l’ENA. Sorti administrateur civil, il a même eu la satisfaction de se voir confier comme premier poste celui qui lui donnait la tutelle de l’ENA ! Depuis, il a occupé trois autres postes de chef puis sous-directeur de services, dans l’administration de la fonction publique, le ministère de l’emploi et de la solidarité puis celui de l’agriculture. Ses compétences ont été impliquées dans d’importants chantiers de réformes, telle celle d’Alain Juppé sur la Sécurité Sociale en 1995; il s’est également employé à mettre en oeuvre le plan de redressement de la Caisse centrale de Mutualité Sociale Agricole résultant d’un rapport de la Cour des Comptes, en 1998, et supervisant trois projets de loi. Cerise sur le gâteau, il a dû « gérer » les affaires de la Mutuelle Nationale des Étudiants de France (MNEF) et de la déconfiture du CREF (complément retraite de la fonction publique) lorsqu’il a occupé les fonctions de secrétaire général adjoint de la commission de contrôle des mutuelles.

Erik Rance est entré à l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) en 2002, et il aurait pu y couler des jours heureux s’il n’avait accepté fin 2004 une mission d’appui auprès du Ministre en charge de la nouvelle réforme de la Sécurité Sociale, ce qui l’a conduit à intégrer les Cabinets Bertrand et Bas quelques mois plus tard : « J’ai trouvé intéressant de travailler en Cabinet ». Il participe à l’élaboration des décrets relatifs à la loi bioéthique, sur la fin de vie, le handicap, la santé publique, etc.

A croire que cet homme au rire spontané, et qui avoue ne pas avoir de point de vue particulier sur le handicap, aime la difficulté. Il se déplace d’ailleurs sans canne blanche ni chien-guide : « J’ai l’habitude de me faire aider lors de mes déplacements, je n’ai pas été éduqué à la canne blanche ». Ses déplacements en terrain inconnu reposent donc essentiellement sur les autres, principalement son épouse. Même s’il entend être traité comme tout le monde…

Laurent Lejard, septembre 2005.

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