La gourmandise, dit-on, est un vilain défaut et on ne peut s’empêcher de penser qu’elle est cause de la descente aux enfers judiciaires de l’ancien responsable bénévole du secteur audiovision de l’Association Valentin Haüy, Jean-Thierry Gampert. S’il avait été plus prudent, en limitant par exemple le montant des sommes détournées à son profit, il ferait peut-être toujours payer à l’AVH les droits de diffusion et d’adaptation de films de cinéma qu’il prétendait verser à leurs propriétaires. Car tel était le bobard qu’il a fait avaler aux dirigeants crédules d’une association qui revendique de n’être financée que par des dons et des legs et pour laquelle, comme le proclame son actuel président honoraire et président au moment des faits, Patrick Champetier de Ribes, « le bénévolat est un idéal »…

Jean Thierry Gampert avoue qu’il ne connaissait rien au monde du cinéma lorsque l’AVH lui a demandé, en 2000, de diriger son service audiovision. Alors il a fait appel à un ami de quinze ans, Philippe Prud’homme, qui se présente à la barre comme une personnalité incontournable du milieu du cinéma, tout en oubliant de préciser que la société qu’il avait créée et dirigeait, Actor, était sur la voie de la liquidation judiciaire quand il est entré dans l’affaire début 2001. Il a utilisé une autre société, C2P (entreprise sans comptabilité depuis 2003 et dont il est considéré gérant de fait) pour servir de « véhicule de l’escroquerie » comme l’a qualifiée le procureur de la République lors des débats. C2P devait sélectionner des films se prêtant à l’audiodescription et en négocier l’accord d’exploitation auprès des ayants droits. Or, seul Jean Thierry Gampert intervenait auprès des sociétés détentrices qui lui cédaient d’ailleurs gratuitement leurs droits « pour une bonne cause ».

Un Gampert qui récupérait 75% du montant des factures acquittées à C2P au titre de « commission d’apporteur d’affaires ». Si cette pratique est fréquente, elle porte généralement sur des taux de 5 à 10%. Sur les 476.000€ HT facturés, Gampert en a touché plus de 324.000€, soit l’équivalent 67 années et demi du RMI qu’il percevait depuis 2000 tout en travaillant au noir, sans bien évidemment déclarer cette « commission d’apporteur d’affaires »… Le fisc n’a pas apprécié, qui lui a notifié un redressement de 250.000€ et engagé des poursuites judiciaires. Jean-Thierry Gampert connaitra donc bientôt à nouveau les gaietés du Palais de justice de Paris, devant la 11e chambre Correctionnelle cette fois-ci. Son complice éprouve également quelques soucis fiscaux.

L’AVH, alertée par l’ampleur des factures qu’elle réglait, a mis l’activité audiovision sous surveillance au printemps 2003, et a cessé au mois de mai de payer les factures qui étaient réglées jusqu’alors de manière originale : Jean Thierry Gampert se présentait documents en main à la comptabilité de l’association et repartait illico avec leurs chèques de règlement ! Pour sa défense, le bénévole Jean-Thierry Gampert explique qu’il était légitime que le travail qu’il effectuait et qui l’occupait deux jours par semaine fût rémunéré par une société extérieure. Pour arriver à ses fins, son ami Prud’homme et C2P étaient les bienvenus. Un Prud’homme qui dresse le portrait d’un Jean-Thierry Gampert flambeur, ayant toujours des problèmes d’argent. Gampert confirme avoir contracté un emprunt bancaire pour payer une voiture de collection, avoir eu des dettes auprès d’amis et frôler l’interdiction bancaire. Quant à Philippe Prud’homme, il semblait à l’abri du besoin, nanti d’une retraite de 3.500€ par mois et de plusieurs locaux en location, dont le siège social de C2P qui lui versait même un loyer ! Lors de son audition par la police, il a reconnu que l’essentiel du travail qui lui était demandé avait été effectué en trois mois et valait environ 90.000FF (13.700€) : il en a empoché près de dix fois plus.

La 12e chambre du Tribunal Correctionnel de Paris a pris le temps de soigneusement juger cette affaire. La quasi-totalité de l’audience matinale du 26 septembre dernier lui a été consacrée, le jugement étant rendu le 3 octobre suivant : Philippe Prud’homme a été condamné à dix mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve de deux ans avec obligation d’indemniser la partie civile, Jean-Thierry Gampert écope de quinze mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve de deux ans avec obligation d’indemniser la partie civile. Mais l’AVH reverra-t-elle son argent ? Les donateurs et légataires apprécieraient certainement. Comme probablement le novice Président de l’AVH, même s’il gratifie cette affaire d’un « no comment »…

Laurent Lejard, octobre 2007.

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