Résultant d’une mission d’étude confiée par le Gouvernement au chanteur aveugle Gilbert Montagné, le plan « pour une intégration pleine et entière des personnes aveugles et malvoyantes à la vie de la cité » a été enfin rendu public, ainsi que le rapport atypique sur lequel il s’appuie. Philippe Chazal, secrétaire général du Comité National pour la Promotion Sociale des Aveugles et des Amblyopes (C.N.P.S.A.A) qui regroupe 21 associations, commente ce plan et les conditions inhabituelles de son annonce publique.

Question : Quels sont pour vous les points positifs et les lacunes du plan déficience visuelle ?

Philippe Chazal : Nous étions réunis en congrès cette semaine, et nous n’avons pas encore pu étudier ce plan en détail. Nous avions depuis longtemps réclamé un plan d’actions prenant en compte les spécificités du handicap visuel. Nous avons noté qu’il reprend plusieurs de nos demandes, en particulier les décrets sur l’exception droit d’auteur qui devraient paraitre rapidement, ou la multiplication des services spécialisés d’intégration scolaire S3AIS (service d’aide à l’acquisition de l’autonomie et à l’intégration scolaire). Mais nous n’avons pas relevé de mesures concrètes dans le domaine de l’accompagnement quotidien des personnes déficientes visuelles, si ce n’est faciliter l’obtention des aides techniques, sans que soient précisés les moyens déployés, alors qu’elles sont actuellement mal prises en charge par la Prestation de Compensation du Handicap. Nous attendons également la Conférence Nationale du Handicap, qui devrait annoncer des mesures générales qui vont aussi concerner les déficients visuels en renforçant ce plan, dans le domaine de l’emploi par exemple, pour lequel nous attendons des annonces fortes.

Question : Quel regard portez-vous sur l’élaboration de ce plan ?

Philippe Chazal :
 Il y a eu une large concertation préalable. Gilbert Montagné a reçu beaucoup de personnes, deux fois le C.N.P.S.A.A, il a rencontré des représentants d’associations nationales et locales. Le cabinet de la Secrétaire d’État à la solidarité a écouté de nombreuses associations de déficients visuels. En amont, la concertation a été relativement bonne. Mais nous n’avons pas eu connaissance du rapport, le Secrétariat d’Etat nous a seulement remis les propositions formulées par Gilbert Montagné. Nous les avons commentées et développées dans un rapport remis à la Secrétaire d’État à la solidarité.

Question : 
Pourtant, vous venez d’écrire au Premier ministre François Fillon pour déplorer les conditions de publication du plan…

Philippe Chazal : Nous avons effectivement adressé, mercredi 4 juin, une lettre au Premier Ministre parce que nous sommes très surpris, je dirais même consternés, du fait que les associations, et en particulier le C.N.P.S.A.A qui en représente 21, n’aient pas été invitées pour la présentation de ce plan. Nous sommes fâchés que le grand public puisse penser qu’une seule personne, autant de bonne volonté qu’elle puisse avoir, soit représentative des personnes déficientes visuelles et connaisse à elle seule l’ensemble des besoins. Cela revient à mettre en cause l’utilité du C.N.P.S.A.A et nous ne pouvons l’admettre. C’est une tendance actuelle à médiatiser, à faire du show dans tous les domaines, et des effets d’annonces. Gilbert Montagné est beaucoup plus médiatique que n’importe lequel d’entre nous, il attire les journalistes, donne une certaine image de la déficience visuelle. Au début, on s’est interrogés, et on a finalement convenu qu’employer Gilbert Montagné n’était pas forcément une mauvaise solution, parce que sa médiatisation fait avancer les choses. Il a été honnête et a beaucoup consulté, mais on ne peut accepter que sa médiatisation élimine les associations : elles n’apparaissent pas dans les partenaires de mise en oeuvre du plan déficience visuelle, sauf deux d’entre elles sur des actions très spécifiques. L’Etat sait se servir des associations pour gérer des établissements, pour déléguer des actions sociales ou culturelles, nous avions l’impression qu’elles étaient reconnues, qu’il n’y avait pas de malentendu. Enfin, nous avons été choqués par le fait que ce soit dans les locaux d’une entreprise qui ne fait pas l’unanimité parmi les déficients visuels, du fait de son quasi-monopole sur un certain nombre de produits et d’un service après-vente parfois défectueux, que le plan ait été annoncé.


Propos recueillis par Laurent Lejard, juin 2008.

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