Elles ont tous les âges et s’appliquent à apprendre les techniques que leur prodiguent une formatrice, Beverly, et la directrice de l’école Thalgo (Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne), Claudine Courtet-Périac. Cette dernière concrétise une volonté d’ouvrir la profession d’esthéticienne à des travailleuses handicapées, grâce à sa rencontre, en juin 2008, avec l’entrepreneur aveugle Didier Roche : « Il avait des demandes de femmes aveugles qui voulaient travailler dans le massage et les soins esthétiques mais sans le niveau universitaire nécessaire pour accéder aux études de masseur kinésithérapeute. Il avait consulté en vain plusieurs centres de formation en soins esthétiques ». La rencontre s’est produite au bon moment : l’école Thalgo devait se développer dans de nouveaux locaux parfaitement accessibles et Claudine Courtet-Périac poursuivait le projet d’intégrer des personnes handicapées motrices pour les former à l’onglerie, une activité assise qui ne nécessite pas de diplôme. Jusqu’alors, l’école n’avait reçu que des élèves malentendantes ainsi qu’une employée paraplégique travaillant dans un centre U.V qui venait effectuer une formation obligatoire.

De fait, l’école Thalgo est pionnière dans l’enseignement des soins esthétiques en direction de personnes aveugles : « J’ai acquis suffisamment d’expérience pour que ce projet soit réalisable, affirme Claudine Courtet-Périac. J’ai changé ma pédagogie et les stagiaires m’aident énormément. Les épreuves de l’examen final ont été revues en collaboration avec l’inspectrice de l’éducation nationale ». Pour les épreuves théoriques, les candidates bénéficieront d’un tiers-temps supplémentaire et d’une secrétaire : celle-ci devra réaliser, sous les consignes de la candidate, l’épreuve de dessin encore obligatoire (pour la dernière année). Claudine Courtet-Périac veut que ses stagiaires réussissent l’examen final sans qu’il soit nécessaire de demander de dérogation pour certaines épreuves qu’elles ne peuvent réaliser, ce qui va les contraindre à l’excellence parce qu’elles risquent de partir avec un déficit de 30 points sur 160 en épreuves pratiques : les candidates ne pourront pas, en effet, réaliser l’épilation des sourcils ou un maquillage fin. Mais quasiment tous les autres soins esthétiques, modelage et massage, sont réalisables par elles, avec des techniques adaptées certes, mais tout à fait opérationnelles et aussi agréables que les autres. « Tout le monde nous attend au tournant, conclut Claudine Courtet-Périac. On travaille pour le groupe, pas sur l’exception. »

Parmi les élèves, Marie-France est intéressée par le bien-être, le massage et l’antistress. La formation l’a conduite à revoir son objectif professionnel parce que le modelage et le massage forment une petite partie du diplôme : « Je ne pensais pas me maquiller moi-même avant de faire cette formation ! s’exclame-t-elle. On réalise quelques techniques de maquillage, comme le fond de teint, la poudre, le gloss, l’anticerne, le blush ». Florence, quant à elle, est venue de Bordeaux : « Il y a très longtemps que j’ai eu cette idée de pratiquer le massage bien-être. Je me suis aperçue qu’il fallait être esthéticienne ou kiné. En pratique, on peut tout à fait réaliser les soins du corps et du visage. Et les exploitants d’institut de beauté que j’ai rencontrés pensent que c’est évident, que ça va de soi ». Véronique a intégré cette formation un peu par hasard, elle était alors en reprise d’activité professionnelle après s’être occupée de ses enfants durant une dizaine d’années, un arrêt prolongé de travail résultant d’un licenciement économique en 1998 : « J’aime m’occuper des autres, et prendre bien soin de moi. J’apprécie de me maquiller, de me faire les ongles, prendre soin de ma peau, de mon corps ». Elle ne compte pas en rester là et envisage d’ouvrir son propre institut de soins esthétiques. Beverly, la formatrice, explique : « Ces stagiaires m’ont appris une autre façon d’enseigner, en étant précise à la voix en plus du geste. Cela a un impact sur les autres groupes de stagiaires, qui devraient gagner en finesse d’exécution, et en mnémotechnique. Je ne connaissais pas d’aveugles, j’ai découvert leur autonomie, que l’on n’imagine pas avant de le vivre. »

Cette première promotion d’esthéticiennes aveugles passera bientôt l’examen final du C.A.P, juste avant la fête organisée par l’école pour ses 20 ans d’existence. L’occasion d’inviter des instituts, pour faire savoir et montrer l’intérêt, le plus, qu’apportent des personnes aveugles en matière de soins esthétiques. Un prélude au recrutement d’une seconde promotion ?

Laurent Lejard, avril 2009.


École espace beauté Thalgo internationale (site Web en Flash) 16 rue d’Alsace-Lorraine, 94100 Saint-Maur-des-Fossés. Tél. 01 48 89 71 71, fax : 01 42 83 84 47, mél : ecolethalgo@thalgo.com.

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