Parti à pied du Puy-en-Velay (Haute-Loire) le 3 juillet dernier, le sexagénaire aveugle Gérard Muller pense arriver à Saint-Jacques-de-Compostelle (Espagne) le 25 septembre prochain. Il effectue sa randonnée jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port (Pyrénées-Atlantiques) au moyen d’un guidage GPS expérimental qu’il teste en vraie grandeur. Il utilise également une canne blanche modifiée dont l’extrémité a été équipée d’un ressort qui empêche la boule articulée de se bloquer dans les accidents du terrain. Le GPS, lui, est associé à une boussole placée sur la hanche droite du marcheur. « Ajouter une boussole permet d’interroger le GPS lorsque l’on est immobile, explique Gérard Muller. Elle aide à être situé et indique la direction à emprunter. » Un système qui nécessite un repérage très fin des chemins de randonnée. Cette cartographie GPS fine a été réalisée par la Fédération Française de Randonnée. Les données sont introduites dans un logiciel dont la version finale reste à élaborer : dans le cadre de l’expérimentation, Gérard Muller a demandé au concepteur, le chercheur René Farcy soutenu par la Fondation Voir et Entendre, d’ajouter un commentaire sur ce que l’on trouve après un point de repérage. « Depuis, je marche aussi vite avec ce système que des randonneurs voyants, précise Gérard Muller. Et avec la sécurisation de la liaison Bluetooth, cela fonctionnera encore mieux ». En effet, le GPS et la boussole nécessitent ce procédé technique qui rend l’ensemble du système sensible aux autres appareils dont la fonction Bluetooth est activée.

Gérard Muller insiste également sur la nécessité d’être formé à la locomotion : « C’est la première chose à maîtriser pour sortir de chez soi. 5 % des aveugles sortent seuls de chez eux. » Mais de là parcourir des chemins de grande randonnée… « J’aime le défi, poursuit-il, je me sens bien dans l’aventure. Et ça m’a aidé à accepter mon handicap, une condition première pour sortir de chez moi. » Dans cette expérimentation, Gérard Muller est accompagné d’une instructrice en locomotion Véronique Ricard, qui travaille à Lyon et forme depuis une quinzaine d’années jeunes et adultes aveugles : « 80 % des informations nécessaires à un voyant pour se déplacer sont visuelles. Les aveugles doivent utiliser leurs autres sens comme moyen de compensation, dont l’audition. Cette compensation s’éduque, cela prend du temps : un aveugle n’entend pas mieux mais il utilise mieux son ouïe. »

Cet apprentissage s’accompagne de l’acquisition de techniques de traversée de chaussée, de représentations mentales de l’environnement, et c’est en milieu urbain que les cours de locomotion sont dispensés pour appréhender et maîtriser la circulation automobile, les carrefours, etc. « À la campagne, reprend Véronique Ricard, on n’a pas assez d’informations sensorielles. En ville, il y a plus d’informations à repérer et interpréter, et plus de services, alors que les campagnes sont désertées. Même si la ville devient plus complexe, c’est là qu’il faut savoir accompagner la personne aveugle. »

Gérard Muller estime qu’un GPS découlant de celui qu’il expérimente serait très utile à des personnes qui savent se repérer mais se retrouvent dans des lieux où il n’existe pas de trottoir pour se guider. En compagnie de Véronique Ricard, il poursuit sa randonnée vers Saint-Jean-Pied-de-Port où il arrivera le 14 août pour participer à de multiples manifestations locales. Il garde d’ailleurs un excellent souvenir de son étape à Conques, en Aveyron : « C’était une journée extraordinaire. Une grande sensibilité des autorités locales et du public. J’ai fait de nombreuses rencontres, avec des voyants et des malvoyants. Ce chemin, c’est aussi ça ! »


Propos recueillis par Laurent Lejard, août 2011.

Partagez !