Immo Réseau, réseau de marketing relationnel du Groupe Oryx Immobilier, a un étonnant directeur pour ses 160 conseillers immobiliers : un Provençal déficient visuel de 48 ans, qui a appris la vente sur les marchés après être devenu aveugle. « Je suis d’Aix-en-Provence, j’ai grandi à Venelles. » Sa famille s’est installée en 1971 dans ce village alors peuplé de 900 habitants, au nord d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). « A 13 ans et demi, je suis parti à l’école Don Bosco à Marseille, une première année très compliquée, j’étais interne. » Il a obtenu un CAP arts graphiques, sa famille exploitait une imprimerie. « J’y ai travaillé, je me suis mis à vendre de la publicité. Puis pour une cousine carrossière j’ai vendu des voitures. Ensuite je suis parti en Ardèche, et c’est là que j’ai appris que j’étais attient d’une rétinite pigmentaire. J’ai beaucoup aimé les Ardéchois, des gens sincères. » La maladie lui a fait perdre la vue en quelques mois, à 25 ans. C’est à l’âge de 16 ans que sa vision avait commencé à se dégrader, avec un champ restreint. Il a néanmoins obtenu le permis de conduire dès ses 18 ans, qu’il a toujours : curiosité française, un conducteur devenant aveugle n’est pas tenu de restituer son permis à l’administration préfectorale…

Il s’est alors orienté vers le sport. « Je ne connaissais pas le handisport, j’ai obtenu des résultats en cyclisme. Le député et maire socialiste d’Aubenas, Stéphane Alaize, m’a fait grandir, j’ai fait un mandat municipal. Il m’a aidé. Ma vie est faite de rencontres, j’avais des valeurs. » En tandem handisport, la carrière de Jean-Marie Florent a été marquée par quelques titres nationaux : vice-champion de France du kilomètre et de vitesse en 2001, vice-champion de France de l’Omnium et médaillé de bronze à la poursuite en 2003. « Après l’arrêt de la compétition cycliste, je suis resté un an chez moi à rien faire. Alors j’ai acheté un camion, un étal, j’ai travaillé à la retape. J’étais le seul aveugle à le faire, j’ai fait toutes les braderies du Nord. Forain, ça a été quelque chose de génial ! » Il oeuvrait alors avec un ami qui conduisait et mettait en place. « Je me suis auto-formé aux techniques de vente. Un vendeur qui ne vend pas se balade. La finalité, c’est vendre. Je me suis intégré, même si on doit par moment montrer les dents. Mais quand on respecte les gens, ils vous respectent. Je faisais les saisons en Ardèche, en vendant des lots à partir d’avril jusqu’à l’automne. Sur les marchés, j’étais dépendant, obligé de faire confiance. »

Mais Jean-Marie Florent a pris conscience qu’il faisait davantage gagner leur vie aux fournisseurs qu’à lui-même et ses collègues : « Le marché est une excellente école de vente, mais les forains ne savent pas acheter. Alors je suis devenu grossiste intermédiaire pour les forains en négociant les prix. Je ne déballais plus. Le problème pour un non-voyant, c’est qu’on doit réfléchir plus, s’adapter, travailler différemment. Pour trouver des gens sérieux qui veulent travailler dans des conditions rudes, ce n’est pas évident. Depuis que j’ai perdu la vue, c’est système D. »

Désormais, il capitalise son expérience en dirigeant un réseau assez spécifique. « En France, on en est aux balbutiements du marketing de réseau, mais c’est déjà la troisième industrie mondiale en termes de chiffre d’affaires. On fait tourner l’ascenseur socioprofessionnel à plein régime. On recrute par relation, la formation à faire de l’immobilier est assurée par le recruteur, puis le nouveau venu forme son équipe et recrute. » Tout cela dans la profession réglementée d’agent immobilier au statut de travailleur indépendant. Un statut qu’a connu Jean-Marie Florent pendant huit ans, gravissant tous les échelons jusqu’à devenir directeur national, salarié cette fois, du réseau de vente. « J’anime Immo Réseau et ses cinq régions, j’interviens à distance et en présentiel, ça me fait pas mal voyager. Les responsables régionaux animent leurs équipes, je fais de l’organisationnel. Je suis là pour la formation, l’accompagnement, le coaching. Mon arrivée dans l’immobilier a été compliquée, un aveugle c’est pas évident. J’ai vendu des terrains, des maisons, puis encadré une équipe, puis dirigé. Je continue à faire du terrain, je suis capable de faire complètement le métier. »

S’il s’est éloigné de la politique, dont il a vécu d’assez près quelques épisodes croustillants à Aix-en-Provence, ce qui lui importe c’est Immo Réseau et la vie de famille. « J’ai du temps pour ma vie personnelle, avec ma femme qui fait partie du réseau. On a trois enfants, de 3, 18 et 22 ans, je suis devenu grand-père !  » Mais la vente revient encore, pour lui et aussi pour ses collaborateurs : « L’immobilier c’est ma passion. Accompagner vers la réussite, ça prend énormément le temps. » Tout en préparant un défi sportif qu’il espère réaliser en septembre 2020 : rallier en jet-ski Saint-Tropez (Var) à Calvi (Haute-Corse), au moins 190 kilomètres à parcourir seul en mer. « J’ai cet esprit de compétition depuis longtemps. Ma vie, c’est un challenge. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, décembre 2019.

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