Le panneau figurant symboliquement un individu en fauteuil roulant, en blanc sur fond bleu, est désormais reconnu par tous comme porteur d’un message signifiant que l’environnement désigné est accessible aux personnes à mobilité réduite. Mais cet espace ainsi déterminé représente- t-il pour toutes les personnes handicapées vivant en fauteuil roulant le même espace de liberté ? Incontestablement le fauteuil roulant a rendu une plus grande indépendance à de nombreuses personnes. Est-il légitime pour autant de considérer avec le même regard les situations vécues si on pense que le fauteuil roulant peut être manuel ou électrique, utilisé depuis l’enfance ou à la suite de l’évolution d’une maladie ? Que la personne handicapée peut être plus ou moins dépendante, avoir des gestes parasites ou des difficultés d’élocution ?

Jeanne et Louis fréquentent la même bibliothèque, réputée pour être accessible aux personnes à mobilité réduite. La jeune femme est paraplégique, indépendante grâce à sa voiture. Pour elle, toute la documentation est à sa portée, l’emprunt des livres possible, dès lors qu’elle trouve une place pour se garer assez près du bâtiment et négocier le transfert sur son fauteuil roulant, sans risque. Louis est infirme moteur cérébral et habite à côté de la bibliothèque. Il s’y rend en fauteuil roulant électrique. S’il ne rencontre pas d’embarras pour pénétrer et circuler dans les locaux, l’usage de la bibliothèque est plus problématique. Consultation du catalogue informatisé par l’intermédiaire d’un clavier sans guide doigts ; repérage et choix d’un ouvrage qui peut être rangé au ras du sol ou tout en haut d’un rayonnage quand on a un rayon d’action très limité, etc.

Il n’existe pas d’espace accessible en soi. L’accessibilité est un processus dynamique qui ne s’arrête pas au respect de normes quantifiables en degrés ou en centimètres. Là où, théoriquement, passerait un fauteuil roulant, l’usage fait que la personne qui l’utilise est régulièrement bloquée par tel ou tel obstacle. Et les contraintes ne sont souvent surmontables qu’avec le secours d’un médiateur… Mais ceci est une autre histoire.

Pierre Brunelles, janvier 2001.

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