Stanislas Samba a vécu en France durant six ans, légalement, avec une succession de titres de séjour réguliers. Mais depuis le 1er mars dernier, il a rejoint l’innombrable cohorte dispersée des sans-papiers, alors que son état de santé nécessite des soins constants et coûteux. En pleine campagne pour l’élection présidentielle et alors que le candidat Nicolas Sarkozy déclarait récemment : « Je me suis toujours montré très attentif à ce que les personnes en situation de handicap nécessitant des soins, obtiennent un droit de séjour en France lorsqu’elles ne pouvaient pas bénéficier du traitement approprié dans leur pays d’origine » (lire cet article). Visiblement, le Préfet de Seine Saint-Denis n’a pas entendu ce credo.

Originaire du Congo Brazzaville, célibataire âgé de 39 ans, Stanislas Samba vit en France depuis septembre 2001. Lors de la guerre civile, il fut victime d’une mine et dut être amputé de la jambe droite, au-dessous du genou. Mal soigné au Congo, il est venu en France : « Je me suis adressé à l’ancien colonisateur… Dans mon pays, les hôpitaux, les infrastructures publiques sont détruits ». Il a été admis dans un hôpital français et a demandé l’asile politique. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) lui a accordé un premier titre de séjour d’un an, le temps d’examiner sa demande, qui fut refusée. Aidé par le Comité médical pour les exilés (Coméde), il a pu dans l’intervalle recevoir des soins, subir plusieurs interventions chirurgicales sans pour autant que sa blessure cicatrise : il est toujours suivi médicalement, prend quotidiennement plusieurs médicaments, doit soigner en permanence un moignon non stabilisé, qui reste douloureux et l’empêche de retrouver mobilité et confort de vie.

La commission de recours de l’Ofpra ne s’est pas prononcée sur son cas, parce qu’il était hospitalisé à la suite d’une opération. Il lui a fallu se battre avec la Préfecture et ses formalités. Finalement, un titre de séjour pour raisons médicales lui a été accordé en mai 2004, succédant à plusieurs récépissés d’une durée de trois mois. Tout allait bien jusqu’au 28 février dernier : la Préfecture de Seine Saint-Denis refusait alors le renouvellement de son titre de séjour, l’appel de Stanislas Samba étant rejeté dans la foulée. Sans l’avoir examiné, statuant uniquement sur dossier, le médecin agréé par la Préfecture considèrait que Stanislas pouvait bénéficier dans son pays d’origine des soins qui lui sont nécessaires.

Le médecin-chef du service de rééducation fonctionnelle du centre hospitalier universitaire de Brazzaville avait pourtant écrit que les services d’orthopédie et de traumatologie habilités à la prise en charge, à opérer et amputer les différents segments articulaires des patients selon les pathologies en présence, « ne disposent pas d’un centre d’appareillage orthopédique, pluridisciplinaire en soins médicaux antidouleur, spécialisé en moignon. Tous les patients amputés et disposant d’un moignon aux membres inférieurs et/ou supérieurs sont évacués dans des pays très avancés dans ce domaine, la France par exemple, selon les possibilités financières des parents de la victime ».

Le médecin précisait qu’il n’existait pas au Congo de spécialistes pouvant traiter des amputés avec moignon « car les spécialistes dans ce domaine sont inexistants, le matériel de travail est dérisoire, caduc et très ancien. De plus, le plateau technique n’a jamais été équipé depuis l’existence dudit centre hospitalier et universitaire ».

On se demande bien où le médecin agréé par la préfecture de Seine-Saint-Denis a pu trouver la structure médicale qui assurerait au Congo les soins nécessaires à Stanislas Samba… Après celle concernant Joseph Kemgang, cette nouvelle affaire de refus d’accorder un titre de séjour à une personne handicapée motrice met en évidence le double langage des autorités françaises : un discours humanitaire et une pratique d’exclusion. Auxquels on peut ajouter un gâchis humain : depuis son entrée en France, Stanislas Samba a été reconnu invalide à… 79% (un point qui fait toute la différence) avec le bénéfice de l’allocation adulte handicapé pour incapacité à se procurer un emploi. Parce qu’il ne voulait pas se contenter de vivre de cette allocation, Stanislas Samba est entré dans un parcours d’orientation et de reclassement professionnel, a été reconnu travailleur handicapé et a effectué un stage en centre de Préorientation qui devait le conduire, dans les prochaines semaines, à entreprendre une remise à niveau. Peine perdue.

Stanislas Samba n’envisage pas de retourner au Congo, pays dans lequel il affirme ne plus avoir beaucoup d’attaches. Il y a été élevé par un oncle, son père étant parti alors qu’il avait trois ans. Sa pudeur l’empêche de préciser comment il a fui, adolescent, la pauvreté et la misère. Il a réussi à se qualifier, travaillant comme agent administratif dans une entreprise de bois jusqu’à ce qu’il devienne l’une des innombrables victimes d’une guerre qui connaît encore de multiples soubresauts.

Le parcours d’insertion de Stanislas Samba est désormais bloqué par la perte de son titre de séjour. Sans papiers, sans ressources, sans solution… mais, heureusement, pas seul : il doit son salut au soutien des militants de l’Association des Paralysés de France (A.P.F) de Seine Saint-Denis, au sein de laquelle il conduit des activités bénévoles depuis plusieurs années. Ces militants courageux le logent, le soutiennent, ont saisi la direction nationale de l’A.P.F, qui est intervenue auprès des ministres de l’Intérieur, de la Santé et des Solidarités, et du Président de la République, sans réponse pour l’instant. « Le pays d’accueil m’a donné l’espérance de vie, affirme Stanislas Samba, c’est comme si on m’avait poignardé dans le dos ». Mais il lui reste un espoir, la solidarité des personnes handicapées pour une personne handicapée…

Laurent Lejard, mars 2007.

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