Armand Bénichou est un militant engagé dans les milieux associatifs, notamment au sein de Handicap Amitié Culture dont il est vice-président. Avec son équipe, il a réussi a imposer à Marseille, dont la municipalité est peu encline à favoriser l’intégration sociale des personnes handicapées, un programme de 14 logements sociaux adaptés, avec aides humaines. Il raconte cette action : « J’ai participé aux réunions des pôles territoriaux organisées par le Conseil Général des Bouches du Rhône et à l’élaboration du schéma directeur réalisé en 1999. Le Conseil Général voulait faire émerger des idées et des projets nouveaux. J’avais constaté que de nombreux jeunes handicapés restaient dans leur famille, faute d’établissement ou d’adaptation de la vie à domicile. Et j’ai suivi l’exemple d’Yvette Boyer qui est sorti d’établissement et a démontré sa capacité de vivre en toute indépendance. Avec Handicap Amitié Culture et l’association Choisir sa vie, créée par Yvette, on a vu qu’il y avait une réponse à apporter en termes de vie à domicile avec un apport en aide humaine. Dans le contexte du début des années 2000, on a constaté que c’était difficile, on ne pouvait disposer que de très peu d’heures à domicile avec la seule Allocation Compensatrice Tierce Personne. Et nous voulions éviter de créer ‘l’immeuble des handicapés’. On a alors regroupé des personnalités fortes, et le Conseil Général nous a proposé de formaliser un projet. De là date la création d’Handitoit Provence, et la formule d’appartements regroupés ».

« Le colloque que nous avions organisé en 2004 nous a fait remonter pas mal de problèmes, on a pu traiter une quarantaine de situations. Là, on a eu un aperçu des besoins réels des adultes lourdement handicapés. Pour notre premier programme, on voulait au départ lancer notre projet dans des logements existants, mais du fait des difficultés d’accessibilité et de la lourdeur des aménagements nécessaires, on s’est orienté vers le neuf. Pour obtenir des logements, il a fallu aller voir différents organismes, défendre les projets, et on en a trouvé qui étaient favorables, parce que l’association prenait en charge les adaptations, deux sociétés immobilières qui construisaient une centaine de logements dans le quartier de la Belle de Mai, Arcade et Erilia. On a repensé un premier lot de sept appartements avec la collaboration de Gérard Dessein, architecte tétraplégique qui travaille au Service Départemental des Personnes Handicapées. Il a redessiné les salles de bains, traité les seuils des balcons et des terrasses, placé le réseau électrique à portée de main, proposé l’installation de portes automatiques pour entrer dans les immeubles. Cela rend d’ailleurs service à tout le monde, les habitants obtenant l’ouverture en tapant un code sur un clavier, les personnes handicapées disposant d’une télécommande ».

« Pour les personnes lourdement handicapées, qui utilisent du matériel adapté qui prend pas mal de place, on a opté pour des T3 de 56 à 58 m², dont une chambre est affectée au rangement des matériels spécialisés. On a utilisé les surfaces construites, sans les modifier, parce que les salles de bains se prêtaient à l’aménagement nécessaire après y avoir intégré le W.C en supprimant la cloison de séparation, pour gagner du rayon de giration. Il nous fallait être sûr que ces appartements iraient bien à des personnes handicapées et on a défendu le deal Handitoit afin d’obtenir que l’association soit locataire. On choisit les occupants qui sont sous-locataires et perçoivent une aide au logement à taux plein, soit environ 250 € sur 500 € de loyer. Cela permet d’éviter les règles rigides d’accès au logement social ».

« Un Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés (SAMSAH) assure le service à domicile : accompagnement, soins de nursing, aide à la vie sociale. Le projet a été validé en 2006. La coordination est assurée par un infirmier. Le service assure le lever, les toilettes, les courses, les repas, les formalités, etc. La nuit, il y a une permanence, de même que les jours fériés. Le financement est assuré par le Conseil Général en ce qui concerne l’aide à la vie sociale, la DDASS pour les soins, et les usagers à hauteur de 30% de leur Allocation Compensatrice Tierce Personne. En ce qui concerne la Prestation de Compensation du Handicap, on ne sait pas encore; nous avons des interrogations quant à l’opportunité d’opter pour cette prestation, parce que nous n’oublions pas que l’Allocation Adulte Handicapé est insuffisante pour couvrir les aides humaines nécessaires à l’extérieur ».

« Chacun était concerné : ce qui m’a amené là, c’est que lors de mon accident, en 1987, j’étais dans un établissement de rééducation en compagnie d’un jeune homme qui voulait sortir de la Maison d’Accueil Spécialisé qui l’hébergeait, pour en finir avec le rythme imposé du lever à une heure précise, des repas, du coucher à heures fixes, etc. J’ai voulu porter sa voix et je me suis retrouvé à la présidence d’Handitoit. Pour les autres membres de l’équipe, c’était un challenge. Je suis marié, j’ai ma maison, ça se passe bien, mais on ne peut pas laisser des gens qui vivent seuls, sans rien. Mon engagement est lié à ces circonstances, en devenant tétraplégique C4-C5 à 32 ans. Mais vivre avec un handicap apporte aussi des opportunités. Je me suis battu pour les autres, mais aussi pour moi ».

Propos recueillis par Laurent Lejard, juin 2007.


Armand Bénichou a reçu, le 11 avril dernier, le témoignage de la reconnaissance de la Nation en étant décoré de la Légion d’honneur. Handitoit Provence, 4 avenue du Commandant Guilbaud 13009 Marseille. Tél. 04 91 26 56 27, fax : 04 91 26 57 09.

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