Après avoir vu les tracteurs, les vaches et leur lait, les Strasbourgeois ont découvert, stupéfaits, de longues files de fauteuils, pour la plupart électriques, convergeant vers le Youth Centre et le Parlement Européen, tandis que le tramway en déversait d’autres régulièrement. Procession colorée, joyeuse, déterminée, présente là pour 4 jours, véritable tour de Babel roulante puisque 21 pays y étaient représentés. En dehors de 30 secondes sur France 3 Alsace et Arte info, personne n’en a parlé… et pourtant nous étions 400, venus en car, en train, en voiture à l’appel d’Independent Living (I.L, ou plus exactement ENIL pour le réseau européen). I.L (« Vie Autonome ») est le contraire d’une association traditionnelle, et se situe à l’opposé d’une association gestionnaire. Pas de pignon sur rue. Independent Living est un mouvement de personnes lourdement handicapées (ne surtout pas dire dépendantes ou en grande dépendance !) réunies dans un réseau international sur le Net.

ENIL demande entre autres :
– Que l’Union Européenne signe et ratifie la Convention des Nations Unies sur les Droits des Personnes Handicapées ainsi que son protocole additionnel (à lire absolument !) et qu’elle fasse pression sur les institutions et les représentations nationales afin qu’elles transposent les articles de la Convention dans les législations nationales.
– Que l’U.E soutienne davantage le développement des services de proximité pour poursuivre le processus de désinstitutionalisation à travers l’Europe.
– Que la mise en oeuvre de l’assistance personnelle soit considérée comme un droit fondamental pour garantir une véritable Vie Autonome.
– Que, comme tout à chacun, nous puissions jouir de la liberté de mouvement et de circulation, tout en étant assurés de bénéficier de services d’aide à la personne.

Les termes comme aide à domicile ou, pire, maintien (sic) à domicile sont bannis et remplacés par aide à la personne, bien plus dynamique puisqu’elle est liée à une personne, indépendamment du lieu où elle se trouve. En français, le terme d’assistance ou d’assistant ne plaît guère car il évoque l’assistanat. Pourtant, les députés ont toujours près d’eux un(e) assistant(e) parlementaire qui leur prépare leurs dossiers, et les chefs d’entreprise délèguent ce type de travail à un(e) assistant(e). I.L a adopté le terme d’assistant(e) personnel(le) pour bien montrer que l’accompagnant ne travaille pas chez plusieurs personnes. La personne handicapée choisit, comme en Suède par exemple, celle qui va l’aider, quand et comment. N’oublions pas que c’est sous l’impulsion et la lutte de I.L en Suède que la remarquable loi L.S.S y a été votée et que l’assistance est la première condition pour beaucoup d’entre nous de pouvoir vivre, étudier, travailler, sortir et faire la fête, voyager…

A Strasbourg, le 14 septembre donc, ENIL fêtait ses 20 ans et les échanges furent passionnants. Une grande bouffée d’air vivifiant, de solidarité, de force tranquille, de lutte pour une vie pleinement intégrée dans la société, hors des institutions. Découverte de participants venus de Slovénie, d’Irlande, d’Espagne, d’Allemagne, de Lituanie et d’ailleurs, confrontation de nos difficultés, de nos luttes, de nos espoirs, certains que seules des directives européennes peuvent obliger nos pays à adopter une politique commune nous concernant. D’où l’exigence de ENIL : Rien pour nous, sans nous !

Le 15 septembre fut consacré aux rencontres entre les délégations et leurs parlementaires au Parlement. La (bien petite) délégation française n’a rencontré qu’une élue, membre du groupe des Verts; les autres n’avaient même pas daigné répondre au courrier… Le 16 septembre eut lieu la Freedom Drive (marche de la Liberté) du centre de Strasbourg au Parlement Européen, joyeuse, haute en couleurs, hérissée de pancartes. Un jeune IMC avait fixé sur son fauteuil : « Né pour la liberté »… L’après-midi, les participants étaient accueillis dans une grande salle de conférence où, après avoir pu prendre librement la parole, Jerzy Buzek, président du Parlement Européen, impressionné par cette rencontre, nous a assuré de son soutien. Le 17 septembre, après une évaluation de nos travaux, nous nous sommes quittés décidés à revenir bien plus nombreux pour la Freedom Drive 2010 !


Gisèle Caumont, Independent Living Suède, octobre 2009.

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