C’est d’abord par la chronique juridique qu’Oscar Pistorius est devenu mondialement célèbre. Ce jeune sud-africain blanc, issu d’une famille aisée de Johannesburg, est né en 1986 avec des jambes et pieds mal formés, qui ont été amputés dès la petite enfance. Il a donc appris à marcher avec des prothèses, et a déployé avec elles une capacité de déplacement et de performances qui l’ont conduit à devenir un sprinter de classe internationale, grâce à l’usage de jambes en fibre de carbone utilisées par de nombreux handiathlètes. Rien d’exceptionnel, si ce n’est que les chronomètres d’Oscar Pistorius étaient souvent meilleurs que ceux des coureurs valides, et qu’il a voulu se confronter à eux dans les compétitions internationales. Tout s’est alors compliqué, certains adversaires invoquant un avantage procuré par les performances élastiques de prothèses qui amplifieraient la foulée, mais handicapent également le coureur dans les départs et les virages. Déféré devant les instances sportives internationales, le cas Pistorius est devenu une affaire médiatisée qui a finalement abouti, en mai 2008, à la décision de lui permettre de participer aux Jeux Olympiques de Pékin. La décision finale a été rendue par la piste d’athlétisme, celle de la course de qualification dans laquelle Oscar Pistorius a échoué pour 70 centièmes de seconde…

Cette aventure sportive est racontée dans une autobiographie qui vient d’être éditée en France par l’Archipel, Courir après un rêve, qu’Oscar Pistorius est récemment venu présenter à la Fédération Française Handisport. « Sa préparation aux Jeux de Pékin par Oscar Pistorius a été un moment important pour le handisport, commente Gérard Masson, président de la FFH. Parce qu’enfin, des mois avant l’événement, grâce à Oscar Pistorius et son questionnement des instances internationales, les médias du monde parlaient des Jeux Paralympiques »

« Si je tiens à me confronter aux sportifs valides, explique Oscar Pistorius, c’est parce que dans mon pays, l’Afrique du Sud, j’ai pratiqué des sports dès le plus jeune âge. Dans l’éducation que j’ai reçue, il n’y avait pas de distinction entre valides et handicapés, j’ai dû jouer, me battre pour apprendre et pratiquer des sports au milieu de tous les enfants ».

Oscar Pistorius a d’abord joué au rugby, jusqu’à ce qu’un accident l’amène à courir pour se rééduquer. Cette découverte de l’athlétisme a mis en évidence un fort potentiel : confronté à tous les coureurs, Oscar Pistorius obtenait des chronos à égalité avec des jeunes valides, participant à des compétitions d’abord locales, puis provinciales, nationales, sans disposer à l’époque de prothèses à hautes performances. Jusqu’à sa première participation, en 2007, à une compétition internationale, le Golden Gala de Rome, dans lequel il arrive second dans le 400 mètres, point de départ d’une polémique à rebondissements : les lames de carbone qui lui servent de jambes constituent-elles un avantage ?

« Lorsque la Fédération Internationale d’Athlétisme a déclaré que mes prothèses constituaient un avantage déloyal, répond Oscar Pistorius, il a fallu procéder à des tests longs et laborieux pour contester ce jugement et démontrer qu’elles ne m’avantageaient pas ». Si les prothèses sont plus légères que des jambes en chair et en os, et l’accélération plus performante, la phase de ralentissement de la foulée est accentuée, l’inertie gênante pour s’élancer au départ, et les virages délicats à négocier. Au terme du bilan d’évaluation, les prothèses en carbone ont présenté un bilan contrasté, montrant des aspects positifs et négatifs équilibrés n’avantageant pas son utilisateur. Un résultat validé par le Tribunal Arbitral du Sport, que les médias ont peu relayé, déplore Oscar Pistorius.

Oscar Pistorius combat également les stéréotypes sur d’autres terrains. Investi dans des programmes d’aide aux personnes handicapées, il a participé à une compétition originale au Mozambique, dans lequel les innombrables mines anti-personnel fournies par l’Afrique du Sud à la guérilla contre le gouvernement issu de la décolonisation portugaise ont entrainé des milliers d’amputations de jambes : « Les prothèses sont taboues, les gens les couvrent, ils ont honte, explique-t-il. Pour changer cette image, j’ai lancé un défi aux meilleurs sportifs du pays, et on a couru ensemble dans une rue. J’ai gagné, et dès ce moment, avoir une prothèse est devenu un marque de prestige et de fierté ».

Athlète leader du handisport international, Oscar Pistorius a remporté les courses de 100, 200 et 400 mètres des Jeux Paralympiques de Pékin 2008, et détient le record du monde sur ces trois distances. Mais ce sont désormais les Jeux Olympiques de Londres 2012 qu’il vise, en se préparant comme un professionnel, grâce à quelques sponsors. Un nouveau défi pour un homme qui, à 24 ans, a encore un bel avenir devant lui.

Laurent Lejard, juin 2010.

Courir après un rêve, l’Archipel, 17,95€, en librairies.

PS : Cet article a évidemment été rédigé avant la dramatique tournure qu’a prise la vie d’Oscar Pistorius, condamné en 2016 pour le meurtre de sa compagne et condamné à 13 ans d’emprisonnement.

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