Paul Samanos avait 16 ans lorsque, pendant un match de rugby, il est sorti tétraplégique d’une mêlée : « Depuis, la sécurité de ce sport s’est un peu améliorée, parce que le jeu a été modifié, notamment pour les actions de mêlée. Beaucoup de mes amis sont passionnés de rugby, j’y vais avec eux de temps en temps, mais à certains moments, ça reste difficile ». Il vivait alors dans un bourg de campagne, qu’il dut quitter pour se rendre à Rennes puis à Bordeaux pour suivre des études supérieures. « Le handicap m’a obligé à devenir itinérant. Je n’avais plus de projets, puis en voyant d’autres personnes handicapées, et poussé par ma famille, j’ai repris le dessus. J’ai choisi le journalisme, un peu par défaut, parce que je pouvais écrire chez moi, avec peu de présence de bureau. »

Une pratique qui lui permet de concilier une activité professionnelle avec sa fatigabilité, et un état de santé variable résultant de la lourdeur de sa tétraplégie. « D’ailleurs, je ne me dis pas journaliste. Je suis rédacteur pour le journal des Pays de Loire, et des bulletins municipaux. Je travaille beaucoup par téléphone, avec de temps en temps quelques entretiens en face à face, j’aime bien aller à la rencontre des gens. »

Ce goût des relations humaines, Paul Samanos le traduit à sa manière dans son second métier, dessinateur humoristique. « Le dessin est la concomitance de deux choses : je l’ai pratiqué au lycée, et les idées me viennent facilement. Après mon accident, on m’a offert un Macintosh, et la souris m’a permis de dessiner simplement, d’amuser les autres ». Depuis, il est resté fidèle aux ordinateurs de la marque à la pomme, dont il conserve trois appareils. Techniquement, il commence par une esquisse au crayon, qu’il passe au scanner puis travaille sur ordinateur à la souris, sa mobilité ne lui permettant pas d’utiliser une tablette graphique : « Vieux fauteuils, vieux outils, vieux Mac ! Il me faut de un jour et demi à cinq jours pour réaliser un dessin, selon sa difficulté, sans compter la mise en couleur. » S’il conserve ses ordinateurs obsolètes, Paul Samanos envisage de changer de fauteuil roulant, mais il devra probablement réviser ses prétentions : « Je viens de recevoir un devis pour un fauteuil roulant à 29.560€, c’est un peu un Porsche Cayenne. Avec du carbone partout. J’ai pensé que c’était ça la taxe carbone ! »

Paul Samanos apprécie l’accessibilité de nombreuses activités à Nantes, où il réside, tout en déplorant que deux d’entre elles lui soient interdites: les concerts de jazz (une musique qu’il apprécie particulièrement mais souvent jouée dans des caves desservies par un unique escalier) et le cinéma classé d’art et d’essai Katorza dont la programmation l’intéresse. Comme tous les utilisateurs de fauteuils roulants, il a été confronté à maintes reprises à des situations d’inaccessibilité, dans des circonstances parfois incongrues qu’il relate dans ses dessins. « La dernière fois, c’était quand j’étais reçu à Paris pour recevoir le prix Handi-Livres de la mutuelle Intégrance : la cérémonie se déroulait dans un hôtel particulier inaccessible. Mon fauteuil est passé dans le passe-plat de la cuisine, les marchepieds portés par un accompagnateur, et mon pantalon déchiré dans l’opération. L’inspiration n’est pas à aller chercher bien loin ! »

Autre centre d’intérêt du dessinateur, les femmes : « Je trouve que c’était intéressant d’associer la vie affective, la sexualité, les choses auxquelles on ne pense pas. C’est important. Et je me réjouis qu’il y ait des gens qui en parlent, posent le problème. Pour sortir des choses qui ne font pas peur, évoquer ce qui touche intimement. »

Tout cela, il l’a mis en dessin dans le recueil « Fauteuils en état de siège » que La Boîte à Bulles a édité au printemps 2009, et qui vient d’être réimprimé, le premier tirage de 2.500 exemplaires étant épuisé. Depuis la parution du livre, Paul Samanos a dû réduire son activité de dessinateur : « La promotion du livre a consommé beaucoup de temps et d’énergie. Il n’y a pas encore de volume 2 prévu, mais… »

Laurent Lejard, février 2011.


Retrouvez Paul Samanos lors du colloque Libertés et handicaps organisé par Grandir d’un monde à l’autre, le 26 mars 2011 à Saint Herblain (Loire-Atlantique).

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