Rendre la recherche et les expérimentations utiles aux personnes handicapées, tel est le credo du Centre de Ressources et d’Innovation Mobilité Handicap (CEREMH) basé dans les Yvelines, et de son directeur Claude Dumas : « Très souvent, des expérimentations dans le handicap ne conduisent à rien », expliquait-il le 21 novembre dernier en recevant la secrétaire d’État à la cohésion sociale, Marie-Anne Montchamp. Ergothérapeute de formation, Claude Dumas s’est spécialisé dans les nouvelles technologies de l’information et la communication, animant pendant plusieurs années la Plate-Forme Nouvelles Technologies de l’hôpital Raymond Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine). Il a pris les commandes du CEREMH dès sa création, début 2008, bénéficiant d’un partenariat avec l’Université de Versailles, cofondatrice, qui l’accueille à Vélizy, dans les locaux de l’Institut Universitaire de Technologie. Avec la collaboration d’un maitre de conférence et d’un ingénieur de recherche de l’Université sont menés des travaux diversifiés de recherche et d’expérimentation de matériels et techniques concernant la mobilité des personnes handicapées. Si le CEREMH, labellisé Centre d’expertise nationale par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (C.N.S.A), traite l’ensemble des déficiences et de leurs conséquences sur la mobilité, c’est essentiellement l’aspect handicap moteur qui est traditionnellement mis en avant, parce qu’il est le plus visible et se traduit par des équipements que l’on peut voir et toucher. Néanmoins, la part du travail sur l’apprentissage et les déficiences cognitives est importante.

Le CEREMH propose à des personnes paralysées une évaluation et formation à la conduite automobile sur deux véhicules dans lesquels la presque totalité des matériels spécifiques existant sur le marché sont installés. Cette auto-école spécialisée possède un Kia Paravan à commandes manuelles, mini-volant et joystick pour tétraplégique, dans laquelle un apprenti-conducteur peut s’installer sans quitter son fauteuil électrique. Une technologie dont Marie-Anne Montchamp a pu apprécier l’efficacité lors de sa visite, en conduisant au joystick (le siège du véhicule avait été réinstallé). Une autre voiture est équipée en matériel destiné à évaluer les capacités cognitives de l’élève. « Les gens sont mal informés, mal conseillés, mal accompagnés, relève Claude Dumas. Le circuit de l’apprenti conducteur handicapé est découplé entre le réseau de santé et le ministère de l’Intérieur, trop administratif et rigide, il faut savoir convaincre. Il faudrait harmoniser les pratiques en matière d’évaluation et d’examen de conduite. L’auto-école n’est pas notre activité principale. Elle est un point d’observation des aptitudes à la conduite et de leur évolution dans le temps. »

Elle permet d’évaluer les capacités à la conduite, et de valider le type d’équipement nécessaire, ce qui fait gagner à la fois en temps et en argent. Cette activité a représenté 176 heures de conduite, pour 4 permis validés à des personnes qui n’auraient pu s’adresser à d’autres auto-écoles. Les Centres de Rééducation Fonctionnelle de Kerpape, Berck, Mulhouse, Cerbère et La Tour de Gassies (Bordeaux) proposent également cet apprentissage de la conduite pour personnes tétraplégiques, le volant étant remplacé par un mini-manche ou un joystick assurant direction, accélération et freinage.

De son passé à Garches, Claude Dumas n’a pas fait table rase : le CEREMH collabore avec cet hôpital spécialisé dans la « réparation » des victimes d’accident de la circulation, qui a développé une expertise dans le domaine des technologies de réhabilitation fonctionnelle. Mais Claude Dumas déplore vivement que les industriels ignorent ce travail : « Les constructeurs ne veulent pas mêler leur nom au handicap ! » De même, il constate qu’en l’absence de politique nationale d’aide à l’acquisition et à l’adaptation de véhicule, la somme laissée à la charge des personnes handicapées reste élevée : « On aimerait sur ce sujet lancer une étude économique » précise Claude Dumas.

Actuellement, une personne handicapée ne bénéficie d’aucun rabais ou exonération de TVA lors de l’acquisition d’une voiture, la Prestation de Compensation du Handicap est limitée à 5.000€ pour l’aménager, le financement par l’Agefiph pour les travailleurs handicapés est plafonné à 10.000€, des montants encore insuffisants lorsque des adaptations multiples et très coûteuses sont nécessaires.

Côté recherche, si la tentative d’adapter un Segway n’a quasiment aucun avenir alors qu’un engin adapté (le Genny) est désormais commercialisé depuis l’Italie, d’autres programmes sont à suivre avec intérêt. Par exemple, la plate-forme SIG-WEB destinée à améliorer l’élaboration d’un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (PAVE) : elle apporte une aide à la conception des aménagements nécessaires, puis à la gestion des travaux, avec une implémentation utilisant Google Maps. Elle pourra servir de calculateur d’itinéraires en fonction des aptitudes de l’usager, à partir de données entrées dans une base ad hoc. Cet outil permanent d’information et actualisation pourrait être finalisé d’ici la fin 2012. Autre solution intéressante, Accessim utilise la réalité virtuelle pour aider à concevoir un environnement accessible; actuellement, le système utilise une reconstitution du centre de Reims que l’on peut parcourir depuis un fauteuil électrique dans lequel on prend place. La simplification technique de la reconstitution virtuelle d’un environnement existant offre des perspectives réalistes de développement, les coûts deviennent acceptables pour les collectivités locales auxquelles ce système est essentiellement destiné.

Le CEREMH travaille également pour des opérateurs en transport public : il participe à l’expérimentation d’un comble-lacunes pour un Bus à Haut-Niveau de Service (BHNS) à Rouen, et travaille sur un référentiel d’accessibilité pour la Société des transports intercommunaux de Bruxelles (STIB). « Il y a une prise de conscience dans le transport public que l’accessibilité apporte du confort pour tous, conclut Claude Dumas. Mais pas encore dans l’automobile, ça pourrait évoluer avec l’automatisation des voitures. »

Laurent Lejard, décembre 2011.

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