Par sa seule présence, Christophe Ghenassia, 47 ans, brise l’idée reçue selon laquelle les monuments historiques ne sont pas aménageables en terme d’accessibilité. D’abord parce qu’il est propriétaire d’un de ces monuments, le Moulin de la Bellassière dans l’Eure-et-Loir, dont il poursuit inlassablement la restauration dans l’esprit d’accueillir tous les publics. Ensuite parce qu’il vit avec un handicap moteur qui l’oblige depuis quelques années à se déplacer en fauteuil roulant, et qu’il s’est formé à l’art-thérapie pour étendre la notion d’accessibilité pour tous. Enfin parce qu’il est porte-parole de la Fondation pour les Monuments Historiques (ex-Fondation Demeure Historique), l’une des deux avec la Fondation du Patrimoine à soutenir les projets de restauration de monuments historiques appartenant à des propriétaires privés.

En tant qu’avocat, Christophe Ghenassia a travaillé quatorze années en entreprise, puis sept en cabinet. Il traite notamment du droit de l’accessibilité, une matière en évolution et en devenir : travaux mal réalisés, tableaux électriques défectueux, des cas d’espèce pragmatiques en attendant l’échéance de 2015. Tout en portant un regard lucide sur le retard pris dans la mise en oeuvre de la loi de février 2005 qui rend l’accessibilité obligatoire dans les dix ans : « Je verrai les problématiques qui se poseront en 2015 mais je pense qu’il y aura des reports et des aménagements de la législation. » Ses études, il les a suivies à Lyon, diplômé en Droit, Sciences Politiques, et Ecole supérieure de commerce. Et il poursuit à Paris un Mastère 2 en arts-thérapies, ce qui le conduit à travailler pour le Moulin de la Bellassière sur le handicap mental et psychique, afin de rendre le lieu accessible vraiment pour tous.

Ce moulin, Christophe Ghenassia l’a acheté en bien piètre état, il y a quatorze ans, pour quitter Paris : fenêtres cassées, murs à refaire, décor à restaurer, plus d’une dizaine d’années de travaux. « C’est mon jardin secret : durant la journée, je travaillais à Paris, et le soir je faisais du travail reposant en tenant une truelle !  » Il se déplace en fauteuil roulant depuis cinq ans, du fait d’un accident de la vie : « J’ai vécu le fauteuil roulant comme une faiblesse, j’en ai depuis fait une force, en faisant en sorte que les gens portent sur moi le même regard. On est visible, on apporte une dimension supplémentaire. Même s’il y a une prise de conscience du vieillissement et des besoins. On se pose la question de ce qu’on ne peut pas faire chez soi. Mais le problème, c’est le coût des adaptations, très chères, avec des produits peu développés, sur-mesure. Il manque également une bonne information sur les adaptations et les réalisations. » Ce qui ne l’a pas empêché de poursuivre le chantier de restauration, qui est toujours en cours.

Depuis neuf ans, il crée des événements au Moulin de la Bellassière, réalise un « Jardin des six sens » pour sentir, goûter, présenter des techniques avancées au service de l’homme et de l’accessibilité. Pour réaliser ses projets, il s’appuie sur une association qui compte une quarantaine de membres, le Centre d’Observation et de Réflexion pour le Développement Durable (CORDD). Le bâtiment est présenté aux personnes handicapées motrices en audio et vidéo, l’installation d’un ascenseur est envisagée en fonction de l’évolution des moyens financiers dont Christophe Ghenassia disposera. Actuellement, l’accessibilité se concentre sur les personnes handicapées mentales ou psychiques, avec l’objectif de montrer qu’il y a peu de différences, et trouver un point d’accroche : « Ce qu’on fait pour les personnes handicapées, on le fait pour tous. »

Une action qu’il conduit également au sein de la Fondation pour les Monuments Historiques, qui apporte une aide aux projets concernant les jardins et les monuments : « On ne cherche pas à aider les monuments importants, qui ont des moyens, mais plutôt les petits. C’est un peu la même chose que je faisais avec des amis sur d’autres sites, ne pouvant y accéder. On s’est dit : qu’est-ce qu’on peut faire ? On est des personnes privées, qui faisons vivre le patrimoine. La Fondation sauvegarde et transmet, avec une meilleure accessibilité. Elle a été créée en 2008, en intégrant la problématique de l’accessibilité dès sa création, c’est venu naturellement, et bien vu de nos adhérents. Actuellement, 50.000€ sont attribués chaque année lors d’appel à projets en faveur de la mise en accessibilité. Par exemple pour le musée du Saut du Tarn (Tarn), qui présente la révolution industrielle avec audiodescription et accessibilité aux déficients sensoriels dans l’espace muséographique. Ou à l’Hôtel de la Dentelle, à Brioude (Haute-Loire), un nouveau musée mis en accessibilité. Ou encore au château de Couches (Saône-et-Loire), accessible tous handicaps. » Cette aide vient compléter le financement assuré par les Directions Régionales des Affaires Culturelles, les Conseils Généraux, les entreprises et les partenaires privés. Pour que les monuments historiques soit ouvert à tous, un chemin sur lequel Christophe Ghenassia a encore des combats à mener.

Laurent Lejard, janvier 2013.

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