Au terme d’études de droit suivies à Paris, Alexis Ridray a atteint son but : devenir avocat. Un choix audacieux pour un jeune homme myopathe entièrement dépendant, qui a raconté ses débuts estudiantins dans un récit paru fin 2004, puis sa 2e année dans une chronique que nous avions publiée en août 2005. Avocat : une profession qu’il exerce depuis 2009, d’abord salarié d’un cabinet puis en libéral depuis l’automne 2011 dans son propre cabinet du 6e arrondissement. « Avocat, cela me plait beaucoup, ça se passe très bien, explique-t-il. Quand j’étais salarié, je faisais du droit des contrats. Maintenant, je traite des affaires en droit du travail et droit civil, je m’intéresse au droit du handicap. Plaider est parfois un peu compliqué, lorsque je suis fatigué un collègue me remplace. » De fait, si la plaidoirie constitue la « vitrine » de l’avocat, c’est le dossier qu’Alexis Ridray constitue et présente aux juges qui assoient le discours, parfois porté par un confrère. Alexis Ridray doit également affronter l'(in)accessibilité variable du Palais de Justice de Paris, en demandant bien à l’avance un changement de salle quand celle qui est prévue s’avère inaccessible. Malgré ces obstacles, il s’est constitué une clientèle qui lui permet de vivre de son métier, sans que son handicap rebute les personnes qui le consultent.
Ses talents d’avocat, Alexis Ridray a bien failli les employer à l’encontre de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de Paris : à la faveur du renouvellement de sa Prestation de Compensation du Handicap, les heures d’aide humaine effectuées pendant son temps de travail étaient supprimées au terme de l’évaluation de ses besoins ! « La Commission des Droits et de l’Autonomie de la MDPH a revu sa position le 15 juillet, précise Alexis Ridray. J’ai reçu un mél du médecin de la MDPH suite à une intervention de son directeur. On m’a présenté ce revirement en m’expliquant que l’évaluatrice était partie dans une mauvaise direction. Pour ma part, je pense que c’est une réponse à la médiatisation de cette affaire. » En effet, après avoir pris connaissance de la première proposition, Alexis Ridray avait tenté une démarche amiable auprès de la présidente de la MDPH, sans résultat, puis publié un communiqué à la presse : « L’Administration parisienne propose de me mettre en danger ! Le financement de mes aides humaines sera supprimé sauf à ce que j’arrête de travailler », clamait-il alors.
De son côté, la présidente de la MDPH de Paris, Véronique Dubarry (également adjointe au Maire chargée des personnes handicapées), a une autre appréciation de l’affaire : « Alexis est tout de suite monté sur ses grands chevaux, il s’est affolé pour rien et il le savait. La procédure prévoit, et je suis attachée à son respect, une évaluation à domicile, une proposition formulée au demandeur, présentée et discutée en Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées. Alexis a fait part de son désaccord, le directeur de la MDPH a dit que la proposition était mal adaptée et elle a été revue pour couvrir tous ses besoins. » Selon les informations qu’elle a recueillies, Véronique Dubarry estime qu’il y a eu une « mauvaise utilisation des mots » laissant penser à l’évaluatrice que les aides humaines du jeune homme Alexis Ridray assuraient également le secrétariat de l’avocat Alexis Ridray. « Oui, il y a des erreurs d’évaluation, conclut Véronique Dubarry. Et des sous-évaluations, comme des surévaluations. C’est pour cela qu’il ne faut pas brûler les étapes dans l’instruction des dossiers de PCH, même si les délais sont encore trop longs. »
Voici en tous cas une affaire qui se termine bien pour toutes les parties : « Ce qui concerne la PCH est très peu judiciarisé, commente Alexis Ridray. Or, la MDPH a quatre mois pour répondre et ne respecte pas ce délai. Le dispositif est pourtant tout à fait clair. Il n’y a aucun problème lorsque l’on travaille à bénéficier d’aides humaines 24h/24 au titre de la PCH, dès lors que l’on nécessite une aide et une surveillance constantes. » Avocat handicapé, avocat du handicap, Alexis Ridray connaît ses droits, et entend les faire respecter, pour lui et les autres.
Laurent Lejard, août 2013.
PS : Alexis Ridray est mort en avril 2019.