La promesse de faire marcher ou remarcher des paraplégiques en « réparant » la moelle épinière sera probablement tenue par les chercheurs et les médecins, mais pas avant quelques décennies. Dans ce laps de temps, des appareils motorisés seront opérationnels, plusieurs de ces exosquelettes étant déjà commercialisés bien qu’encore perfectibles et expérimentaux. Parmi eux, celui de la société française Wandercraft, installée à Paris. Sa particularité, voire son principal avantage concurrentiel, est d’offrir une marche autonome sans cannes anglaises. Son défaut actuel : un encombrement et un poids encore trop importants. « Wandercraft est autonome, puissant, réglable dans toutes ses dimensions, explique Jean-Louis Constanza, administrateur de la société. Notre objectif est de l’alléger et de le faire maigrir. »

Ce robot d’aide à la marche ne nécessite pas d’effort musculaire pour activer le mouvement, ce n’est pas un simple amplificateur : « C’est un créateur de mouvements pour les paralysies de type A et B, ne laissant aucune motricité, et bientôt pour les paralysies de type C. Il est nécessaire de posséder une bonne extension du genou. » La personne est maintenue debout dans l’exosquelette par sanglage ventral et des jambes, et l’engin réalise une marche simple, à la fois mécanique et fluide, avec flexion et rotation des chevilles, des genoux et des hanches, ces dernières pouvant en plus réaliser abduction et rotation sur leur axe. « Nous avons recréé la marche à partir des mathématiques plutôt que de la biodynamique, pour retrouver une déambulation sans canne. Avec une démarche ethnographique pour analyser les vrais besoins sous les besoins exprimés, et les mettre en situation. Qu’est-ce que souhaitent les futurs utilisateurs, à qui demander conseil ? A quelqu’un qui a déjà un exosquelette. Chez Wandercraft, ce sont les gens qui conçoivent, les ingénieurs, les techniciens, qui font les essais. »

Les centres de soins pourront s’en servir pour verticaliser les patients traumatisés médullaires et le réapprentissage de la marche. « On a mis en place ce qu’il faut pour ne pas être a côté de la plaque, on travaille en collaboration avec les centres de rééducation de Kerpape, Jacques Calvé, et le Ceremh. Les médecins veulent une marche réaliste. Aujourd’hui, on maitrise les mouvements mais si on pousse la personne, elle tombe. » Le protocole expérimental demande de tenir le patient pour sa sécurité par câble et à la main, la chute doit être exceptionnelle et protéger la personne : la marche sans chute n’est pour le moment possible que sur un sol plat et stable, en intérieur.

Wandercraft travaille également sur un modèle personnel pour se lever, marcher, se relever en cas de chute, un exosquelette qui devra avoir des dimensions compatibles avec un siège de TGV ou de voiture pour être utilisable au quotidien. Ce qui conduit à ramener son poids à 60kg, et à miniaturiser les moteurs et batteries tout en réduisant le prix de revient : « Nous espérons baisser les coûts d’un facteur 10, avec des moteurs moins chers à produire. Notre exosquelette pour les établissements de soins devrait être prêt début 2019, le modèle personnel plus tard. » Jean-Louis Contanza ne veut pas donner de date-butoir pour ce dernier : « On veut éviter que les gens se projettent trop dans l’exosquelette, et arrêtent leurs traitements. » Les expérimentations menées avec des personnes paralysées ont permis de constater l’absence de rougeurs après six heures dans l’exosquelette, dont trois heures debout. Elles ont également mis en évidence les points de frottements potentiellement créateurs de risque d’irritation, essentiellement sur les cuisses et les orteils, ce qui conduit à modifier les techniques de maintien. Par ailleurs, il y a encore beaucoup de travaux à mener pour qu’un tel appareil soit utilisable en extérieur, pour faire des courses, se promener debout sur des sols irréguliers.

« Il nous manque la nouvelle architecture de l’exosquelette et des batteries amincies pour le certifier auprès d’agences agréées au niveau européen. On devra également qualifier les sous-systèmes, puis l’ensemble, et réaliser le travail documentaire et pour finir un essai médical afin de définir les préconisations. » Wandercraft ne manque pas de moyens pour y parvenir, la société vient de collecter 15 millions d’euros auprès d’investisseurs et peut s’assurer la collaboration d’ingénieurs talentueux. Reste à savoir si un marché solvable existe : l’israélien ReWalk, qui nécessite de s’équilibrer avec des cannes anglaises, est vendu 80.000€ par son distributeur français mutualiste. Si des établissements de soins peuvent l’acquérir, peu de personnes paralysées en ont les moyens, il n’est pas pris en charge par la Sécurité Sociale et la Prestation de Compensation du Handicap. Le chemin des paraplégiques vers la marche assistée par exosquelette est encore long, mais l’arrivée semble se rapprocher…

Laurent Lejard, novembre 2017.

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