Le charme discret des petites roues, tel est le titre du deuxième album écrit et dessiné par Paul Samanos. Un volume de 112 pages publié « pays », dans la maison d’édition nantaise « Grandir d’un Monde à l’Autre », voisine de quelques centaines de mètres de l’appartement de l’auteur. Un choix qui s’est imposé après avoir renoncé à publier chez un éditeur parisien trop interventionniste.

« Le premier album, Fauteuils en état de siège, a eu un relatif succès, vendu à 4.000 exemplaires, raconte Paul Samanos. L’éditeur était prudent sur le dessin d’humour, mon ouvrage a été publié avant le film Intouchables et la série Vestiaires : manier l’humour et le handicap était délicat ! J’ai eu beaucoup de retours de lecteurs lors de festivals, pendant quatre ans environ, des réactions positives de personnes handicapées, de familles, de valides sans aucun rapport au handicap. J’ai reçu de nombreuses invitations à intervenir dans les écoles, et même celle d’infirmières [toujours pulpeuses sous le crayon de Paul Samanos ! NDLR], une belle aventure. Il y a eu également une intéressante couverture médiatique, notamment sur France 2 (Télématin) et France 5 dans le Magazine de la santé. Le lendemain, l’impact de l’émission a été immédiat en termes de sollicitations et de vente. Je croise les doigts pour le nouvel album ! »

Paul Samanos travaille sur ordinateur, la mobilité résiduelle de ses mains ne lui permettant pas de dessiner au crayon. Aussi, c’est à un travail long et difficile qu’il s’est attelé en s’engageant sur un second album autour du même thème : « Le petit personnage en fauteuil roulant est un peu mon avatar, mon porte-parole. Il me manquait, je ressentais le besoin de le faire vivre encore, de remettre en selle ce deuxième moi qui me permet de m’exprimer. C’est mon faux-nez qui me permet de dire ce que je ne ferai pas dans la vraie vie : la maladresse compassionnelle, ces mots sur ‘mon extrême courage’ de la part de gens qui ne savent pas s’arrêter et agacent, des bien intentionnés maladroits. Je leur réponds au fil des pages, en différé, sans volonté de blesser. »

Mais la création de ce second album a été compliquée par une péripétie inattendue : « Il s’est passé quelque chose d’étrange, dont je m’interroge encore. L’éditeur se piquait d’être auteur et a voulu intervenir sur le fond, la matière qui est la mienne, créant de l’agacement. Avec une relation de chef qui entraînait une forme de censure, par exemple ‘personne ne répond banane à un patron; un personnage qui rit en présence du Christ en croix ce n’est pas possible; quand un personnage en fauteuil roulant est en présence d’un architecte, on ne peut pas parler de relations sado-maso’ ! Je me dis que l’éditeur voulait orienter mon album tout public dont les enfants. » Comme si bande dessinée devait rimer avec gentils Mickey écervelés…

Paul Samanos veut tirer le lecteur vers le haut, le faire réfléchir en s’amusant, en jouant sur les mots quand il détourne, par exemple, des chansons de Serge Gainsbourg ou de Pierre Perret : « On n’est pas égaux devant les jeux de mots, je fais partie des gens qui fonctionnent comme ça. Les situations qui se présentent à moi, je les vis comme cela. Après, j’équilibre les thématiques entre accessibilité et autres sujets, en cherchant une fluidité dans les enchaînements. Je dessine à grand-peine, au prix d’un travail très long et difficile. En fait, je n’ai rien voulu du tout : je me suis mis au dessin, au graphisme, au fil du temps, en solo. Ça m’apporte une profonde satisfaction. J’ai fait les choses comme elles me venaient, sans me poser la question du duo scénariste-dessinateur. » Il se demande d’ailleurs s’il ne va pas sauter le pas et écrire.

Côté humour, pas de trash chez Samanos : « Cyril Hanouna [animateur télé controversé NDLR] ne me fait pas rire; je me suis coupé de ces talk-shows, je ne sais plus ce qui s’y fait. Je ne m’autorise pas tout. Je ne veux pas m’aventurer sur les terres de ce que je considère de mauvais goût. Je m’interroge sur les conséquences de ce que j’écris et dessine, en considérant la situation des personnes. Je suis par ailleurs militant d’associations, et ne veut pas tirer contre mon camp ! Il vaut mieux éviter de blesser les personnes : mon humour noir est bienveillant. »


Propos recueillis par Laurent Lejard, mai 2018.


Le charme discret des petites roues, écrit et dessiné par Paul Samanos, éditions Grandir d’un Monde à l’Autre, 13€ chez l’éditeur et en librairies sur commande. A découvrir également sur Youtube, une parodie du célèbre « Poinçonneur des Lilas. »

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