Les pôles régionaux d’accueil et de soins pour les sourds en langue des signes découlent d’un constat d’échec : celui de la convention nationale qui laissait au médecin l’appréciation du besoin de communication avec son patient. Si le praticien l’estimait nécessaire, pour une meilleure compréhension de ses actes thérapeutiques par son malade sourd, il pouvait requérir la présence d’un interprète assermenté. En pratique, cette procédure lourde n’a été utilisée que pour 200 consultations en 1994.

Le changement commence en 1995. L’épidémie de Sida fait des ravages chez les sourds, population délaissée par les campagnes d’information (lire cet article de janvier 2001). L’Etat défaillant dans sa mission de protection sanitaire d’une partie de la population réagit en finançant le premier service de consultation médicale en langue des signes française (LSF), au sein de l’hôpital parisien de la Pitié- Salpétrière.

Actuellement, neuf centres hospitaliers en sont dotés en France, à Bordeaux, Grenoble, Lille, Marseille, Montpellier, Rouen, Strasbourg et Paris. Dans la capitale, outre la consultation « historique » de la Pitié- Salpétrière, un centre spécifique a été créé. « Les besoins sont importants » précise leur fondateur, le docteur Jean Dagron. « Durant les six premiers mois de cette année, 977 sourds ont consulté à Paris, dont 613 femmes. Les consultations spécialisées sont prises d’assaut, il y a un délai d’attente de 30 à 60 jours ». De quatre personnes en 1995, le pôle parisien emploie maintenant 17 médecins, aide- soignants et infirmiers, préleveurs, tous pratiquants la LSF. Le patient peut expliquer ce qu’il ressent, mettre des mots sur ses maux et être compris, soigné, accepté. Un travail de linguistique pour « dire la santé en LSF » a également été entrepris afin de faciliter le dialogue entre sourds et soignants.

Mode d’emploi. Quand un consultant arrive sur le lieu de la consultation, des panneaux LSF le dirigent vers l’accueil spécifique. Il est reçu par un médecin généraliste signeur qui l’oriente éventuellement vers un médecin spécialiste. Le généraliste dresse également, avec le médiateur sourd, un diagnostic du besoin de communication afin d’évaluer le besoin de la présence d’un interprète lors des phases de soins. L’objectif recherché est d’optimiser la compréhension entre soignants et patient, pas d’assurer la présence constante d’un interprète. Le bon fonctionnement de cette démarche nécessite une préparation des équipes médicales, un médecin ayant toujours la faculté de refuser la présence d’un tiers: la réussite d’un pôle santé- surdité nécessite d’expliquer et de convaincre tous les partenaires de la chaîne de soins.

Chaque site de consultation a une vocation régionale. Il comporte au moins un médecin généraliste signeur, un interprète diplômé en LSF, un soignant sourd « médiateur » qui assure la relation directe entre praticiens et patient, et enfin un travailleur social. Cette équipe médicale est mixte sourd- entendant. Son coût moyen de fonctionnement, qui oscille entre 100.000 et 150.000 euros, est financé par un budget spécifique de la Dotation Globale de Fonctionnement définie sous l’égide de l’Agence Régionale d’Hospitalisation. Mais Jean Dagron ne peut préciser le temps que prendra l’extension des pôles de consultation à l’ensemble des régions françaises: « il y a des projets, mais la formation des personnels médicaux à la LSF prend au moins cinq ans ». Si le dispositif reste à compléter, les pôles santé- surdité ont déjà nettement contribué à améliorer l’état sanitaire de la population des sourds et c’est bien ce qui compte.

Laurent Lejard, novembre 2002.

Le site internet Sourds.info propose une liste tenue à jour des Pôles Santé Surdité.

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